Une histoire de France. Comme il peut malheureusement s'en passer en France. L'histoire d'une femme qui disparaît à la fin de la première partie. Et heureusement, car cette partie est difficile à lire ; j'étais souvent à la limite de la nausée. Je pouvais enchaîner les chapitres où la petite Romy, 9 ans, n'est pas chez la voisine. Mais dès qu'elle lui était confiée, j'attendais quelques jours avant d'affronter ces passages.
A 9 ans, Romy est violée par France, cette voisine, mère de famille qui s'occupe d'elle lorsque sa mère est trop malade, et que son père, militaire, comme son mari, ne peut s'en occuper. A 9 ans, Romy ne voit pas le mal, et cherche la chaleur de cette femme, pilier dans la vie familiale chaotique. Souvent je me suis demandée si j'allais poursuivre la lecture.
Mais je trouvais l'auteur courageuse d'aborder ce sujet : la maltraitance d'un enfant, l'abus sexuel mené par une femme. Alors j'ai continué.
Et puis France disparaît brutalement de la vie de Romy.
Alors j'ai continué en espérant que cette fille de 10 ans allait pouvoir se reconstruire, raconter ce qui lui était arrivé. Pour avoir lu l'histoire d'une jeune fille violée dans la cage d'escalier, je savais ce chemin long, difficile, voire quasiment impossible.
La deuxième partie porte des 10 ans au 14 ans de Romy, qui grandit en refusant de grandir et plonge dans la boulimie et l'anorexie. Mais au moins, on respire. Un peu.
La troisième partie, gueule cassée la suit jusqu'à ses 19 ans, dans son errance. Avec des lueurs d'espoirs, et des retombées dans un puits sans fond.
C'est profondément triste. Profondément humain. Lucide, cru.
Un livre qui n'épargne personne. Ni l'auteur, dont le remerciement final laisse à penser qu'elle sait de quoi elle parle ("Je remercie Fatma Chaouche d'avoir plongé dans les eaux troubles pour me remonter à la surface"). Ni ses personnages. Ni le lecteur.
Un livre qui fait dire que la littérature peut sauver certaines personnes. Et qui, rien que pour cette force, mérite d'être lu.