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252 pages
Bernard Grasset Editeur (22/06/1926)
3.5/5   1 notes
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une curiosité que ce court roman fantaisiste que l'on doit pourtant à la plume austère de Lucien Dubech, maurrassien de la première heure, militant royaliste et journaliste à la revue de l'Action Française.
Homme de lettres passionné par le théâtre, grand admirateur de Jean Racine, auteur de quelques recueil de poésies fort désuètes et d'une impressionnante « Histoire Illustrée du Théâtre » en cinq tomes, Lucien Dubech a volontiers laissé l'image d'un homme dont le coeur était resté au XVIIIème siècle. On lui doit également un essai, « Pourquoi Je Suis Royaliste » qui bénéficia d'un assez estimable succès auprès d'un public qui s'estimait concerné par ce genre de question.
À côté de cette oeuvre partisane et académique, Lucien Dubech publia donc cette « Grève des Forgerons » en 1926, un court récit qui s'inscrivait alors dans la mode des romans "gais", répondant à un désir crucial de divertissement et de dérision durant l'entre deux-guerres. Ce fut cependant sa seule incartade dans ce genre.
« La Grève des Forgerons » tourne essentiellement autour du personnage de Rirette, petite faubourienne gouailleuse et prolétaire qui n'est pas sans évoquer les personnages interprétés par la comédienne Arletty quelques années plus tard. Elle a 16 ans, et travaille depuis peu dans l'atelier parisien d'une manufacture de vêtements. Revenue de ses premières vacances, elle trouve son atelier fermé : les employés en son absence, sous l'influence du syndicat, ont décidé d'une grève illimitée de son atelier pour soutenir la grève également illimitée des forgerons. Pourquoi les forgerons font-ils grève ? Nul ne le sait, mais peu importe : la solidarité avec les camarades forgerons prime tout !
Âme simple et ludique, Rirette ne voit dans cette grève qu'une grande fête collective qui lui accorde un surcroit de vacances. Elle s'y adonne donc sans rien comprendre à la politique, en trouvant juste l'aventure amusante. En défilant à un moment dans la rue, elle rencontre un charmant jeune homme auquel elle s'est heurtée par inadvertance. Jean est à peine plus âgé qu'elle, il est apprenti-comédien, en stage à la Comédie-Française. Jean est immédiatement séduit par Rirette, il se vante d'avoir droit à des places gratuites au théâtre pour lui donner un prétexte de le revoir. En réalité, il n'a encore guère d'influence, et achète en cachette à Rirette les places de théâtre qu'il prétend pouvoir obtenir sur simple demande.
Les deux jeunes gens prennent tout leur temps pour sympathiser, car la grève fait long feu. Il faut dire que ne sachant rien des revendications des forgerons, il est difficile au syndicat de la manufacture de préciser les siennes. Bien vite, une revalorisation du salaire semble s'imposer, fondée sur une augmentation des prix de revente, mais hélas, outre que des ateliers concurrents non grévistes maintiennent suffisamment bas le cours des prix pour qu'une augmentation des tarifs fasse fuir la clientèle, ces revendications ont de toute façon peu de chances de couvrir tous les jours de grève impayés.
Rirette entraîne Jean dans cette aventure politico-sociale. Peu politisé lui-même et plutôt convivial de nature, le jeune homme se familiarise vite avec le personnel du syndicat. Une intrigante mondaine, Anabel Lévinsky, en couple avec un délégué soviétique missionné auprès du syndicat, tente de manipuler Rirette pour qu'elle séduise le directeur de l'atelier, et qu'elle l'amène, par cette manière douce, à soutenir les revendications du syndficat auprès de la direction de la manufacture. Mais Rirette, si elle est peu farouche et volontiers fofolle, n'a rien d'une catin. Elle veut bien accepter quelques rôles d'ambassadrice auprès du directeur, vu qu'effectivement il ne dissimule pas son penchant pour elle, mais elle ne lui cède rien, se sentant de plus tomber progressivement amoureuse de Jean.
Vient le moment où le flirt avec Jean est enfin consommé, et l'envie de passer au lit saisit les deux adolescents, mais chacun d'eux vivant encore chez ses parents, il leur faut trouver un endroit pas trop cher où pouvoir dormir ensemble. Anabel Lévinsky, en récompense des quelques services alloués par Rirette, lui prête les clés d'un appartement où vit ordinairement un ami à elle qui est en voyage à l'étranger. Cet ami, en réalité, est un militant anarchiste russe activement recherché par la police suite à un attentat manqué, et s'il a effectivement quitté son appartement avec peu d'espoir d'y retourner un jour, son domicile n'en est pas moins régulièrement surveillé par les services secrets.
Jean et Rirette passent dans cet appartement leur toute première nuit d'amour. Ils ignorent encore que c'est aussi la dernière nuit qui les unit… Rirette, la première, s'en va à l'aube naissante en laissant les clés à Jean. Elle a prétexté à sa mère avoir une réunion syndicale qui se prolongeait tard, mais elle ne peut se permettre de rentrer en milieu de matinée. Moins surveillé par sa famille, Jean s'octroie le luxe de somnoler quelques heures de plus, et puis à son tour, il quitte l'appartement pour rentrer chez ses parents. Aussitôt, un commando de police lui saute dessus et l'interpelle brutalement, le prenant pour l'anarchiste russe ou l'un de ses complices.
24 heures de garde à vue seront nécessaires pour dissiper le malentendu. Mais pour Jean, l'humiliation est totale. Car sa relation avec Rirette est désormais connue de ses parents, diplomates influents et austères, qui, afin de décourager la vocation artistique de leur enfant, ne lui donnaient comme argent de poche qu'une somme modique. Jean se retrouve contraint d'avouer à la police et à ses parents que pour financer sa relation avec Rirette, il a dérobé à sa mère un bijou de grande valeur et l'a revendu à un receleur…
Suite à cette affaire, Jean, dont la carrière artistique est terminée, n'aura d'autre choix que de suivre aveuglément le plan de carrière voulu par son père pour se faire pardonner. Il fait savoir à Rirette, via un ami commun du syndicat, qu'il ne souhaite plus jamais la revoir de toute sa vie.
Pour la jeune fille, ce premier chagrin d'amour douloureux l'amène à fuir ce milieu syndical si malsain, et même, ce travail qu'elle ne se sent plus le courage d'accomplir, alors que la grève est enfin abandonnée, sans que les grévistes aient obtenu la moindre compensation...
On l'aura compris, sous le prétexte d'une histoire légère et divertissante, Lucien Dubech s'attaque volontiers au syndicalisme et aux grèves sauvages. En bon droitiste, il a une tendance certaine à aller bien trop vers la caricature et vers certains clichés un peu faciles. Mais surtout, ce militantisme affirmé et la fin un peu sombre de son histoire font de ce roman "gai" un récit finalement assez triste, produit relativement prévisible d'un auteur ultraconservateur, mélancolique et pessimiste.
Le roman d'ailleurs porte en dédicace "Pour elle, ce divertissement qui était sur le chantier quand elle emporta le bonheur". Rupture amoureuse ? Décès d'une proche ? Lucien Dubech a emporté ce secret dans la tombe. Mais quelque chose dans ce roman témoigne de la rédaction affligée d'un récit positif qui fut imaginé dans un moment de bonheur, lequel s'est cependant achevé avant que le livre soit fini, et petit à petit, au fil des pages, on sent la tristesse et le désespoir s'y inscrire en arrière-plan.
Ce simple détail fait de ce roman, qui hésite en permanence entre une comédie ironique et un portrait social âpre, une oeuvre atypique et souvent déconcertante, où le personnage joyeux, gouailleur, insouciant et un peu futile de Rirette traverse une aventure qui la plonge brutalement dans le monde des adultes, un monde où chacun n'agit que selon son intérêt personnel en tentant de manipuler les autres. Ni très futée, ni vraiment désireuse de le devenir, Rirette ne voit que ce qu'elle veut voir, jusqu'à ce que le chagrin la touche directement. Néanmoins, il est curieux qu'une telle héroïne, si viscéralement hédoniste, si ouvertement "vulgum pecus", soit née de la plume d'un écrivain royaliste épris d'académisme.
« La Grève des Forgerons » pourrait être l'un des ces romans attendrissants des années 20 qui semblaient vouloir rechercher des ambiances ou des thématiques relativement novatrices. Hélas, à plusieurs reprises, lorsqu'il s'agit d'aborder le sujet du directeur lubrique de l'atelier, nommé sans ambigüité Salomon Meyer, Dubech se répand en propos antisémites gras et stupides, auxquels il tente de donner un caractère banal, presque évident. Ce ne sont pourtant que quelques clichés éculés et gratuits de plus dans un roman qui n'en manque pas, mais ceux-ci sont sinistres, inutilement blessants et prennent en plus une forme extrêmement vulgaire, digne d'un fascisme populiste de bas-étage. Il me semble qu'un auteur qui prétend incarner les vertus de la monarchie et donc de la noblesse, qui prétend aussi aimer la grande littérature et le théâtre classique, se montre ici assez indigne envers les valeurs qu'il défend en commettant d'aussi minables métaphores et d'aussi abjects qualificatifs, alors que le roman aborde d'autres sujets sans aucun lien.
C'est malheureusement à ces détails mineurs – heureusement rares dans le récit – que l'on réalise qu'on lit simplement la fantaisie amère d'un extrémiste ordinaire hanté par la haine et la jalousie, alors qu'au fond, défendre ses propres valeurs ou sa propre culture ne devrait pas systématiquement entraîner une rancoeur tenace contre des valeurs ou des cultures opposées.
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