Jessica Blandy, tome 13 : Lettre à Jessica

J'attendais ta visite, mais j'hésitais quant au style que tu allais employer. La force ou le compromis.

Merci. Vous avez les mains douces.

Parfois, j'ai l'impression qu'un vide se crée autour de moi. Les amis s'éloignent, rejoignent l'ombre, me laissant seule, sans écho, sans illusions. Parfois, quand je me sens fatiguée ou découragée, comme maintenant, j'ai envie de les rejoindre, de me reposer à l'ombre moi aussi. Ne plus penser est devenu un luxe.

Je sais que j'ai été dégueulasse avec toi. Mais nous avons eu aussi de bons moments ensemble. C'est en souvenir de ces moments que je te demande de m'aider.

Ma lettre est parvenue à sa destinataire qui n'était pas devenue une étrangère, une autre voix, un autre regard. Sans doute me suis-je trompé… Sans doute ne bougeons-nous pas tous de place avec les années ?

Cette lettre, je ne sais pas si je parviendrai à te l'écrire, Jessica. Tant de temps s'est écoulé depuis notre dernière rencontre. Tu es devenue une étrangère, une autre voix, un autre regard. C'est peut-être ma chance d'ailleurs. Tu as bougé de place, nous bougeons tous de place avec les années. Alors, laisse-moi essayer. De toute façon, je n'ai plus le choix. Je sus la merde, Jessie ! j'ai besoin de toi. Tu es la seule qui puisse m'aider, car le présent ne m'a rien apporté, et le présent s'est arrêté il y a deux jours. Je me trouvais à l'ancien dépôt du père Jonas, un bâtiment abandonné depuis des lustres. Je m'y croyais en sécurité. C'était en fin d'après-midi. La chaleur était épouvantable. J'essayais de me détendre en prenant un bain. En bas, Larry attendait. On devait venir le chercher le soir-même. Il se croyait tiré d'affaire. Il essayait de ne plus penser. Comme si les autres ne pensaient plus à lui…

Je te laisse le choix. Ou tu m'apprends ce que je veux savoir et ta mort sera rapide, sans douleur. Ou je te montre mon visage. Tu auras alors les mains et les pieds coupés, la langue tranchée, les oreilles et les yeux arrachés. Car ainsi, tu ne pourras plus jamais témoigner de ce que tu auras vu… mais tu vivras. Choisis ! La mort ou la vie !

Robby, y veut un maximum d'informations sur cette nana. De quelle tinette elle sort, qui c'est qu'elle baise, son compte en banque. Séropositivité, ce serait tout bon ou presque, ou dépressive, ou tuberculeuse. On fera pas dans le détail.

Konobo peut frapper à tout moment, n'importe où, n'importe comment. Il est le diable qui a ses entrées personnelles, qu'on ne peut saisir. Et comme le diable, il présente de multiples facettes, différentes identités, toutes changeantes, aucune reconnaissable. Il ne travaille que pour les plus offrants. On dit même qu'il n'a plus besoin d'argent. S'il continue, c'est uniquement pour le plaisir. Le plaisir de tuer.

Les victimes de Konobo présentent à chaque fois l'œil droit crevé par balle.