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Citations sur En cas d'amour : Psychopathologie de la vie amoureuse (73)

Et l’autre : toi qui es là tout entier en face de moi, et que « je » désire ? Inadéquat, toujours, forcément, à cette constellation de choses minuscules qui tractent le désir et le font se mouvoir, au risque de la disparition, du manque, de l’absence. Parce que c’est de l’absence qu’il se nourrit et de la réapparition de l’autre qu’il se recharge. L’intensité est son seul credo. Il n’en a pas d’autre. Intensité dont le curseur, inconnu de chacun de nous, se trouve très en amont, posé dans l’enfance. Au souvenir des coups seront cherchés les coups, à la mémoire des caresses les caresses et c’est ainsi que dans un éternel recommencement les données originelles d’une intensité (le vécu de l’enfant irradie) sont recherchées dans ces objets partiels et rassemblées quelquefois sous les traits d’un « autre » qui enflammera notre passion. Le tout est un malentendu admirable. Et pourquoi pas finalement. Le miracle est que cela ait lieu. Que l’amour et le désir se joignent dans ce périple invraisemblable.
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Il y a d’autres possibilités. Un homme et une femme se disent adieu. Point. Cet adieu les dépasse infiniment, il n’est ni la somme de leurs mots ni celle de leurs émotions, il va au-delà, en deçà d’eux-mêmes, se réclamer de cet espace autre - une prophétie intime ? - qui est nommé ici « rencontre », faute de mieux. Comment qualifier ce qui n’existerait pas sans cet adieu, sans ce café, sans cette lumière de fin d’été avec le désœuvrement autour, la salle moitié vide, la serveuse rêveuse qui sert d’autres clients, le chien assoupi près de l’entrée, la chaleur ? Cet adieu prononcé mais à peine tellement il est sidérant puisqu’il imprègne l’espace, les gestes mêmes et chaque syllabe prononcée, puisqu’il a pris naissance il y a tellement longtemps qu’eux mêmes, ceux qui se disent adieu, ne s’en souviennent même plus, et quand il se détache d’eux enfin, dans l’évidence de ce qui fut échangé, il n’est déjà plus nécessaire. Il les ramène tous deux à leur existence d’êtres séparés et à leur certitude de s’être aimés, leur faisant oublier tout autre chose que cette faille soudain ouverte, évidente, de leur liberté, leur désir contradictoire : s’embrasser, se perdre.
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Pourquoi est-il si difficile de quitter ces loyautés d’enfance qui exigent de nous le paiement d’une dette inacquittable - parfois jusqu’au suicide ? Préfère-t-on cette souffrance à rien ? L’idée que ceux qui nous ont engendré sont indifférents, voire franchement hostiles à notre existence, est simplement inenvisageable et lorsqu’elle s’insinue quand même, c’est tout le corps psychique qui se gangrène, et il devient essentiel de s’inventer à tout prix du sens, de l’exigence, pour ne pas disparaître. Il nous faut alors garder le secret. Le secret sur cette indifférence, cette maltraitance. Jouer la comédie de l’amour, des sentiments, et faire taire celui qui pleure, au-dedans.
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Élise ne se repose que lorsqu’elle dessine ou conçoit des espaces fermés, protégés de tout dehors ; elle invente des passages, d’étranges couloirs, s’attarde sur tous ces lieux qui font limite entre le dedans-dehors, le passage de l’extérieur à l’intérieur, les halls, les entrées, les corridors, les fenêtres, les seuils, ça la fascine.
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La répétition est une légitimation. Vous répétez ce que vous avez surtout voulu fuir, ce qui vous a fait souffrir, mais pourquoi ? Pour en quelque sorte pardonner. Légitimer après coup une souffrance passée. Personne n’est coupable, ni vous ni eux, ils n’auraient pas pu faire autrement, la vie est ainsi. Comme si la fatalité signait la possibilité même de la survie. Cette loyauté nous aveugle, nous dépasse. Elle est comme un instinct sacrificiel qui ferait remonter des limbes jusqu’au présent la scène traumatique si bien enfouie. Vous croyez réparer, et là où vous mettez le plus d’énergie à ne pas répéter ce qu’ont fait vos parents, vous rentrez dans leurs traces sans vous en rendre compte, vous égalisez le sol et vous leur pardonnez en faisant comme eux.
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L’abandon nous ramène à l’impuissance fondamentale de nos premières semaines de vie où, entièrement voué à l’autre - notre passion fondamentale au sens du « pâtir » tel que le conçoit Spinoza - nous espérons de lui, d’elle, une caresse, une parole, un geste, un signe au moins qui nous raccroche à la vie, à l’amour, au désir. Sans quoi nous errons dans ces limbes cauchemardesques où vivre n’équivaut à rien d’autre que survivre, mais pour qui ? où le relais que prend le corps pour tenir bon n’a qu’un temps et ne suffira pas. Personne ne s’aventure dans ces contrées et ne les revisite à moins d’y être obligé.
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Il y a une peine mélancolique à se trouver là dans les bras de qui dit vous aimer pour réparer sa propre histoire, mais pas pour vous.
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Le symptôme protège le lieu même du désir, il permet à l’inconscient de le garder caché, à l’abri des aléas de la vie et de la violence des émotions. Se fixer sur cet homme perdu à jamais c’est éviter de penser, d’aimer, d’être au présent, de pouvoir faire place à l’inattendu, c’est rester lové sur un trésor en poussière comme un nourrisson en attente du retour de sa mère et s’empêcher de vivre autre chose de plus fort que cette attente.
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- Vous ne pourrez jamais vous débarrasser de l’amour, commence-t-elle, brisant elle-même le silence au mépris des règles freudiennes les plus élémentaires. Nous venons de là, du lien, nous naissons encordés comme les alpinistes, attachés à un ventre, une âme, des tripes, une voix, nous venons du deux, nous mourrons seuls, c’est une certitude, et pour naître il a fallu passer par un arrachement dont nous n’avons pas même idée, si c’est de cet amour-là dont vous parlez, il n’y a rien à faire, il est dans vos poumons, votre cerveau, dans le moindre de vos gestes, il vous préexiste et sans le secours même d’aucun dieu il s’est déposé en vous comme la marque du premier lien. Et même si votre mère vous avait rejetée, abandonnée, haïe, ce que j’appelle ici « amour » est la possibilité d’un souffle qui a fait de vous un être vivant plutôt que mourant, vivant et espérant.
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On devrait davantage observer les minéraux, les cailloux, la lave pétrifiée, les fossiles, la roche - ils nous disent ce que nous sommes. C'est dans cette minéralité qu'on se retranche lorsque l'amour vous est retiré.
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