– Mercédès, répéta Monte-Cristo, Mercédès ! Eh bien ! oui, vous avez raison, ce nom m’est doux encore à prononcer, et voilà la première fois, depuis bien longtemps, qu’il retentit si clairement au sortir de mes lèvres. Ô Mercédès, votre nom, je l’ai prononcé avec les soupirs de la mélancolie, avec les gémissements de la douleur, avec le râle du désespoir ; je l’ai prononcé, glacé par le froid, accroupi sur la paille de mon cachot ; je l’ai prononcé, dévoré par la chaleur, en me roulant sur les dalles de ma prison. Mercédès, il faut que je me venge, car quatorze ans j’ai souffert, quatorze ans j’ai pleuré, j’ai maudit ; maintenant, je vous le dis, Mercédès, il faut que je me venge ! »
Il y a des mots qui ferment la conversation comme une porte de fer.
la diplomatie, vous le savez, ne s’apprend pas ; c’est une chose d’instinct...
les gens qui ne questionnent pas sont les plus habiles consolateurs.
Est-ce que la loi a des yeux pour voir votre tristesse ? Est-ce que la loi a des oreilles pour entendre votre douce voix ? Est-ce que la loi a une mémoire pour se faire l’application de vos délicates pensées ? Non, madame, la loi ordonne, et quand la loi a ordonné, elle frappe.
Il faut des garanties à l’honneur.
Voilà que j'ai acheté un jardin croyant acheter un simple enclos fermé de murs, et point du tout, tout à coup cet enclos se trouve être un jardin tout plein de fantômes, qui n'étaient point portés sur le contrat. Or j'aime les fantômes; je n'ai jamais entendu dire que les morts eussent fait en six mille ans autant de mal que les vivants en font en un jour.
En arrivant dans sa chambre, Eugénie ferma sa porte en dedans, pendant que Louise tombait sur une chaise.
« Oh ! mon Dieu, mon Dieu !l’horrible chose, dit la jeune musicienne ; et qui pouvait se douter de cela ? M. Andrea Cavalcanti… un assassin… un échappé du bagne… un forçat ! »
Un sourire ironique crispa les lèvres d’Eugénie.
« En vérité, j’étais prédestinée,dit-elle. Je n’échappe au Morcerf que pour tomber dans le Cavalcanti !
– Oh ! ne confonds pas l’un avec l’autre,Eugénie.
– Tais-toi, tous les hommes sont des infâmes,et je suis heureuse de pouvoir faire plus que de les détester ; maintenant, je les méprise.
– Qu’allons-nous faire ? demanda Louise.
– Ce que nous allons faire ?
– Oui.
– Mais ce que nous devions faire dans trois jours… partir.
– Ainsi, quoique tu ne te maries plus, tu veux toujours ?
– Écoute, Louise, j’ai en horreur cette vie du monde ordonnée, compassée, réglée comme notre papier de musique. Ce que j’ai toujours désiré, ambitionné, voulu, c’est la vie d’artiste, la vie libre, indépendante, où l’on ne relève que de soi, où l’on ne doit de compte qu’à soi. Rester, pour quoi faire? pour qu’on essaie, d’ici à un mois, de me marier encore ; à qui ?
à M. Debray, peut-être, comme il en avait été un instant question. Non, Louise ; non, l’aventure de ce soir me sera une excuse : je n’en cherchais pas, je n’en demandais pas ; Dieu m’envoie celle-ci, elle est la bienvenue.
Faria sourit.
- Oui, dit-il, en tout point vous êtes un noble coeur, Edmond, et je comprends, à votre pâleur et à votre frisson ce qui se passe en vous en ce moment. Non soyez tranquille je ne suis pas fou. Ce trésor existe, Dantès, et, s'il ne m'a pas été donné de le posséder, vous le posséderez, vous : personne n'a voulu m'écouter ni me croire parce qu'on me jugeait fou ; mais vous, qui devez savoir que je ne le suis pas, écoutez-moi, et vous me croirez après si vous voulez.
– Mercédès vit, monsieur, et Mercédès se souvient, car seule elle vous a reconnu lorsqu’elle vous a vu, et même sans vous voir, à votre voix, Edmond, au seul accent de votre voix ; et depuis ce temps elle vous suit pas à pas, elle vous surveille, elle vous redoute...