Écoutez, autant vous mettre tout de suite au courant des pires rumeurs que vous entendrez circuler sur mon compte. Rumeur numéro un : je suis un ivrogne. C'est faux. J'aime le bon vin, certes, mais je suis rarement
saoul. Numéro deux : je suis une canaille et un débauché. Tout est relatif, et j'ai le sens des limites. Numéro trois : je suis joueur. C'est vrai, toutefois je ne joue jamais au-dessus de mes moyens. Quoique. Dans ma situation actuelle, ce ne serait pas très difficile. En règle générale, je joue pour le plaisir de. prendre leur argent à mes adversaires. Quoi d'autre... ah oui ! J'aurais
une nature perverse. Là encore, tout est relatif. Certaines personnes redoutent
terriblement les élans de l'imagination. Je consommerais des substances illicites. Cela peut arriver à l'occasion, mais je ne souffre d'aucune. addiction. Je serais un anarchiste et un suppôt de Satan. Faux et encore faux.
C'est à peu près tout, je crois.
La plupart des vraies dames sont très ennuyeuses. Elles ont des exigences que je n'ai aucune envie de satisfaire, et en général leurs pères ne me considèrent pas d'un œil bienveillant. À cause de ma mauvaise réputation.
Elle allait devoir apprendre l'obéissance. Ils étaient partenaires, pas égaux. Dans toutes les alliances, il y avait forcément une partie qui dominait l'autre.
Il avait toujours pensé que la timidité naissait de la différence de classe et allait de pair avec la déférence. Mais, tout à coup, il
se disait qu'il n'était peut-être pas le maître apprécié qu'il pensait être. En sa présence, ses subalternes se faufilaient dans les couloirs comme des souris
apeurées.
Je préfère encore sentir l'oignon
frit que d'être le larbin d'un riche ! Quelle idée aussi de se fairedomestique ! Trimer à longueur de journée en échange du gîte et du couvert, ce n'est quand même pas un métier ! Moi au moins je suis libre !
Elle ne savait pas encore ce qu'il préparait - comment comprendre ce qui se passait sous le crâne d'un riche ? Mais bon nombre de
beaux gars savaient afficher ce genre de sourire, et les filles avaient alors raison de se méfier.
Elle croisa les bras sur sa poitrine, dans une attitude frileuse. Mieux valait éviter de penser à lui. Elle reporta son attention sur les oreillers rembourrés, plus blancs que les nuages, ornés de broderies jumelles, détail délicat exclusivement apprécié de celle qui y poserait la tête.
Son cœur ne s'était pas gonflé d'amour, mais de sentiments plus sombres et mesquins, comme la
jalousie, l'amertume et la colère.
Personne d'autre n'aurait cette fille. Elle lui appartenait
et elle était essentielle à la bonne marche de son plan. D'elle seule dépendaitsa victoire finale.
On aurait pu croire qu'elle avait été créée pour lui seul.
Elle débarquait, libre de toute entrave, de toute famille qu'il aurait falluamadouer. Il ne serait pas contraint de jouer les chevaliers servants. En fait, il n'aurait aucune contrainte.
Il s'avisa tout à coup qu'elle semblait sur le point de
s'enfuir, prête à bondir comme une gazelle.
Il s'obligea à reculer, alla s'asseoir dans le fauteuil voisin et croisa les jambes dans une posture décontractée. Il aurait pourtant pris grand plaisir à la maîtriser, mais cela marchait toujours mieux quand la femme avait envie d'être attrapée.
Le message passa et il constata qu'elle se détendait légèrement.
Bon, quel que soit le vocabulaire employé, le résultat est le même, reprit-il. Rushden s'est désintéressé de Jane Lovell. Elle ne l'a pasbien pris. C'est un euphémisme, car en fait elle a apparemment été prise d'un
accès de folie. Pour se venger, elle a enlevé une des jumelles. Celle qui se nommait Cornelia.
Quand on y songeait, l'humour semblait réservé au beau monde. Même les bourgeois apparaissaient comme ennuyeux et tristes avec leur moralité étriquée.