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Critique de Arimbo


Après ma grande déception ressentie à la lecture de la pluie d'été, une de ses dernières oeuvres, je reprends mon voyage dans l'oeuvre de Marguerite Duras, par Un barrage contre le Pacifique, un de ses premiers romans dans lequel sa manière d'écrire commence à s'affirmer. Même si, à mon avis, il n'est pas au niveau de la beauté du style de L'amant, Moderato cantabile, et le ravissement de Lol V. Stein, mon préféré à ce jour, j'ai été très touché par la beauté de ce récit fait de tristesse, de désespoir, de brutalité et de tendresse.

L'histoire se passe en Indochine, alors française, dans les années 1930, avec une part autobiographique.
Elle met en action un triangle fait de celle que l'auteure appellera toujours « la mère », sans lui donner nom ou prénom, et de ses deux enfants, Joseph et Suzanne.
Autour de ce triangle douloureux et tendre, gravitent des personnages admirablement décrits, parmi lesquels le Caporal, un autochtone au service de la mère, Carmen, la belle tenancière d'un hôtel de la ville voisine, ou encore Monsieur Jo, un jeune chinois très riche et très laid.
Et puis il y a la vie de l'Indochine, faite de la misère des paysans et de la mort de leurs enfants, de la corruption ignoble de l'administration coloniale, et de la richesse de quelques privilégiés.

La mère, dont le mari est mort peu de temps après l'arrivée en Indochine, et qui a dû élever seule ses deux enfants, s'est fait flouer par l'administration coloniale, lorsqu'elle a voulu utiliser toutes ses économies pour se faire un patrimoine, en achetant des terres qui se révéleront malheureusement incultivables (ce que l'administration sait pertinemment), car recouvertes chaque année par les eaux du Pacifique. Elle a mis toute son énergie, avec l'aide des paysans qu'elle a mobilisés, pour créer un barrage qui n'a pas tenu car les crabes l'ont rapidement grignoté. Depuis, elle ne fait qu'écrire à l'administration sans avoir de réponse.
La mère, un personnage sans cesse en action, obstiné jusqu'à la folie, qui calme ses douleurs par une prise abusive de médicaments, une femme à la fois brutale et tendre avec ses enfants.
Joseph, le grand fils de vingt ans, qui a pris ses distances à l'égard de la mère,qui est très protecteur de sa jeune soeur Suzanne, qui vit un peu comme un sauvage, de chasse et de pêche, et qui découvrira l'amour fou dans la ville de Ram en la personne d'une belle femme mariée.
Suzanne, l'adolescente rêveuse, qui attend souvent sur un pont qu'un homme s'arrête et l'emmène au loin, qui sera courtisée par un certain Monsieur Jo, un jeune chinois très riche, mais laid, qui la couvrira de cadeaux, jusqu'à une belle bague de diamants, mais auquel Suzanne se refusera toujours, l'autorisant seulement à ce qu'il puisse la voir nue dans sa salle de bain (allusion biblique à Suzanne au bain?); Suzanne qui découvrira le plaisir sexuel avec un voisin coureur de femmes, Agosti, mais pas l'amour.

L'histoire, que je ne dévoile pas ici, est parfaitement construite, passant de la vie dans la concession et de la parade amoureuse de Monsieur Jo, à un séjour dans la grande ville où la mère tente de vendre une bague de diamants, puis à un retour douloureux dans la concession.

Il y a une description magnifique de l'ambiance des lieux, d'un côté celle de la ville avec tous ses attraits, ses beaux quartiers, ses cinémas qui sont une révélation pour Suzanne, ses riches qui se noient dans l'alcool et l'opium, et de l'autre celle de la campagne avec la misère des paysans, leurs enfants qui meurent par centaines de dénutrition et d'infections.

Il y a enfin le style de la narration, dans laquelle apparaît cette façon de répéter des thèmes comme des leitmotivs, et, un peu, cette façon de dire sans vraiment dire qui fera toute la beauté de l'écriture des chefs-d'oeuvre de Duras.

En conclusion, un très beau roman, certes chargé de misère et de désespoir, mais aussi de tendresse et d'amour.
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