Vous imaginerez donc ma stupéfaction quand je vis les Kawaguchi se lever de leurs chaises. On ne les avait jamais vus danser : je crus tout d'abord qu'ils prenaient congé. Mais quelque chose d'étrange dans leur attitude attira vite mon attention : ils fixaient des yeux les danseurs comme un couple de léopards. Tous deux avaient à la fois un air ahuri et concentré : comme s'ils se trouvaient à une soirée d'éthéromanes. Là-dessus, il saisit soudain son épouse par la taille et, à la stupéfaction ravie de toute l'assistance, ils se mirent à danser. Ils dansaient à la perfection : une véritable valse viennoise, mon vieux, exécutée de façon impeccable. Pour un peu, j'aurais applaudi.
Peut-être était-ce son énorme barbe qui pendait comme un grillage protecteur, ne s’écartant que de temps en temps quand il bougeait pour révéler la rayure d’une cravate aux couleurs du collège d’Eton. On racontait qu’il portait sa cravate de collège même au lit, par dessus sa veste de pyjama. Certes, nous autres anciens élèves de Twickenham ne pouvons avoir qu’un regard condescendant sur ce genre de rumeur - que d’ailleurs nous ne colportons jamais.