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Critique de Dombrow01


Dans cet ouvrage, Alaa El Aswany nous présente les mécanismes de mise en place d'une dictature et les moyens de la maintenir. Prenez un chef charismatique, parfois une idéologie (Mao, Hitler, Khomeiny), un pays qui va mal, et le peuple va donner sa confiance à celui qui le protégera de l'ennemi extérieur. Car une dictature a besoin d'ennemis, c'est la théorie du complot, et ceux-ci ont toujours des relais à l'intérieur du pays qu'il faut démasquer. On ouvre ainsi la porte à la répression qui est nécessaire à toute dictature pour se maintenir au pouvoir.

Le discours n'a pas besoin d'être cohérent, car il vise l'émotion, pas l'intelligence. Hitler n'avait pas besoin de démontrer ses théories, l'Allemagne allait mal et il a capitalisé sur l'antisémitisme pour trouver le coupable et gagner le support des Allemands. Nasser déclarait "“Liberté pour le peuple, pas de liberté pour les ennemis du peuple”. Rien qu'avec cette phrase, il promet la liberté mais pas pour ses opposants. Quand à Khomeiny, il forma un gouvernement dont il déclara clairement "qu'il était le gouvernement de Dieu et que quiconque lui désobéirait s'opposerait à Dieu". Et bien voyons, cet homme se met carrément au niveau de Dieu et justifie d'avance la répression terrible qu'il va exercer.

Une fois installée, la dictature doit prendre le contrôle des médias pour semer la bonne parole et surtout éviter tout discours contestataire. Naturellement elle doit également s'assurer le concours des organes de répression. L'auteur dit : "Des officiers de police, libéralement dotés d'argent et de privilèges, défendent le pays en torturant et en tuant, sachant qu'ils jouissent d'une complète immunité et n'ont pas de comptes à rendre. Des généraux de l'armée appartenant eux-mêmes à la classe aisée sont prêts à tuer autant de gens qu'il le faut pour préserver leurs privilèges. Des juges corrompus sont dirigés par des officiers de la sécurité qui leur dictent les décisions à prendre. Des membres du parti au pouvoir sont formés à l'hypocrisie et à l'opportunisme de façon à saisir chaque occasion d'enrichissement personnel grâce à leur militantisme."

Alaa El Aswany nous parle aussi du rôle des intellectuels. On ne peut pas reprocher à quelqu'un de ne pas risquer sa vie pour dénoncer une ignominie, mais on peut reprocher de soutenir un régime brutal. L'auteur dénonce quelques écrivains, comme Garcia Marquez ou pire, Pablo Neruda qui fût jusqu'au bout un admirateur de Staline. Parmi les intellectuels de gauche français, on a trouvé des supporters inconditionnels du système soviétique, ainsi Sartre soit-disant défenseur de la liberté qui a longtemps soutenu les purges staliniennes.

Une des théories de l'auteur est "qu'une dictature n'a pas été établie par la seule volonté du tyran. Elle est une relation humaine dans laquelle deux parties sont nécessaires : le tyran qui décide d'imposer son joug et le peuple qui a accepté ce joug". Et là on atteint les limites de cet ouvrage, dont l'exemple principal est l'Égypte mais qui prétend s'appliquer partout alors que ce n'est pas le cas. Autant certains peuples ont accepté le joug d'un dictateur comme le dit l'auteur, autant d'autres n'ont rien accepté du tout et ont dû se taire pour rester vivants. Les citoyens de Idi Amin Dada n'ont rien choisi, ils se sont tus pour éviter de servir de déjeuner aux crocodiles. Les Cambodgiens ont obéi aux Khmers Rouges car la moindre désobéissance signifiait la mort. Toute l'Europe de l'Est se taisait pour ne pas finir dans les geôles de la Stasi ou de la Securitate ou autre.

Dans cet ouvrage l'auteur émet quelques affirmations très contestables : "les animaux naissent libres et que leur propension naturelle les pousse à défendre leur liberté avec toute la force dont ils disposent". Ce n'est pas vrai pour les animaux grégaires chez lesquels règne une hiérarchie. Les loups naissent dans une meute où règne le couple dominant, les autres n'ont même pas la liberté de se reproduire. Les fourmis naissent soldats ou ouvrières, et chacune accepte son rôle. Même un troupeau de vaches a une hiérarchie et les plus faibles doivent se soumettre.
Il dit également : "Une révolution, pour l'essentiel, n'est rien d'autre qu'une tentative de trouver un remède au syndrome de la dictature". Robespierre, fruit de la révolution française, était-t-il un démocrate ou lui-même un peu dictateur ? Quid de la révolution iranienne ? le but était franchement de remplacer une dictature par une autre.
Dernier exemple : "Pour prévenir la dictature, nous devons avoir à l'esprit que, aussi couronné de succès que soit un dictateur au début, la fin sera catastrophique." Staline est mort dans son lit, après 30 ans de pouvoir sans jamais être contesté. Mao a fait régner la terreur et est mort tranquillement lui aussi, et la Chine s'est relevée après son décès. On a même vu des dictateurs éclairés, qui favorisaient le développement de leur pays pour avoir plus de richesses à piller.

En résumé je dirais que le syndrome de la dictature est une étude bien menée et assez complète, mais qui ne s'applique pas à tous les pays.
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