Premier point :
Warren Ellis +
Ben Templesmith = Dream Team.
Je rappelle que
Warren Ellis est l'auteur -entre autres- du charmant et fleuri Transmetropolitan, l'un des comics les plus magistraux que j'aie pu lire. Quant à
Ben Templesmith, vous avez déjà pu le croiser sur ce blog avec Wormwood et
Bienvenue à Hoxford. J'apprécie tout particulièrement sa technique graphique, et j'ai donc décidé de lire (et de collectionner) toutes ses publications. Fell ne pouvait donc qu'être explosif, et je n'en attendais pas moins de la part de ces deux génies du comics.
Le scénario est apparemment simple : un flic puni par ses supérieurs, envoyé dans le pire quartier qui existe, essayant tant bien que mal de faire régner la loi dans un univers où le meurtre, le viol, la pédophilie et autres pratiques tordues sont monnaie courante. Ce premier tome est composé de plusieurs courtes histoires mettant chacune en scène Richard Fell et un truand. le fil rouge est bien évidemment la ville, Snowtown, qui d'après les habitants vole l'âme de ceux qui y habitent. Ces petits récits sont comme des fenêtres sur la cité, ouvertes puis aussitôt refermées ; ils nous permettent de nous imprégner de son atmosphère sans forcément suivre un schéma chronologique précis (il peut se passer deux jours comme deux mois entre chaque histoire, nous n'en savons rien). La narration s'effectue parfois en post-it rédigés par Richard Fell lui-même et renforce cette impression de fugacité, de choses entrevues, aperçues, telles qu'un officier de police débordé aurait pu les coucher sur le papier ent
re deux interventions. Les dialogues sont précis, minutieux, implacables : il est important de saisir en quelques mots de quoi il retourne.
Fell est, comme sont nom l'indique, centré sur le personnage de l'inspecteur, qui m'a beaucoup plu. Tête brûlée, il n'hésite pas à recourir aux même méthodes que ceux qu'il poursuit pour arriver à ses fins : mensonge, manipulation, passage à tabac... Toujours borderline, mais profondément convaincu de la justice de ses actions, ses antagonismes en font un personnage complexe, sensible, humain. J'aime beaucoup son flegme face à des situations hallucinantes (par exemple la fois où il découvre un type bardé de bombes dans une cabine d'essayage alors qu'il allait se racheter des vêtements). Il est cependant loin d'être mou et possède une extraordinaire capacité de réaction qui lui permet de toujours s'en sortir. Mais Richard Fell est aussi faillible, et
Warren Ellis met brillamment en scène l'un de ses échecs, chose assez rare (que ce soit dans les films, les séries ou la littérature) pour être soulignée.
Le tout est magistralement porté par le trait incandescent de
Templesmith. Toutes les pages sont un vrai délice pour les yeux ! Je manque d'adjectifs pour décrire le plaisir visuel que je ressens avec cet illustrateur virtuose. Les couleurs et les plages de noir et blanc sont minutieusement dosée, le trait tantôt flou, tantôt précis : tout est savamment orchestré pour conserver un bel équilibre.
Vous l'aurez compris, Fell est donc un gros coup de coeur. Je mets cependant en garde les plus sensibles, comme je l'ai fait pour les autres titres de
Templesmith, car le scénario est loin d'être tendre et présente même un certain nomb
re d'aspects assez malsains (mais rien n'est gratuit). Une petite angoisse me saisit lorsque je vois que ce premier tome date de 2007 et que le suivant n'est toujours pas annoncé... J'imagine que nos deux larrons sont bien occupés ailleurs mais j'espère que le projet continuera !