“I never liked anyone and I'm afraid of people.” (Je n'ai jamais aimé personne et les gens me font peur.)
C'est par cette phrase que se conclut le dernier opus de BEE.
Pour arriver jusqu'ici, le lecteur aura retrouvé les protagonistes de
Moins que Zéro publié 25 ans auparavant dont le personnage central et narrateur, Clay revient comme dans le précédent ouvrage, en Californie, à Los Angeles, au moment de Noël et y retrouve sa bande de copains décadents. Clay est scénariste pour Hollywood où l'on doit adapter l'un de ses livres, The Listeners (les auditeurs). Il revoit donc toute la caste – pendant le casting du film – et se meut dans les hôtels de grand luxe de L.A, boit beaucoup, retrouve son ex- petite amie chez laquelle se déroule une fête, c'est-à-dire chez Trent avec qui elle vit, dans une maison sur les collines de L.A. Il rencontre une jeune actrice, Rain, qui cherche à avoir un rôle dans son film et par conséquent devient sa maîtresse attitrée.
Mais les ennuis commencent, subrepticement, subtilement. D'abord Clay reçoit des textos sibyllins d'un numéro inconnu comme si on l'espionnait, qu'on savait tout ce qu'il faisait, sorte de Big Brother virtuel. Ensuite, il est toujours suivi par la même voiture (on se souviendra de l'obsession des voitures fantômes dans Luna Park) et enfin son entourage (Ex, amis, collaborateurs) ne voit pas d'un bon oeil sa relation avec Rain qui, selon eux ne cherche qu'à avoir un rôle dans le film et ne cesse de lui mentir sur ses escapades. Mais les choses ne sont pas si simple et bientôt le lecteur ne sait plus le vrai du faux, entre les délires de Clay, ses excès dus à l'alcool et la réalité du roman qui ne peut jamais en être une puisqu'il s'agit certainement pour les personnages de jouer un rôle au milieu de la mise en route d'un film effectivement bien nommé. Des personnes disparaissent tout aussi mystérieusement et la mort de Kelly Montrose dans d'atroces conditions est encore une mise en scène avec un cimetière pour décor.
Dans ce roman, on ne sait pas trop où on va, un peu comme Clay avec Rain, les mystères et les angoisses nous environnent et la multiplicité des moyens de communication (portables, internet, télévision, vidéos , rushes de film…) renforcent l'incommunicabilité du personnage aussi bien avec les autres qu'avec lui-même. Il fuit la réalité dans l'alcool ou son hypothétique histoire d'amour, bref il cherche à se perdre pour mieux se retrouver. Rien à comprendre, tout est dans le non-dit. le style est efficace, les situations se ressemblent toujours un peu, à quelques détails près, cela se passe souvent justement dans des suites d'hôtel avec un verre à la main, devant la TV ou dans la vie nocturne, dans ces villas luxueuses de Los Angeles. Les dialogues sont taillés au cordeau, la langue est très simple, presque triviale. On a toujours l'impression de voir les tableaux de Hockney (j'en ai déjà parlé pour
Moins que Zéro)désenchantés, parfaits, aux lignes épurées, au ciel impeccablement bleu où un ou deux éléments viennent perturber l'ensemble. Ici c'est un texto, une présence ou une absence aussi inexpliquée qu'insupportable pour le narrateur.
A la fin je me pose cette question : est-ce la vision d'un univers anormal par un individu normal ou le contraire ou plutôt un peu des deux mais pas toujours.
A priori ce n'est pas le roman que je préfère de BEE mais j'ai de plus en plus en plus la conviction qu'il faut que je le relise.