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Critique de gavarneur


Mille cent pages de lecture, un peu difficile au début, très prenante par la suite. Lucy Ellmann propose deux récits imbriqués, qui vont petit à petit se rejoindre. Dans le second, un narrateur omniscient conte la vie d'une femelle cougar (puma, lionne des montagnes), ses préoccupations de mère, sa compréhension étonnante, décalée, des humains.
Mais l'originalité et la force du roman tient surtout à la nature du récit principal. Plus de mille pages de texte compact, avec pour seules séparations des virgules. Il s'agit du monologue intérieur d'une « ménagère de moins de cinquante ans », « monologue intérieur, mais perméable au monde » comme dit François Bon*. Les pensées se succèdent, souvent sans lien apparent et introduites par le leitmotiv « le fait que » ; assez souvent limitées à quelques mots. La phrase (unique, pour mille pages) avance aussi parfois par associations d'idées ou de sons, et c'est cela qui m'a rendu la lecture difficile au début : pas question d'avoir une lecture rapide, attentive seulement au sens général, il faut saisir en détail chaque mot pour suivre les méandres de l'expression. Cette lecture attentive est aussi nécessaire parce que la narration n'est pas exactement chronologique : des faits sont mentionnés, jusqu'à un final grandiose, mais toujours dans ce flux de réflexions qui souvent revient en arrière et introduit les événements par le petit bout.
Les préoccupations de la narratrice sont surtout celles d'une mère de famille inquiète (comme la lionne des montagnes) : qu'est-ce qu'être un bon parent, comment profiter de ses enfants mieux qu'on n'a vécu avec ses parents, comment vivre dans un monde que l'homme est en train de détruire, comment faire face au « silence méprisant » d'une ado... L'autrice n'a vécu que treize ans en Amérique mais nous fait partager sa vision pessimiste de ce que deviennent les États Unis, minés par la violence, le sexisme, les inégalités sociales et un président qui confond le monde réel avec ses opinions. Elle nous parle aussi beaucoup de faits culturels : livres pour la jeunesse et surtout films anciens, dont un bon nombre que je ne connaissais pas ou plus assez. Beaucoup de rêves sont aussi rapportés avec de nombreux détails, je ne sais pas au juste à quoi ils servent, disons au moins à mieux nous immerger dans le cerveau de cette femme inquiète et proche de chacun de nous.

Pour finir il faut saluer la traduction de Claro : comme Ulysse ou Finnegans Wake ce roman est un bloc de texte et la traduction rend bien les aspects formels et poétiques de cette grande déferlante. J'ai hélas remarqué quelques erreurs de traduction (qui vont au-delà du choix discutable, je pense, mais je n'ai pas le texte anglais), quelques problèmes de relecture : mots manquants, erreurs de syntaxe. Mais ces brèves irritations ne m'ont pas gâché cette longue lecture, dont je suis sorti époustouflé.

* le fait que Claro (ou : Claro traducteur des Lionnes de Lucy Ellmann) - YouTube ).
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