Étant confrontée au handicap au quotidien, ce n'est pas forcément un thème que j'aime retrouver dans mes lectures, tout comme la maladie. Cependant quand c'est porté par une histoire pleine de sensibilité, de pétillance et de volonté, je peux me laisser tenter. Ce fut le cas avec Josée le tigre et les poissons.
Il faut déjà dire que les couvertures des deux tomes de la version manga - oui, car il y a un film d'animation aussi - sont sublimes et cela a fortement joué sur ma décision. J'ai de suite été frappée par le regard acéré et perdu à la fois de cette jeune femme qui pince également les lèvres pour se retenir, mais de quoi, on se demande, le tout dans une sorte de bulle aquatique traversée de poissons, tandis qu'un jeune homme la regarde mélancoliquement en 4e de couverture. Très poétique.
L'intérieur est à l'aune de cela. Dans une atmosphère un peu lente et mélancolique au début, on fait la rencontre d'un garçon, Tsuneo, qui vit en retenant sa respiration. Étudiant fasciné par les fonds marins, il rêve d'aller étudier au Mexique et économise pour cela. Il rencontre, Josée, une jeune femme qui, comme lui, vit en retenant son souffle, mais c'est parce qu'elle, elle est handicapée depuis la naissance et doit se déplacer en fauteuil. de leur rencontre va naître un nouvel air, un nouveau tempo, qui va peu à peu bouleverser leur vie.
J'ai beaucoup aimé la tendre mélancolie et poésie qui s'est dégagée à la fois du dessin et de l'histoire. Ce n'est pas une histoire misérabiliste. D'ailleurs, on ne sait pas de quoi souffre vraiment Josée et quel peut bien être véritablement son quotidien. Ce qui nous intéresse ici, c'est juste de la voir sortir de sa chrysalide et de sortir enfin découvrir le monde aux côtés de "son gardien" sous le regard attendri de sa grand-mère qui a toujours pris soin d'elle. Ainsi, nous allons avec eux découvrir la beauté d'une balade dans les rues, de la découverte d'un livre à la bibliothèque, la magie d'une plongée dans un aquarium ou encore juste le bonheur quotidien de pouvoir enfin faire certaines petites tâches grâce à une adaptation du mobilier. C'est charmant et tellement lumineux.
Si cela a aussi bien marché, c'est aussi parce que les personnages ont été très bien définis pour l'autrice. Très rapidement, ils ont une petite relation où Josée se montre assez piquante face au doux et patient Tsuneo, ce qui est assez amusant. Ça matche bien entre eux et on ne peut qu'être attendri face à leur rapprochement même si on voit les complications pointer le bout de leur nez et celles-ci ne viennent pas forcément de là où on l'attend. En effet, je pensais que ce serait le regard des autres sur le handicap de Josée le problème, mais pas du tout. Ce sont plutôt des contingences normales : jalousie, évolutions dans des directions différentes dans la vie, perte d'un être cher... La suite va être poignante.
L'émotion est donc au coeur de ce premier tome avec des dessins vraiment pétillants et lumineux qui nous font ressentir toute une palette d'émotions, de la moiteur des débuts à la fraîcheur amorcée par leur rencontre. C'est beau de voir ces deux solitudes se percuter et s'évaporer peu à peu au contact de l'autre sous le trait très rafraîchissant et charmant de
Nao Emoto notamment grâce aux yeux limpides qu'elle donne à ses héros et son joli cadre urbain revisité qu'on découvre au fil de leurs sorties, tel un guide pour premiers rendez-vous amoureux.
Alors que je craignais, comme souvent avec les titres où l'un des héros est porteur d'un handicap, une histoire trop mélo pour moi, j'ai été ravie de découvrir une histoire fine et positive, pleine de lumière mais aussi de petites zones d'ombres où une rencontre peu changer une vie, ouvrir de nouveaux horizons et apprendre aux personnages, handicapés ou pas, à lutter pour leur indépendance. J'attendrais le second et dernier tome mais cela m'a donné furieusement envie de voir également le film où, je ne doute pas, la musique et l'animation ajouteront une dimension supplémentaire. Un quasi coup de coeur !
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