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Depuis maintenant plusieurs générations, les humains ont été convertis en montures par les Hoots, créatures extraterrestres de petite taille et aux jambes malingres inaptes à les transporter, qui ont débarqué un jour sur leur planète. Les Hoots affirment aux humains que cette situation ne leur porte aucun préjudice : au contraire, elle va de soi puisque les Hoots leur sont supérieurs, grâce à leurs sens de la vue, de l'ouïe et de l'odorat bien mieux développés, et pourvoient à leurs besoins.
A bientôt douze ans, Smiley, alias Charley de son nom de personne, est fier de faire partie des meilleures montures potentielles puisqu'il appartient à la puissante race des Seattles : des Sams (nom donné par les Hoots aux mâles, les femelles étant des Sues) très grands, capables de porter de lourdes charges et de courir longtemps. Son dressage s'effectue en même temps que l'apprentissage des règles de monte par son cavalier, Petit-Maître, encore un bébé Hoot mais il n'est pas n'importe qui : c'est Son-Excellence-Vouée-À-Devenir-Notre-Maître-À-Tous.
La vie bien ordonnancée de Smiley, reposant sur des principes auxquels il croit, vole en éclats quand une horde de Sauvages fait irruption dans la ville, tuant les Hoots et saccageant leurs demeures, tout en faisant sortir les montures des stalles où elles sont retenues.
Au péril de sa vie, Smiley défend Petit-Maître. Mais celui qui est à la tête des Sauvages et a failli tuer son cher cavalier n'est autre que son père, qu'il n'avait jamais rencontré, venu exprès pour l'arracher à son environnement domestique …

Pour Charley, qui après quelques pages devient le narrateur, le père qu'il découvre est un étranger effrayant, un homme au regard fou et au visage marqué de cicatrices, à l'élocution difficile mais dont l'autorité naturelle est pourtant reconnue par tous ceux qui l'accompagnent. Appréhender cet inconnu, si soucieux de le délivrer d'une vie que lui aimait, ne sera pas tâche aisée : Héron, c'est son nom, est un homme silencieux et farouche, porté à la solitude, avec lequel communiquer ne va pas de soi.
Surtout, Charley, à douze ans, a ce côté légaliste qu'on peut retrouver chez des enfants de son âge : il a le chaos en horreur et rejette les moeurs rustiques des Sauvages, réfugiés dans les montagnes, lui qui était habitué au confort de la ville et appréciait les beautés qu'elle pouvait offrir. Ses objectifs étaient clairs : devenir une monture belle et performante pour gagner des courses et recevoir des trophées.

Le lecteur, bien sûr, fait un parallèle constant entre les montures et nos chevaux, car l'auteure s'est amusée à multiplier les clins d'oeil se référant à notre goût pour la chose équestre (les montures font l'objet de tableaux, pour ne citer que cet exemple). Cependant ce parallèle n'est qu'un premier plan, le propos va bien au-delà. Car les Hoots savent que les humains sont une espèce pensante et parlante (ils peuvent s'exprimer si on leur donne l'autorisation de parler), aptes à l'écriture et aux réalisations techniques. Mais toutes ces capacités sont étouffées au profit d'un pseudo pacte d'intérêt mutuel … qui en réalité n'a jamais été conclu.
Que Charley en ait conscience ou non, les Hoots assoient leur domination par la force, grâce à des techniques spécifiques, que le lecteur apprendra à connaître au fil des pages (en premier lieu, le saut d'étranglement, avec leurs mains disproportionnées hyper puissantes). Si le gant se veut de velours (les Hoots se targuent d'être gentils et c'est vrai qu'ils répugnent à tuer), la main à l'intérieur est de fer, et je n'évoque pas ici ce qu'il advient des rebelles, comme le père de Charley, on constatera qu'ils ne sont pas vraiment traités gentiment.
Quant au volet psychologique de cet asservissement, il est simple : les Hoots veillent à convaincre les humains qu'ils ne sont pas aussi intelligents qu'eux, pour qu'ils acceptent leur condition soumise.

« La monture » est un roman d'apprentissage, court mais dense. Charley en lui-même, capable de clairvoyance lorsqu'il cesse de s'aveugler volontairement et observe vraiment ce qui l'entoure, y revêt autant d'importance que sa relation particulière avec Petit-Maître, lui aussi endoctriné depuis son plus jeune âge et, au moins au départ, installé dans ses certitudes.
Au fil des péripéties qu'ils traversent ensemble, tous deux grandissent. En pleine confusion, souvent, car ils ne savent plus de quel côté ils sont, celui des Sauvages ou celui des civilisés, au sujet desquels on voudrait que leurs yeux se dessillent. Les relations de dominant à dominé, régulièrement testées voire inversées par chacun des deux, présentent des frontières mouvantes et perméables. L'éveil à la conscience et à la capacité de faire, individuellement, des choix, est long, compliqué et parfois douloureux et le lecteur s'inquiète régulièrement de la tournure que prennent les choses.

Récit prenant, original dans sa forme et son propos, « La monture » s'achemine vers un dénouement qui n'aura rien de convenu. Et s'il y a une leçon à en tirer, c'est que lorsque l'intelligence se joint au coeur, des voies nouvelles peuvent s'ouvrir.
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Encore une traduction qui a pris son temps pour traverser l'Atlantique, et c'est heureux qu'elle nous parvienne.

Un court roman philosophique qui nous happe rapidement et donne à réfléchir. Difficile en effet de ne pas faire de parallèle avec l'esclavage dans ce récit qui nous plonge dans les rouages des relations de domination-soumission entre humains et Hoots.

Le point fort du récit est de nous placer du point de vue de Charley, jeune humain de race Seattle (la "meilleure"), et désireux de plaire aux Hoots en tout point. Charley et son hoots,"Petit-Maître", voué à devenir le maitre de tous, vont voir leur monde bousculé au fil des révoltes humaines et leur relation va également changer. Quel camp aura finalement raison de l'autre ?
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La Monture n'est pas un roman de science-fiction comme on peut d'habitude l'imaginer en lisant ce terme assorti à son résumé. Ce n'est pas un roman qui met stricto sensu en scène la lutte de l'humanité contre une invasion extra-terrestre. Son originalité se situe justement dans le pied de nez que fait l'autrice à nos habitudes en la matière. Et rien que pour ça, c'est brillant. Si vous n'avez pas peur d'être chamboulé·e dans vos convictions et dans vos certitudes, alors tentez l'aventure.
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Un beau jour (ou peut-être une nuit), les Hoots ont débarqué sur Terre. Ces petits êtres (qui ne sont pas bleus) venus d'ailleurs.

Ils possèdent de grandes mains, savent faire des bons prodigieux, mais leurs jambes sont fines et incapables de les porter.

Tandis que nous, les Hommes, nous avons de belles jambes musclées…

Nous ne saurons jamais comment cela a commencé, mais les Hoots ont décidé que nous ferions d'excellentes montures et ont commencé à nous dresser, nous faire reproduire entre même race, de faire de nous des coureurs rapides ou des trotteurs sur longues distances. Bref, nous sommes leurs montures !

Cette dystopie m'a fait douter du bien fondé que nous avons de posséder des chevaux, de les utiliser, de choisir le meilleur étalon pour une jument, de les enfermer dans des box, de les tapoter et de leur refiler des friandises. Les Hoots sont très gentils avec leurs montures, ils les aiment, oui, mais… Au prix de l'enfermement ! Au prix de l'asservissement.

Oui, cette dystopie fait se poser pas mal de question, notamment dans notre rapport avec nos animaux de compagnie, même si, dans ce roman, l'on ne parle pas d'animaux, mais d'être humains transformé en monture et qui, s'ils bénéficient de tout le confort, n'en restent pas moins prisonniers, sans pouvoir choisir leur conjoint(e).

C'est encore pire lorsque l'on transforme des humains en bêtes, les divisant en races de Seattle (les trotteurs capables de porter des charges) et les Tennessee (les coureurs rapides). Les mâles sont les Sam et les femelles, les Sue.

Comme dans les dictatures, il y a ceux (et celles) qui se complaisent dans cet asservissement, appréciant la sécurité de leur "emploi", le confort absolu et le fait que l'on décide à leur place. C'est reposant, c'est sécurisant, bien plus que de vivre comme les Sauvages.

Le narrateur sera Charley, jeune garçon de 11 ans, de la race des Seattle, appelé à être la monture du jeune Excellente Excellence, Vouée-à-Devenir-Notre-Maître-à-Tous, dit Petit-Maître pour les intimes. Sa sécurité volera en éclat lorsqu'il se retrouvera libre, avec les Sauvages, son Petit-Maître toujours sur les épaules.

Les style de narration de notre Charley va changer au fur et à mesure qu'il va grandir (il va prendre 2 ans) et qu'il va commencer à réfléchir un peu plus loin que le bout de ses naseaux, pardon, de son nez. Il aime le système, il en fait partie, il est sécurisant, il est valorisant pour un jeune comme lui qui rêve de porter un mors et de conduire son Petit Maître partout.

Sans entrer dans les détails, je dirais que le récit est plus subtil qu'on ne pourrait le penser au départ, que l'autrice a pris la peine de nuancer son histoire, de jouer avec les sentiments de ses lecteurs et de faire de Charley un narrateur naïf, partial, mais pas que…

Tiraillé entre deux solutions, notre jeune garçon va devoir faire preuve de courage, d'abnégation et de réflexion afin de trouver une solution. Il en sera de même avec son Petit Maître qui n'est pas vraiment celui que l'on pourrait penser.

Voilà donc une dystopie intelligente, qui parle d'esclavage, d'asservissement, de rapport de domination entre des cavaliers Hoots et des montures humaines.

La métaphore est subtile, bien trouvée, elle met mal à l'aise à certains moments, surtout au départ, parce qu'on ne peut s'empêcher de faire un rapprochement avec les chevaux, qui, eux aussi, ne choisissent pas toujours leur vie.

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Un accident, un vaisseau qui s'écrase sur la Terre, une race extra-terrestre qui se retrouve sur notre planète et qui la domine. Les Hoots qui ont des difficultés à se déplacer sur notre sol, ont vite transformé les hommes (les Sams) et les femmes (les Sues) en montures. Comme des chevaux, Les hommes sont élevés dans des stalles avec lit, eau chaude et froide, nourriture, vêtements. Des races sont aussi sélectionnées par les envahisseurs : les Tennessees sont les plus fins et les Seattles les plus robustes.

« Vous serez libres. Vous aurez un lit. Vous aurez un robinet et une étagère. Nous vous complimenterons si vous faites les choses assez vite et si vous ne faites pas les difficiles. Nous masserons vos jambes et nettoierons vos pieds, à vous, à tous les Sams et à toutes les Sues, et vous, les Sams, vous avez intérêt à bien vous tenir. Vous nous appelez toujours extraterrestres, bien que nous habitions votre monde depuis des générations. D'ailleurs, pourquoi appeler étrangers ceux-là même qui vous ont apporté la santé et le bonheur ? Regardez comme nous nous complétons, vous et nous. Comme si nous étions faits l'un pour l'autre alors que nous provenons de mondes éloignés. »

Le roman débute trois cent ans après l'arrivée des extraterrestres. Nous suivons Charley, un jeune humain qui est destiné à devenir la monture du futur chef des Hoots « Son-Excellence-Vouée-À-Devenir-Notre-Maître-À-Tous. » Elevé dans l'amour des maîtres, il ressent un certain dégoût pour les autres humains, les Sauvages qui vivent en liberté dans les montagnes. Ceux-ci refusent de respecter les règles édictées par les Maîtres et surtout ils se reproduisent sans respecter la pureté des races…

« Je suis un Seattle. Nous sommes les meilleurs en termes de taille et de force, même si nous ne sommes pas aussi rapides que les Tennessee. Je veux être un bon Seattle. Je veux être le meilleur de tous. Dans mon ancienne écurie, au-dessus de mon étal, il était écrit : « SMILEY », et en dessous, « FILS DE MERRY MARY. Sera bon pour le trait, bon trotteur de longues distances et bon étalon. » Ils l'avaient écrit dans notre écriture et dans la leur. Je peux les lire toutes les deux. Je serai libre de me proposer pour n'importe quelle fille de Seattle. J'aurai peut-être même le choix. »

Dans son roman, Carol Emshwiller prend le parti de nous raconter son récit à travers les yeux du jeune Charley âgé de 11 ans. le style est naïf et manque d'impartialité car écrit à la première personne. En effet, notre héros est partie prenante pour les envahisseurs. On est tellement habitué à se tenir du côté des opprimés que l'on a du mal à s'immerger dans cette histoire. C'est assez déstabilisant mais on finit par comprendre que toutes ces années de domestications ont pu empêcher ces hommes de développer un intellect propre à la liberté.

« Ils n'arrêtent pas de dire que les seuls qui soient vraiment libres, c'est nous.« Où serions-nous sans vos fidèles et sûrs appuis ? » Et puis, ils battent des oreilles (c'est leur rire) tellement ils sont heureux de nous avoir. C'est facile à comprendre, que feraient-ils sans nous ? Dans leurs maisons, ils doivent se déplacer en se traînant sur de petits tabourets. Je n'aimerais pas ça du tout. Nous sommes vraiment les plus chanceux. »

Le rapport dominant et dominé prend toute sa valeur dans la deuxième partie du livre lorsque Charley rencontre son père, un sauvage qui veut libérer tous les hommes de la suprématie des Hoots. Entre la soif de liberté du père et le conformisme à outrance du fils, La Monture est un roman qui sort des sentiers battus et possède une force qui lui a permis de recevoir le prix Philip K Dick et la reconnaissance de la critique pour son originalité.

« Mais nous, les Sauvages, nous sommes revenus, nous nous reproduisons en secret dans les montagnes. Mon père dit qu'ils ne peuvent pas avoir la moindre idée de notre nombre. Il dit qu'ils ont perdu notre trace parce qu'ils n'aiment pas les collines, encore moins les montagnes. Ils ont besoin d'endroits plats et sans relief. »

Ce roman est un hymne de 200 pages à l'humanité autant qu'à l'animal. Les deux se mêlent intimement l'un à l'autre au point que l'on ne sait plus très bien qui est qui et qui domine qui. On est perdu dès le départ. La dignité humaine devra-t-elle correspondre à une vie d'esclave douce et rangée ou devra-t-elle être une vie libre mais dure et dangereuse ? La solution n'est certainement pas simple et le livre essaiera pourtant de nous donner une réponse. Si vous êtes prêt pour ce voyage déroutant, si vous êtes prêt à être chevauché par un Hoot, si vous êtes prêt à remettre en cause votre perception de la nature humaine, alors cette aventure est faite pour vous. Je vous invite à la découvrir et à l'apprécier comme je l'ai fait.

« Comme si cette fleur était différente de toutes les autres, même de sa propre espèce. Comme si toi aussi tu n'étais pas de ton espèce, mais de toi-même, ni moi de mon espèce. Avance, avance, avance, maintenant, avance.
Nous avançons. »
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L'ouverture du livre se fait par la voix d'un Hoot, donc. Puis nous suivrons par la suite le point de vue de Charley (Smiley, son nom de monture) qui a 11 ans au début du livre, 13 à la fin. C'est donc un point de vue de pré-adolescent, presque encore enfant, assez naïf, peu cultivé (les humains savent rarement lire et écrire et quand ils ont appris, ont peu l'occasion de le faire). L'angle est biaisé aussi par le fait que Charley considère son état de servitude comme un bienfait. Lorsqu'il est libéré par son père, Héron et va vivre ensuite chez les Sauvages (les Humains qui refusent de servir de montures et vivent dans la nature) , Charley n'a qu'un souhait : retrouver le confort, la vie quotidienne même si c'est pour servir de monture, subir les brimades et vivre emprisonné. On suit donc la complexité de son développement lors de sa vie hors du conditionnement des Hoots. Son langage se précise ainsi que sa pensée (magnifiquement retranscrit par l'autrice ; j'ai pensé un peu dans un autre ordre d'idée à « Des fleurs pour Algernon » pour l'exercice littéraire).
De fait, Charley se trouve à un âge charnière : l'adolescence. Ses idées s'aiguisent. Il n'est pas le seul car il s'est enfui avec celui qui est destiné à devenir son maître, le Hoot : Petit-Maître, lui-même un enfant (on peut assez logiquement penser que tous deux sont plus ou moins du même âge ou, du moins, qu'ils sont au même stade de développement). Lui aussi, loin de la société Hoot, va prendre ses distances. Il va même muscler ses jambes et marcher ! (là, bémol : on se demande pourquoi les Hoots n'y ont jamais songé avant, ces petits paresseux, plutôt que de s'embêter à asservir des couillons d'humains, mais bon…).
Les thèmes tournent autour des relations de maître à esclave, de dominant à dominé, bien sûr mais aussi du fait de grandir, de s'affranchir ou pas de son éducation, de trouver sa propre voie, d'aller vers l'Autre. La violence tient une grande part, avec un étrange côté freudien, tant que j'y pense (la relation entre Charley et Héron ; Charley qui veut à tout prix tuer son père,. .. je n'en divulgue pas plus).
Mais ce qui touche aux révoltes contre l'oppresseur (les Sauvages s'organisent contre les Hoots) se conclut par des issues assez dérangeantes.(suite sur le blog)
Lien : https://imaladybutterfly.wor..
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Charley est une monture et fier de l'être. Fier de s'entrainer à trotter et d'être le fidèle destrier de son Petit-Maître qui est Son-Excellence-Vouée-A-Devenir-Notre-Maître-A-Tous. Mais un jour, des Sauvages débarquent dans la vallée, détruisent les habitations des Hoots, ces petits extraterrestres incapables de marcher obligés d'asservir les humains pour pouvoir se déplacer et emmènent les humains dans la montagne. Parmi ces Sauvages, Héron, le père de Charley, ancienne monture qui a pris sa liberté, a la bouche martyrisée par le mors, ce qui l'empêche de bien s'exprimer et de communiquer son amour pour son fils. Charley recueilli avec son Petit Maître est partagé entre la frustration de n'avoir pu s'accomplir en tant que monture domestiquée et l'attirance vers une vie libre et sans entraves.
Roman de science-fiction original et antispéciste avant l'heure, La Monture inverse les rapports homme-animal et questionne avec habileté l'asservissement et la soumission. A travers ce roman à la narration parfois déboussolante, l'autrice Carol Emshwiller nous conduit dans un univers étonnant et dépaysant.
Lien : https://puchkinalit.tumblr.c..
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Un jour, les Hoots ont débarqués sur Terre, et cette espèce extraterrestre aux jambes faibles à peine capables de les porter à eu la bonne idée d'asservir l'espèce humaine pour en faire leurs montures. Oui, comme des chevaux. Ceux-ci sont élevés depuis le plus jeune âge dans l'optique d'être une bonne monture, ne pas trop parler, suivre les directives aux gestes, faire confiance à son cavalier, etc.
Et c'est dans ce contexte que nous allons suivre Charley alias Smiley, un jeune garçon de 11 ans ainsi que son Hoot, Son-Excellence-Vouée-A-Devenir-Notre-Maître-A-Tous durant leur apprentissage de la liberté.

Au moment où commence le récit, un vent de révolte souffle sur les montures et Charley, bien contre son gré est libéré par son père et emmené en montagne dans un village de montures sauvages. Pour Charley qui a déjà bien intégré sa domination et qui se satisfait, voir même s'enorgueillit, de son sort, la confrontation avec sa libération va être rude.

* * *

Carol Emshwiler livre avec la monture un récit passionnant, qui parle de domination au sens large, et surtout de la difficulté de s'affranchir de ces codes qu'on intériorise au point de trouver normal certaines forme d'asservissement.
Le personnage de Charley est fascinant sur ce point avec sa manière de normaliser récompenses et mauvais traitement, avec ses rêves bridés par l'horizon de la domination qui se limitent à être une bonne monture, faire des courses, gagner des rubans…

Être libre est compliqué, c'est difficile et quand on est conforme aux attentes de la servitude, il est parfois plus simple et bien plus confortable de s'en satisfaire.
Mais bien sûr, pour tout ceux qui ne se coulent pas dans ce carcan, c'est la violence, les brimades, la torture même, et toujours sous couvert d'une fausse bienveillance, porté par cet hypocrite crédo de gentillesse des Hoots. Là encore le roman tape juste, et on ne peut pas ne pas penser à cette frange politique naïve qui justifie les pires copinage fascistes sous prétexte de gentillesse et bienveillance.

De la naïveté, il y en a dans l'écriture simple et sans fioritures de l'autrice qui renforce ainsi le sentiment de malaise qui prend devant certaines scène au fond franchement horrible mais vue par les yeux de Charley avec un détachement et une normalisation glaçante.

Finalement, le chemin sera long, mais surprenamment, aidé par la relation avec son jeune Hoot forte et en fin de compte débarrassé de son rapport de force, Charley et avec lui probablement l'humanité, trouvera une nouvelle voie vers une cohabitation inévitable.

Carol Hemshwiller livre avec la monture un roman fort, marquant, dérangeant à bien des égards qui parle avec acuité des rapports de force, de la domination et peut-être aussi de la façon dont l'humanité considère les autres animaux. Elle le fait avec un récit perturbant tant dans le fond que dans la forme qui n'est pas sans évoquer le conte philosophique et qui marque fortement.
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La Terre a été envahie. Les extra-terrestres l'ont emporté et ont réduit les humains en esclavage. Les Hoots, qui ont du mal à se déplacer sur notre planète, ont transformé les femmes et les hommes en montures. Tels les chevaux, ils les élèvent, les dressent. Ces derniers vont-ils se laisser ainsi dominer par ces créatures qui ressemblent à des chats ?

Autant le dire tout de suite, j'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce livre. Je l'ai même laissé de côté après un premier essai, histoire de nous offrir une chance. Et bien m'en a pris, même si, et je vais expliquer pourquoi, je ne suis pas vraiment parvenu à m'immerger totalement dans le récit.

Dans le premier chapitre, nous sommes dans l'esprit d'un Hoot qui nous offre sa vision du monde : là, tout n'est qu'ordre et beauté, aurait dit l'autre. Et c'est bien cela qui semble se dessiner dans l'univers selon les Hoots. Tout est à sa place, la gentillesse est de rigueur. Mais aussi la fermeté. Car, pour que la société tourne correctement, chacun doit être à sa place. Et la place des êtres humains, c'est sous les Hoots. Dominés par ces créatures sensibles, à la recherche de la beauté et de l'harmonie. Mais pas nécessairement sensibles au sort de leurs esclaves.

Car, il faut bien le dire, l'humanité a été réduite en esclavage. Et, c'est là qu'intervient le côté extrêmement dérangeant (et donc remarquable) du roman : une grande partie des humains est convaincue de la nécessité de cet ordre des choses. Comme nous le voyons dans toute la suite du récit en suivant Charley, un jeune homme fier d'être au service de Son-Excellence-Vouée-À-Devenir-Notre-Maître-À-Tous. Un jeune garçon qui pense que l'ordre et la beauté installés par les Hoots sont le summum et qu'il faut tout faire pour y parvenir. Y compris obéir à ces extra-terrestres parfois si durs. Y compris rejeter les Sauvages, ces humains qui n'acceptent pas la soumission et vivent dans la nature, sans respecter les règles édictées. Sans respecter la pureté des races.
En effet, autre passage dérangeant, les humains sont élevés selon leurs caractéristiques physiques : les solides Seattle ou les Tennessee plus fins, par exemple, sont réservés à des tâches déterminées pour lesquelles ils sont le mieux adaptés. Cela vous rappelle quelque chose ? Certains seront donc destinés à la course, d'autres aux travaux de force. Évidemment, les couples n'existent que pour optimiser les croisements. Pas de mélange entre races. Et surtout pas avec des Sauvages. Ou pire, des « riens ». Pas question d'amour entre les êtres. Il faut se conformer à la pureté recherchée.

Et donc, on est dans la tête de Charley, à ressentir ce que ressent un esclave content de son sort, qui ne veut pas que le monde qu'il connaît change, qui ne veut pas que ses comparses se révoltent. Même si certains éléments de son éducation (on pense plutôt à un dressage) lui semblent pénibles, dans l'ensemble, il est totalement satisfait de son sort car persuadé que c'est ainsi que tout doit tourner. Que les Hoots sont vraiment là pour le bien de lui et de ses semblables et qu'ils savent bien s'occuper d'eux. Difficile pour le lecteur d'être du côté de quelqu'un d'aussi soumis, qui ne montre aucune velléité de se révolter. Et même plus, qui ne comprend pas qu'on le veuille. le style volontairement simple de l'autrice, qui veut montrer sans doute le jeune âge de Charley, renforce ce côté passif du jeune garçon : pas d'envolée lyrique, juste des constats et des évidences. On a bien le point de vue de Héron, le père de Charley, qui, lui, veut libérer les hommes. Pas nécessairement par la violence, peut-être par la cohabitation. Ce discours est plus proche de ce que nous pensons en tant que lecteurs, mais il est en arrière-plan, noyé sous les pensées conformistes de Charley. Pour lui, la vie est telle qu'elle est et rien ne doit changer.

Et c'est bien ce qui rend la lecture de la Monture, roman hors du temps (il a été publié en 2002, mais aurait pu l'être bien avant), difficile et intéressante, enrichissante et troublante. le point de vue est tellement peu habituel, le parti pris tellement extrême, que l'on est perdu, au départ, et qu'il faut s'accrocher pour réellement en profiter. Mais, rien que pour les réflexions que cette découverte inspire, surtout avec l'évolution lente et progressive de Charley, cela en vaut vraiment la peine.
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Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce roman m'a désarçonnée! S'il est de prime abord complexe à appréhender en raison des choix narratifs un peu particuliers qui le rendent un peu hermétique, le fond de cette histoire est profondément intelligent et pousse à réfléchir sur de nombreux sujets : les rapports entre espèces, l'altérité, la bonté et la construction d'une société.
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