Il y a tellement de pièces et d'espace dans ce manoir... C'est un gouffre financier. Et ça personne n'y pense. On voit un manoir, on se dit « personne riche ». Alors que c'est mon seul héritage. Ce sont des murs, des murs froids, emprunts de trop de souvenirs. Il doit même encore me rester des portraits de mes ancêtres au grenier, derrière des monticules de vieilleries. Avant ils étaient sur le mur le long de l'escalier mais c'est un peu morbide. C’est la représentation basique d’un château hanté. Et puis tout le monde vous pose la question : c'était qui ce vieux monsieur moustachu qui ne sourit pas, l’air austère ? Et cette dame qui semble outragée, le regard toujours sur nous ?
Je n'ai connu que cet endroit comme maison, j’y suis née, j’y ai grandie, j’y ai vieillie. Je suis un meuble, qui se déplace, et pourtant enchaîné, lié. J'y ai tout vécu : mes premiers amours, mes soirées entre filles, mes soirées étudiantes, la mort de ma famille... Papa est mort d’une crise cardiaque dans l’escalier, maman est morte de vieillesse dans son lit. Mon grand-père, c’était dans le jardin, vite rejoint par ma grandmère, de tristesse. Les murs respirent du même souffle que le mien. Et puis c'est le refuge de mes amis.
certains cours c’est difficile de voir le tableau ou d'entendre le professeur mais on peut discuter tranquillement. Le professeur, un barbu, petit et âgé, parle si fort qu'il n'a pas besoin de micro pour se faire entendre. Il se contente de marcher en récitant son cours comme une pièce de théâtre, les mains dans le dos et le dos voûté. L’homme semble las de réciter pour la vingtième fois peut-être son texte. Il est tellement concentré ou emmené par son cours, qu'il ne m’a pas vu entrer.
Une heure c’est très court pour faire connaissance, pour écrire un livre, pour apprendre un album par cœur ou apprendre une langue. Une heure c’est trop long, pour l’enfant qui attend ses parents, pour faire un brushing, pour écrire un vers… Mais une heure c’est bien, pour faire les courses, non ?
me trompe rarement sur les gens et comme je te l'ai dit nous offrons l'hospitalité dans notre famille depuis la construction de ce manoir. Il y a de la place et puis tu es maintenant orpheline. Si tu es en danger, alors tu es la bienvenue ici.