Citations sur Les oiseaux de bois (19)
Bien sûr il me reste des souvenirs, hôtes lointains, bizarres, diserts, venus d'un pays où je ne reviendrais jamais ... Ils ne sont que les ombres d'une réalité fugace. Le pinceau du temps restaure sans cesse les dessins, les colorie, les anime, les fait respirer, leur donne une nouvelle dimension ; les images s'éloignent et se rapprochent tour à tour du réel, elles s'estompent pour renaître soudain.
Une visite surgie du passé
En me virant de l'asile, comme on jette à la rue un petit chat dont on s'est lassé, on me signifiait ceci : désormais, j'étais une fille agréable, ou du moins acceptable. La société (c'est à dire vous, que vous le vouliez ou non), au nom de la diversité, ferme les yeux sur bien des choses ! Elle tolère les Noirs (surtout s'ils dansent bien), les hippies, la bisexualité, nous... Mais l'homme ne doit pas se faire trop d'illusions sur sa prétendue liberté. Visible ou non, la police est partout. Pour un oui ou pour un non elle vous tombe dessus comme la foudre et vous fait regretter d'être venue au monde.
En se croisant sans échanger un regard, par milliers, par dizaine de milliers, ils allaient mêler leurs destins, leurs désirs, leurs aspirations et leur rêves, tissant brin par brin un filet aux mailles serrées. Pour tenir un rôle dans une pièce écrite par d'autres, ils allaient se battre sans pitié, prendre part aux marchandages et aux disputes, se démener pour arracher au monde la part de butin qui leur était attribuée depuis longtemps. Ils ne laisseraient derrière eux que des mouchoirs de papier froissé que le vent disperse. (P. 98)
Je comprenais maintenant que ma vie avait toujours était pleine de la peur de voir les choses disparaître. Ce sentiment confus de perte est accablant et beaucoup plus douloureux qu'une perte véritable, car je n'avais aucune idée de ce que je perdais ni de ce que je cherchais.
Je partais pour un long voyage sans but, qui ne menait nulle part, je me mettais en route pour partir loin de moi et ne plus revenir.
Elle s'était érigée en une sorte d’héroïne mythique et c'est ce qui lui avait permis de continuer à vivre. Le souvenir de son affreux passé lui était nécessaire, car il était la preuve de son existence et elle l'avait installé dans un coin de son esprit comme un sanctuaire.
Où que j'allasse dans le vaste monde, ils me retrouvaient. Les morts m'écrivaient, m'expliquaient les choses que je n'avais pas encore pu déchiffrer, me rappelaient vers un lieu où je finirais toujours par revenir. Si d'aventure je sortais de mon récit, ils me mettaient en garde contre la vie. Ils savaient que la seule chose à faire était de déchiffrer l'avenir et le passé où je m'étais réfugiée. Le seul, l'éternel visiteur de ma cellule, de mes ténèbres intérieures, était le spectre dépaysé de mon passé. Il m'attendait...
On trouve toujours les moyens d'adoucir les catastrophes, les morts, les destructions, pour se blottir entre les murs étroits de la vie quotidienne, mais cela ne sert à rien. La douleur est toujours là, elle persiste. C'est peut-être parce qu'on ne peut pas supporter d'être ce que l'on est. Et parce qu'on veut remplir le temps qui passe sans jamais s'arrêter.
Je comprenais maintenant que ma vie avait toujours été pleine de la peur de voir les choses disparaître. Ce sentiment confus de perte était accablant et beaucoup plus douloureux qu'une perte véritable, car je n'avais aucune idée de ce que je perdais ni de ce que je cherchais.
Il devait bien avoir quelque part une conviction, un rêve, un être pour lesquels la vie valait d'être vécue. C'est toujours avec cette nostalgie, cette conviction naïve et dangereuse que j'ai couru d'une rue à l'autre, d'un livre à l'autre, d'un regard à un autre. J'ai traversé le monde pas à pas et, tendant les mains, j'ai fouillé avec soin ...
UNE VISITE SURGIE DU PASSE