J'ai attrapé la guerre dans ma tête. Elle est enfermée dans ma tête.
Invariablement, à ces projets d'avenir avec moi, je répondais : « le présent suffit», ne disant jamais que le présent n'était pour moi qu'un passé dupliquer.
À plus d’un égard — de la littérature, du théâtre, des usages bourgeois — j’étais son initiatrice mais ce qu’il me faisait vivre était aussi une expérience initiatique. La principale raison que j’avais de vouloir continuer cette histoire, c’est que celle-ci, d’une certaine manière, avait déjà eu lieu, que j’en étais le personnage de fiction.
Souvent j'ai fait l'amour pour m'obliger à écrire. Je voulais trouver dans la fatigue, la déréliction qui suit, des raisons de ne plus rien attendre de la vie.
Devant le couple que nous formions visiblement, les regards se faisaient impudents, frôlaient la sidération comme devant un assemblage contre nature…
Mais je savais, en regardant ce couple de gens mûrs, et si j’étais avec un jeune homme de 25 ans, c’était pour ne pas avoir devant moi, continuellement le visage marqué d’un homme de mon âge, celui de mon propre vieillissement
Il était le passé incorporé.
C’était un jeune homme d’aujourd’hui, convaincu de « chacun sa merde ».
Il était le porteur de la mémoire de mon premier monde.
Mon corps n’avait plus d’âge. Il fallait le regard lourdement réprobateur de clients à côté de nous dans un restaurant pour me le signifier. Regard qui, bien loin de me donner de la honte, renforçait ma détermination à ne pas cacher ma liaison avec un homme « qui aurait pu être mon fils » quand n’importe quel type de cinquante ans pouvait s’afficher avec celle qui n’était visiblement pas sa fille sans susciter aucune réprobation.