Récit intéressant à plus d'un titre, mais en terme d'émotions tragiques je suis resté sur ma faim.
«
Les Perses » situe l'action à la fin de la deuxième guerre médique qui opposa une confédération de cités grecques à l'immense empire Achéménide. Elle conte essentiellement l'histoire la bataille de Salamine, l'aspect tragique étant curieusement rendu non dans l'héroïsme des Grecs au combat mais dans l'apitoiement des Perses face à la défaite.
Car les sujets de la pièce sont bien
les Perses vaincus. La scène est à Suse, devant le palais du roi Xerxès. Les Féaux du père de Xerxès, Darius, attendent avec angoisse des nouvelles de l'immense armée partie écraser les téméraires Grecs. Atossa, veuve de Darius, leur fait part de ses rêves inquiétants. Un messager dépenaillé ne tarde pas à confirmer leurs craintes. L'armée a été anéantie. Atossa invoque l'âme de Darius afin d'en obtenir consolation et bénédiction mais n'y gagne qu'une effroyable révélation : les Dieux (Grecs) ont jugé
les Perses sacrilèges d'avoir tenté de s'élever à leur niveau en bâtissant un pont de navires permettant aux soldats de traverser l'Hellespont (évènement également relaté par
Hérodote). La ruine des armées est leur punition et Xerxès doit à présent renoncer à sa superbe et ployer le genou. La fin de la pièce est une longue et pathétique péroraison de Deuil.
Ce récit est sans aucun doute à classer parmi les témoignages historiques. Car l'auteur a bel et bien vécu la bataille de Salamine et je pense que sa haine des Perses devait être profonde.
Eschyle est prolixe dès qu'il s'agit d'évoquer l'histoire récente (pour lui) des affrontements entre Grecs et Perses, les détails géographiques du déplacement des armées perses, les noms des généraux, etc. En écrivant cette pièce il a voulu laisser une trace des évènements qu'il a vécus.
Ce récit est aussi un cri patriotique. Je ne crois pas que choisir
les Perses comme sujets puisse leurrer le lecteur.
Les Perses se nomment eux-mêmes Barbares, ce qui ne peut-être en réalité que le point de vue d'un Grec ; Darius parle des Dieux, mais de Zeus, de Poséidon, pas d'Ahura-Mazda.
Eschyle rappelle que
les Perses règnent par la terreur alors que la force d'Athènes repose sur la vertu civique et patriotique.
Eschyle montre
les Perses angoissés, il les fait pleurer, mais je l'imagine observer la scène avec une joie perverse, et je l'imagine souhaiter à travers cette pièce transférer cette joie à son public, et développer leur sentiment patriotique.
Tout cela a ravi mon intellect mais a quelque peu désappointé mon attente émotionnelle du tragique. Ici pas de lutte entre devoir et passion, pas de Destin funeste imposé par les Dieux, seulement la plainte des vaincus. C'est insuffisant pour se comparer à des chefs-d'oeuvre comme «
Oedipe-roi » de
Sophocle ou « Hippolyte » d'
Euripide.
Pièce lue dans les « Tragiques Grecs,
Théâtre Complet », éditions du Livre de Poche.