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sur 109 notes
C'est l'histoire d'Anna Benz, une jeune Américaine âgée de trente- sept ans.
Elle a perdu ses parents brutalement, dans un accident de voiture à l'âge de vingt et un ans, quinze jours aprés l'obtention de son diplôme à l'université.
Mariée à Bruno, un banquier Suisse, femme au foyer, épouse modèle, elle élève ses trois enfants : Victor, l'aîné, huit ans, Charles, six ans et Polly Jean ,dix mois, dans une banlieue cossue de Zurich.
Coupée de ses racines,mal dans sa peau. " je suis la somme de toutes mes crispations",, enfermée, prise au piège dans cette cage dorée, poussée par son mari: "J'en ai assez de ta foutue déprime, Anna, va te faire soigner", avec lequel elle est incapable de communiquer, elle entreprend une psychanalyse avec le docteur Messali, qui la pousse à s'inscrire à un cours d'allemand pour débutants, cours qu'elle aurait dû suivre à son arrivée en Suisse....il y a huit ans.
Elle y rencontre Archie Sutherland, écossais. Expatrié, étudiant les langues comme elle.Elle se livre avec lui à des jeux érotiques à la limite des envies bestiales....Elle se surprend à chercher un épanouissement sexuel débridé avec d'autres hommes.
Aux côtés de son mari Bruno existe une chape de plomb, ce qu'il appelle " les lubies mélancoliques" d'Anna ou ses" bouderies d'enfant gâtée ". Elle ne prend aucune décision dans le couple, reste passive et désenchantée , souffre d'insomnies.
Seule au pays de la rigueur et de l'exactitude comme la Suisse, qui lui reste étrangère, elle aime le son des cloches, peut- être son unique bonheur Suisse, sauf celui de tenir sa fille chérie dans ses bras....
La passivité imperturbable , la solitude, le mal être, la tristesse incommensurable , le sentiment d'ambivalence d'Anna ,la poussent à céder à ses pulsions sexuelles. Mettre fin à ces relations devient de plus en plus difficile." "Quand elles s'ennuient les femmes cèdent à leurs impulsions". Au moment où la frontière entre moralité et passion s'estompe Anna découvre qu'il n'y a plus de rupture possible.....
Comme elle est passive elle vit ces relations non pas pour se donner l'illusion de de la séduction et de la jeunesse mais pour pimenter sa vie familiale étouffante malgré les amitiés de façade surfaites et superficielles, les fréquentations plates et bourgeoises, le " Statut ", tant envié de privilégiée .....pour s'affranchir aussi du regard extérieur, celui de sa belle- mére, Ursula , attentive à ses petits - enfants, la gardienne du temple de la famille, dont on comprend vite qu'elle a des doutes sur la fidélité de sa bru....
Quelle différence y - a t-il entre un besoin et un désir?
Le désir est incurable, pas l'amour, en collectionnant les amants, Anna se dit qu'elle vit des situations dont toute femme mariée rêve car elle transgresse un interdit, qu'elle se fait peur et souhaite inconsciemment être découverte ou vivre un moment intense , inconnu et fascinant.....
En fait, cet ouvrage riche, profond, enlevé, ciselé, nous dresse le portrait intime et cruel d'une femme prête à la rupture, en quête d'elle même et de son identité qui n'éprouve que rarement paradoxalement de la culpabilité et ignore le sentiment de faute....L'écriture ,sèche, tranchante, réaliste disséque minutieusement, au scalpel .... le mariage, interroge sans fin entre désir féminin et sexualité.
La plongée finale entre deuil et chagrin est bouleversante ....
Un livre remarquable qui montre que les histoires " de bonnes épouses" aprés Madame Bovary sont toujours d'actualité...
Magistral , Vraiment! On ne s'ennuie pas une seconde, j'ai beaucoup aimé ces épreuves " non corrigées " ...Grand merci à Babelio pour l'envoi de cet ouvrage.





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Avec « Femme au foyer », nous sommes loin de la série « Desperate housewives », où les rebondissements tous plus invraisemblables les uns que les autres des cinq héroïnes vont bon train (et dont elles ressortent le plus souvent victorieuses). Ici, il s'agit d'un roman introspectif, très psychologique, centré autour de la personnalité d'Anna Benz, l'héroïne principale.

Je tiens à remercie en premier lieu Babélio et les éditions Albin Michel pour ce roman très réussi. Au départ, en lisant le descriptif qui en était fait, je craignais de tomber sur un ouvrage superficiel, et assez cliché (la pauvre femme au foyer malheureuse et qui s'ennuie). Or, pas du tout. La prose de la poétesse Jill Alexander Essbaum est magnifique, très profonde et prenante, avec un rythme magnétique, et qui, rien que pour elle, vaut la peine de lire ce roman.

Pourtant, rien de très nouveau dans l'histoire choisie pour ce roman : Anna Benz est une jeune femme américaine qui vit en Suisse depuis son mariage avec Bruno il y a neuf ans. Étrangère à ce pays qu'elle ne comprend pas (et ne tente pas de comprendre), et en vérité étrangère à sa vie, aux autres, sans volonté, elle vit (ou glisse) dans une déprime et une solitude assez profondes, dont elle ne parvient (encore une fois, si tant est qu'elle essaie) à se défaire, malgré le soutien que lui apporte le docteur Messerli, sa psychiatre, et dont les échanges avec celle-ci viennent structurer l'ouvrage (très profonds et intéressants dialogues, que j'ai trouvés d'une belle solidité psychologique, alors que l'auteur, dans ses remerciements, indique n'être « que des paroles de fiction », même si elle s'est fait aider par une analyste jungienne). Pour combler le vide de son existence, ou plutôt pour éviter de faire face aux raisons de son mal-être, Anna se réfugie dans le sexe en collectionnant les amants. Comme on peut le pressentir, Anna se fait rattraper par ses démons, les aggrave, et le naufrage n'est pas loin…

La quatrième de couverture de l'ouvrage évoque Madame Bovary et Anna Karénine, et pour c'est très juste. Anna Benz est un mélange réussi de ces deux héroïnes, en étant une femme amoureuse de l'amour, le plus souvent illusoire, et pleine de l'aspiration à en vouloir toujours plus pour combler un vide existentiel, pour finir toujours plus déprimée. Et désabusée.

Ce roman mériterait une deuxième lecture, tant il est profond, et qui s'attacherait à la structure narrative. Pour mieux tenter de comprendre Anna et ce qu'elle vit. Car il est très révélateur, et intéressant de se rendre compte en cours de lecture qu'on ne sait pas grand-chose des différents personnages surtout masculins. Qui est Bruno, le mari, Archie ou Karl, les amants ? On ne le sait pas vraiment, puisque tout est vu depuis le point de vue d'Anna. le personnage de Mary, miroir (positif) de la vie d'Anna est très intéressant : c'est une gentille fille, attentionnée, mais c'est elle qui entraîne, par ses remarques (innocentes, vraiment ? Tant elles sont insistantes) lors des sorties de couples avec Anna, l'effondrement des mensonges de cette dernière.

Un roman magnifique et profond que je conseille vivement.
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L’américaine Anna s’ennuie dans la banlieue de Zurich et couche avec les hommes qui le lui demandent, sans culpabilité, sans vraiment de satisfaction, sauf peut-être le plaisir sexuel ; le seul dérivatif qu’elle a trouvé à sa lassitude d'une existence confortable de mère de famille et d’épouse de banquier suisse.

Cela, elle ne le raconte qu’en partie à son analyste, une femme théorisant le problème dans un jargon de spécialiste, tellement éloigné de sa réalité qu’il ne lui est d’aucun secours. Mais qui peut changer Anna, la sortir de sa solitude, de sa passivité destructrice, sinon elle-même ou un évènement grave ? Malheureusement pour elle, sa prise de conscience passera par la perte de ce qu’elle négligeait, une douleur presque insurmontable lui montrant ce qu’elle a gâché et lui donnant sa vraie valeur.

La solitude, le mal de vivre, la dépression des femmes au foyer sont des maux sous-estimés et négligés. Dans ce roman remarquable, surtout dans sa deuxième partie, l’auteur a parfaitement traduit la souffrance, la tristesse, l’isolement de ces femmes auxquels répond l’incompréhension de l’entourage et de la société, une insensibilité majorée si elles sont issues d’un milieu privilégié.

Merci à Babelio et aux Editions Albin Michel pour la découverte de cette auteure et de sa Hausfrau.
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Tu es trentenaire, femme au foyer, mère de jeunes enfants, américaine exilée en Suisse, tu t'ennuies quand les petits sont à l'école (et même quand ils sont avec toi, d'ailleurs), ton banquier de mari est un type bien, mais il ne te dorlote plus comme aux premiers jours, ce µ£¨%]°*§ préfère sa TV et son ordi à ta compagnie.
Fais un bébé, comme Mary, ça t'occupera, ou prends des amants, comme Anna, ça comblera le vide de tes après-midis, et tu te sentiras exister. Tu peux aussi suivre des cours de langue locale pour être moins isolée dans ton exil (et rencontrer des hommes) et faire une psychanalyse pour raconter tes rêves, parler linguistique, dire que ça ne va pas, que tu n'aimes pas ta vie, que non, pourtant, tu ne regrettes pas les USA, qu'en fait tu ne sais pas ce qui te manque - mais surtout tu n'aborderas pas les sujets importants avec ta psy, comme avouer que tu trompes ton mari et que tu utilises sans vergogne ta belle-mère comme bonniche et baby-sitter pendant que tu t'envoies en l'air avec le premier venu.

Ah quelle tête à claques, cette Anna "Bovary" ! Et pourtant je ne suis sans doute pas si différente, pauvre petite occidentale nantie et désoeuvrée qui se plaint la bouche pleine... Ce genre de livre introspectif typiquement américain me séduit plutôt, en général, même en version lente et mélancolique comme ici, sans humour. Mais en le commençant, j'étais encore imprégnée d'une terrible histoire ('Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte', Thierry Jonquet) où les personnages sont dans une autre panade. La transition entre les deux lectures a été difficile, et même si cela n'a aucun sens de comparer, j'ai trouvé les problèmes d'Anna futiles, ses comportements immatures et irresponsables (notamment certaines réactions vis à vis de ses enfants) - et donc la jeune dame exaspérante. Je n'ai pas réussi à compatir, ni à l'aimer, pas une seconde, même à la fin, lorsque le poids de ses "erreurs" devient dévastateur...

Lecture poussive où l'ennui a dominé, même si certains échanges entre Anna et la psy m'ont intéressée.
- avis : entre 2 et 3/5 selon les passages.

• Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel.
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Anna, une jeune femme américaine qui pourrait être ordinaire a décidé de suivre son mari en Suiise (son pays natal), et elle y élève leurs enfants. C'est elle la Femme au foyer.
En apparence, tout est lisse, out va bien. Anna prend même des cours d'allemand pour mieux s'immerger dans sa nouvelle vie.
Pas de nuage à l'horizon, et c'est bien là le problème : Anna s'ennuie. Elle n'est pas amoureuse de son mari, et lui n'a rien de l'homme attentionné dont on rêverait, et elle ne s'épanouit pas dans son rôle de mère, sa belle-mère n'a rien d'un bout-en-train, et malgré tout, la Suisse, ce n'est pas chez elle.
Alors pour tromper l'ennuie, elle trompe son mari. Et elle se repasse en boucle les heures torrides qu'elle passe avec d'autres homme que son mari.

Bon... Ce roman n'est certes pas mal écrit. Il m'a semblé que c'est le roman que Gustave Flaubert aurait écrit s'il avait voulu pimenté son fameux roman - Madame Bovary fait des galipettes. Mais bon, l'ennui de la protagoniste était trop contagieux à mon goût et ses évasions désespérées via l'adultère bien tristes dans le fond.

Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel de m'avoir permis de lire ce roman.
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C'est très rare que je mette 5 étoiles à un roman.
De tous les ouvrages reçus par l'opération masse critique, celui-ci est sans hésitation, celui qui m'a le plus touchée, remuée, émue, voire bouleversée.
Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel pour cet envoi.
Il s'agit du premier roman d'une poétesse américaine. Comme le titre l'indique, le roman raconte la vie d'une femme au foyer, elle s'appelle Emma Benz et a 37 ans, américaine vivant en Suisse pour suivre son mari, Bruno, banquier. le couple a 3 enfants, pas de problèmes d'argent, une vie confortable, quelques amis mais voilà Anna est malheureuse. Anna s'ennuie, Anna est triste, Anna se sent seule, Annna est mal dans sa peau, Anna déprime, alors Anna entame une psychanalyse et se met à apprendre l'allemand.
Au cours d'allemand, elle fait la connaissance d'un écossais, Archie et très vite ils deviendront amants. On comprend que ce n'est pas sa première aventure extra conjugale et qu'au contraire, elle a collectionné les amants, espérant oublier ainsi sa vie pleine de frustrations.
La seconde partie du roman m'a davantage touchée car les événements dramatiques se succèdent.
Un portrait de femme bouleversant et que je n'oublierai pas même si elle m'était antipathique au départ car elle m'a semblé autocentrée, égoïste et faisant souffrir les autres sans aucun scrupule ni remise en cause.
Une femme désespérée, un roman désespérant mais beau et enrichissant.
Maintenant je vais passer à des lectures plus légères !
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Anna, 37 ans, est femme au foyer. Mariée à un homme pour qui tout semble acquis. La routine s'est installée, Anna fait partie des meubles. Les années passent et tout semble s'imposer à elle. Elle n'a jamais vraiment choisi le cours de son existence. Tout lui tombe sur le dos et elle accepte sans broncher. Mais intérieurement, les dégâts sont énormes ! Elle se cherche, veut rompre la monotonie, l'ennui...Elle sombre...
Pour cela, elle va enchaîner les aventures...sexuelles ! Point de sentiments...pour eux, en tout cas...
L'auteure nous dresse le portrait d'une femme, à la recherche de son identité, d'une oreille attentive, d'une personne à l'écoute de ses envies, ses désirs, qui saura la comprendre et répondre à ses questions.
A chaque instant, nous ressentons la monotonie de la vie d'Anna.
Une certaine tension pèse... Lourde, malsaine... Elle se glisse et se faufile tout le long.
Nous nous laissons bercer au fil des pages, comme sur une rivière tranquille, au doux courant. Et subitement, tout se déchaîne ! le style change. le vocabulaire poétique et soutenu, vire au très cru ! C'est assez déconcertant ! J'ai franchement eu beaucoup de mal à lire certains de ces passages, ces scènes de sexe. Puis, au fur et à mesure, j'ai compris, en décryptant le message que l'auteure voulait faire passer, j'ai pris plus de plaisir à continuer ma lecture.
J'ai apprécié ce roman, mais une chose me dérange tout de même...
Pourquoi toujours ce cliché de la femme au foyer, ennuyante, ennuyeuse, qui s'ennuie ?
Pourquoi une femme au foyer a obligatoirement des journées longues et sans intérêt ?
Écoutez les ces femmes ! Et vous verrez qu'elles ont plein de choses intéressantes à vous raconter !
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Un des tous premiers romans de la rentrée de janvier 2016 lu grâce à Babelio dans le cadre de « Masse critique » et aux éditions Albin Michel mais pas forcément premier coup de coeur malgré les qualités évidentes du roman. On suit les alternoiements et le mal être d'une héroine américaine, Anna, obligée de suivre son mari, un banquier Suisse dans le pays de celui ci, dans la banlieue de Zurich où elle traine son désarroi et son ennui quotidien, qu'elle ne parvient à combler que par un appétit sexuel assez insatiable.

On le voit le fantome de Flaubert n'est pas loin mais cette énième variation de Madame Bovary ne convainc jamais vraiment: malgré une plume évidente, élégante et racée, cette quete sur l'isolement et l'incapacité à etre heureuse ne parvient pas à transcender son sujet et à rendre captivant ce portrait de l'ennui.

Quelques beaux dialogues- notamment lors des séances de psychothérapie ou lors des concours de langue qu'Anna suit ne viennent pas modifier le sentiment d'ensemble de ce roman qu'on lit non sans intéret mais sans hélas beaucoup de passion.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Cette lecture fut pénible du début à la fin.

Dès le départ je fais le lien avec Bovary. Je sens qu'on a actualisé cet écrit.

Et aucune surprise en effet.
J'ai l'impression tout au long du livre que l'auteure nous pousse à haïr cette pauvre femme. Elle se met dans une position impossible exprès.


Mais cette lecture m'a réellement exaspérée.
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N°996– Décembre 2015

FEMME AU FOYERJill Alexander Essbaum – Albin Michel.
Traduit de l'américain par Françoise du Sorbier.

Anna est une jeune zurichoise d'origine américaine, mère de famille de 37 ans un peu déracinée, perdue dans une Suisse adoption, dépressive mais qui s'occupe de ses trois enfants et de Bruno son mari, par ailleurs banquier, bref « une bonne épouse, dans l'ensemble ». Elle passe donc sa vie dans une sorte de cocon confortable même si celui-ci génère pour elle une sorte d'ennui, de solitude, une forme de bovarisme que la psychiatrie peine à guérir et à expliquer à travers l'interprétation de ses rêves et les révélations qu'Anna distille avec parcimonie. Cela c'est pour les apparences qu'on aime, en Suisse comme ailleurs, faire prévaloir surtout si elles cachent quelque turpitude, ni plus ni moins que de l'hypocrisie.

C'est que, quand une femme a ce qu'elle peut espérer de la vie, elle cherche évidemment autre chose et souvent cela prend la forme classique d'un amant, souvent un inconnu qui ne fera qu'un bref passage dans sa vie. Anna n'échappe pas à cela, elle dont la jeunesse était peuplée de fantasmes érotiques, de volonté de séduction et dont le mariage s'est peu à peu enlisé dans la routine, la facilité et la dépendance financière ; Cet épisode sonne donc comme un point de passage obligé, inévitable. Ici on sent bien que tous ces amants n'ont aucun attachement sentimental pour Anna. Ils ne ressentent rien d'autre pour elle que des envies bestiales [il y a dans ce roman des images, des scènes à la limite de la pornographie]. de son coté, Anna est passive et on a l'impression qu'elle vit ces relations, non pour se donner l'illusion de la jeunesse et de la séduction retrouvées, mais pour pimenter une vie familiale étouffante, pour se dire qu'elle a tout simplement des amants, qu'elle vit des situations dont toute femme mariée rêve parce qu'elle transgresse un interdit, qu'elle veut se faire peur, souhaite inconsciemment être découverte ou simplement veut explorer un terrain inconnu et peut-être fascinant. A aucun moment, je n'ai senti Anna vivant ces toquades dans le seul but de changer radicalement de vie et d'épouser ses amants. D'ailleurs le destin de telles liaisons amoureuses est de s'inscrire dans un temps très court, d'être vouées au seul plaisir sexuel mais dans le secret espoir qu'elles ne bouleversent pas par un divorce puis un remariage une vie établie. C'est un peu comme si Anna, ayant tourné la page de ces « moments », souhaitait revenir au bercail, comme si rien ne s'était passé. Il est évident qu'une telle séquence ne peut pas ne pas laisser de traces et qu'il est évidemment tentant de faire porter à son mari la responsabilité de ses propres trahisons, surtout si elle n'a rien de véritablement important à lui reprocher et si elle fait bon marché de sa culpabilité. Dès lors on se perdra en conjectures sur les raisons d'une telle attitude adultère. Est-ce la volonté de tout détruire autour d'elle, de ridiculiser un mari trop amoureux d'elle ou trop confiant au point de ne rien voir de son cocuage, de se singulariser par rapport à la famille traditionnelle, d'hypothéquer l'avenir, de faire dans la provocation, de vivre quelque chose de différent, d'entrer de plain-pied et de s'installer dans une situation délétère qui ne peut, à terme, que se retourner contre elle et saper durablement l'avenir de ses propres enfants ? Il est évidemment préférable de ne rien expliquer et de poursuivre cette attitude nuisible, en se disant que seules comptent sa propre liberté et son envie de jouir de la vie et que le reste n'a aucune importance même si tromper son mari c'est aussi se moquer de ses propres enfants. Cette situation met certes Anna en face de son dégoût d'elle-même, de ses faiblesses, de sa passivité, de sa volonté irrationnelle de sanctionner ses proches et la révèle telle qu'elle est, un nymphomane prête à écarter les cuisses pour le premier venu et à en garder le secret, exactement l'inverse de l'image de la mère de famille qu'elle souhaite donner à voir. Quand, grâce au hasard, le dieu des malchanceux qui finit toujours par se manifester, Bruno ne pourra plus rien ignorer de la vie de gourgandine d'Anna, même s'il s'était fait une autre idée de cette femme, il en sera jaloux, ressentira de la honte pour lui-même mais surtout méprisera celle qu'il a choisie pour être son épouse et la mère de ses enfants et qui l'a si facilement trompé. Il s'en voudra lui-même de ce choix, autant pour lui que pour les autres, souhaitera sauver les apparences en privilégiant l'hypocrisie, demeurer auprès de ses enfants qu'il aime, que sais-je ? Mais sa réaction sera à la hauteur de sa déception. Bien entendu il aura des doutes sur sa paternité, se sentira atteint dans son ego, sortira de cette épreuve meurtri voire détruit, se demandera ce qu'il a bien pu faire pour mériter une telle sentence et en plus devra faire face aux arguties de cette femme qui cherchera par tout moyen à taire, à nier, ou à minimiser ses fautes, jusque et y compris en lui en imputant la responsabilité.

Ce roman qui se déroule sur trois mois mais avec de nombreuses analepses, va plus loin qu'une histoire sentimentale ou qu'un banal adultère. L'auteur y introduit une dimension dramatique qui n'emprunte malheureusement pas son déroulement à la seule imagination, comme si la morale ou une quelconque divinité aveugle réclamait réparation de cette faute répétée sans se soucier de ceux qui, malgré leur naïveté, leur innocence, paieraient également un péché pour lequel ils ne sont pour rien.

Je n'ai pas vraiment adhéré aux considérations de l'analyste dont le discours jungien est plein de nuances et de questions puisque Anna a la volonté de vivre ces passades sans vraiment vouloir les lui révéler ni les expliquer même si la personne de Steve ou plutôt son fantôme, hantait ses séances d'analyse. Je n'ai pas non plus goûté les subtilités grammaticales de la langue allemande que je ne parle malheureusement pas, non plus que les variations sur la mort, l'enfer avec ses flammes et le paradis avec son lénifient et contestable discours religieux qui sont censés y succéder. Elles sont pourtant intimement liées à cet ouvrage et éclairent cette part d'obscurité que chaque être porte en lui. Ce roman au style direct, réaliste et sans fioriture est aussi une longue variation sur l'amour et le désir sexuel, la famille et les passades, les amitiés de façade et la solitude. On ne sait pour autant pas pourquoi le mariage d'Anna et de Bruno est un échec au point qu'elle l'exorcise à travers une telle activité sexuelle de contrebande ni pourquoi elle est à ce point contradictoire et ambivalente. Cela peut s'expliquer par la génétique, la volonté de faire souffrir, de régler des comptes anciens et inavoués ou simplement par l'envie d'être différente ou d'ignorer son entourage. D'autre part, il y a toujours le regard extérieur, celui de sa belle-mère, Ursula, dont on comprend vite qu'elle a des doutes sur la fidélité de sa bru, celui de la psychanalyste aussi qui devine tout, malgré les révélations laconiques d'Anna mais qui finalement ne fera rien pour elle.

Le livre est un univers douloureux et l'écriture est souvent revêtue par l'auteur de fonctions cathartiques, de contrition voire de rédemption. On peut toujours donner une dimension autobiographique à un tel texte qui m'a paru passionnant, pertinent du début à la fin dans l'analyse de personnages, des situations, des sentiments décrits. La lecture des « remerciements » m'a paru révélatrice. Alors ? Anna est-elle vraiment « une bonne épouse, dans l'ensemble » ?

Avant que Babelio dans le cadre de « Masse critique » et les éditions Albin Michel ne me fassent parvenir cet ouvrage, ce dont je les remercie, je ne connaissais pas cette auteure américaine dont c'est le premier roman. Cette lecture passionnante du début à la fin m'incite à explorer son oeuvre à venir.
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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