J'ai dévoré ce roman en deux jours !
Quel plaisir !
Cela faisait un moment que je n'avais pas profité des offres de Babelio pour recevoir un livre en échange d'une critique et je suis bien tombée.
Jill Alexander Essbaum est une poétesse américaine et «
Femme au foyer » est son premier roman. Une réussite à mes yeux.
Bien que je ne sois pas malheureuse dans ma vie comme peut l'être son personnage principal, Anna, je me suis identifiée facilement à celle-ci et j'ai été en empathie. C'est le signe pour moi d'un roman réussi. Une histoire, un texte, des phrases qui me parlent, qui me touchent.
Cette Anna est une sorte de Mme Bovary moderne.
Femme au foyer (comme le titre l'indique) de 37 ans, cette Américaine vit en Suisse, près de Zurich, depuis plusieurs années, avec son banquier de mari, Bruno. Ils sont installés dans la petite ville dont ce dernier est originaire, avec leurs trois enfants.
Anna a tout pour être heureuse, en apparence, mais elle ne l'est pas. Elle se sent seule, et n'a pas vraiment d'amis. Elle s'ennuie profondément et subit sa vie. Bruno la pousse à consulter un psy, et appuie son envie, tardive, de s'inscrire à des cours de Suisse allemand, afin d'améliorer son niveau dans la langue du pays.
A ce cours d'Allemand, Anna rencontre un homme, qui devient rapidement son amant.
Le lecteur apprend peu à peu que celui-ci n'est pas son premier amant.
Le récit retrace la vie d'Anna sur environ 3 mois mais le texte est ponctué de nombreux retours en arrière et ceci dans une grande fluidité. Je ne me suis jamais sentie perdue.
Des « extraits » des rendez-vous d'Anna avec son analyste, le docteur Messerli, ponctuent également le récit. Pour la plupart, ce sont des récits des rêves d'Anna ou bien des échanges type question/réponse (exemple : Quelle est la différence entre passivité et neutralité?) auxquels j'ai été assez hermétique.
Je n'ai pas trouvé que ceux-ci apportaient grand-chose à l'histoire, si ce n'est montrer au lecteur à quel point Anna est fermée sur elle-même et refuse de se confier.
Inlassablement, elle répond« Je ne sais pas ». Typiquement représentatif de sa passivité et de sa non-volonté d'aborder les sujets épineux pour essayer de s'en sortir.
De l'origine du mal-être d'Anna, nous ne savons et ne saurons rien finalement mais je ne l'ai pas perçu comme une « lacune » dans l'histoire.
Anna collectionne les amants pour tromper son ennui, pour se distraire de la tristesse de sa vie, et parce qu'elle a besoin de sentir qu'elle plaît. Elle sait que c'est « mal » mais ne culpabilise pas. Elle sait aussi que ce n'est pas le remède à sa dépression latente et que le « mieux » ne peut venir que d'elle-même.
A un moment, elle semble avoir un début de prise de conscience. Elle sent qu'elle pourrait réellement devenir amie avec Mary, une expatriée qui suit le même cours d'Allemand qu'elle et qui fait le forcing pour gagner sa sympathie et organiser des sorties entre leurs deux couples et leurs enfants. le lecteur sent aussi que son amour pour son mari pourrait être facilement ravivé, que les bases sont toujours là, que l'attirance sexuelle est toujours là. On a envie de secouer cette femme et de lui dire mais bon sang, fais un effort ! C'est si compliqué que cela de parler avec ton mari, l'homme qui partage ta vie ??? de lui faire comprendre que tu as besoin de plus d'attention ?
C'est cependant avant tout la peur de plus en plus présente d'être prise en faute un jour ou l'autre qui la pousse à rompre avec ses amants actuels.
Et là... un événement dramatique survient.
Tout s'écroule alors pour Anna. Et on peut le comprendre. Logique.
Le récit reste passionnant et cohérent mais je regrette un peu que l'auteur ait introduit cet événement. Une manière un peu « facile » de faire évoluer son histoire ? Venant en quelque sorte fausser la donne, enfoncer encore plus profond son personnage, qui sans cela s'en serait peut-être sortie ? Ou pas d'ailleurs. Peu importe. Il aurait juste été très intéressant de voir comme l'auteur aurait pu mener son récit à terme, c'est-à-dire résoudre ou pas LE problème d'Anna, sans qu'une catastrophe intervienne dans sa vie.
C'est souvent ce que je « reproche » aux auteurs, de mon point de vue de simple lectrice : Évidemment… Il, ou elle, n'a pas pu s'empêcher d'amener une catastrophe dans la vie de son personnage principal, tout allait trop bien, hormis les soucis de tout un chacun.
Mais c'est un roman et je respecte le choix de l'auteur.