Pour un coup d'essai, c'est un coup de maître ! Déjà dotée d'un très joli titre, d'une couverture qui attire l'oeil,
Emmanuelle Favier, sacrée performance, se révèle aussi une vrai championne en cette rentrée littéraire, évitant tous les écueils du premier roman, à savoir le portrait de sa maman ou de son papa, les souvenirs d'une enfance malheureuse, hautement symbolique ou même banale, le cruel passage de l'adolescence entre scooter et Biactol ou l'amour de sa vie qui l'a quitté à 22 ans. Il est vrai que depuis quelques temps les éditeurs font gaffe et commencent à dédaigner ces récits par trop égocentrés, renvoyant pleurnicher dans leur studio les primos publiants manquant d'originalité.
Quand vous ouvrirez "
Le courage qu'il faut aux rivières" , il vous faudra laisser dans son coin toute retenue, tout à priori et vous laissez porter. Vous atterrirez dans une contrée indéterminée, à une époque incertaine. L'écriture se charge avec grâce et finesse de planter le décor, en suivant Manushe, femme à qui on ne peut donner un âge. Vous comprendrez vite que dans le passé elle a fait voeu de chasteté et que cette décision radicale lui confère au sein de la société villageoise qui l'entoure, une certaine aura qui adoucit sans doute des moeurs locales aussi rudes que le climat. L'arrivée soudaine d'un certain Adrian va venir troubler l'ordre établi, surtout dans la vie de Manushe.
Je vous vois lever les yeux au ciel en disant qu'il n'y a rien d'original dans ce scénario, un inconnu qui surgit du fond la nuit et qui va venir troubler une femme, on a déjà lu cela cent fois. Je m'incline devant cette évidence, mais je me redresse aussi vite car rarement ce sujet bateau a été traité de cette façon et pris une telle direction. Laquelle ? Lisez le roman d'
Emmanuelle Favier !
Ce que je peux dire par contre, c'est que vous découvrirez une écriture magnifique qui manie poésie, talent de conteuse et aussi un amour très fort du mot juste ( trois ou quatre fois... un froncement de sourcil... un arrêt pour se jeter sur un dictionnaire pour chercher des mots que pour ma part je n'avais jamais rencontré ... "insistance palilalique" par exemple... "ombre halitueuse"...) mais cela ne gêne en rien ce récit passionnant. Je rajouterai aussi que la rigueur du climat et la couche épaisse de vêtements portés par les héros n'empêchent nullement la sensualité de s'exprimer et que c'est même le point central de ce livre, qui, questionnera d'une belle façon la lectrice, le lecteur sur la passion, l'amour que l'on peut porter à une personne au-delà des genres...
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