Citations sur Serpentine (106)
"Alors on s'approprie ces endroits qui font maintenant partie de la routine, ceux du trajet quotidien vers la fac ou le lieu de travail, si souvent répété qu'on en oublie de regarder autour de soi. On plonge le nez dans un livre, les pensées dans les souvenirs de la journée de travail, tout ce qui occupe le trajet en effaçant les lieux. Le regard s'endort si facilement quand on ne l'exerce pas."
GALERIE
PETIT THEATRE DE RAME
Sa cousine s’apprêtait à lui rappeler l'interdiction de quitter la chambre (ses parents ne plaisantaient pas avec la discipline) mais Noël avait déjà bondi du lit et enfilé un gilet par-dessus son pyjama usé aux genoux. Par réflexe, Ingrid lui emboîta le pas, prête à saisir par la manche à la première gaffe. C'est que s'ils étaient pris à désobéir ensemble, la gifle serait collective. Et sa mère s'y entendait pour vous donner l'impression d'avoir les joues marquées au fer rouge du sceau de l'infamie. Une vraie tireuse d'élite.
("Le faiseur de pluie")
La différence entre cuisine et sorcellerie n'est pas si grande qu'on veut bien le croire. J'étais sérieuse, tu sais : tout est dans les herbes. Leur connaissance est la clé de tout, en cuisine comme en magie.
"Mémoire des herbes aromatiques"
Tu n'étais pas tout blanc non plus, Ulysse. Tu as menti à ce type, Homère, quand il est venu te trouver pour écrire tes mémoires. Tu as menti parce que c'est le verbe qui nous façonne. Je suis de la même étoffe que toi, n'oublie pas, l'étoffe dont sont taillés les mythes. Humains, dieux ou titans, nous sommes tous de cette espèce qui n'oublie jamais, ni ne pardonne. C'est notre essence même, puisqu'on nous a créés pour la fureur et la vengeance. J'ose dire que nous y excellons.
Et le roulis dicte mes pas, métronome détraqué, rythme bâtard. La vitesse du métro me porte, je ne touche plus terre, je suis dans le mouvement. J'en fais partie. Le long du couloir et autour de la barre, sur un sol jamais stable. Il me porte, ce mouvement, il me pousse de l'avant et m'arrache à la terre, à la crasse, au sol foulé par tous ces gens, poussière de leurs semelles.
- Petit théâtre de rame -
Dès le premier jour, il a baissé les bras. Il a renoncé à tout d'un seul haussement d'épaules. A ses jumeaux, à sa femme, à sa vie de famille. C'est si facile de devenir une épave. Avec le chagrin pour alibi, tout devient permis.
("Élégie")
J'ai appris le dessin de tes rides et de tes veines, de tes failles et de tes crevasses, la carte de tes cicatrices. Je t'ai inspecté comme une porte sans serrure apparente, à la recherche du sésame.
(dans la nouvelle "Elégie")
L'infini me fait peur. Petite fille déjà, la vue des lignes droites tracées sur mes cahiers de maths m'angoissait. J'aime les espaces clos, les figures géométriques fermées sur elles-mêmes.
("Nous reprendre à la route")
Le choix du motif n’a rien d’anodin, c’est un geste porteur de sens. Témoignage d’un instant qui vous accompagnera toute votre vie durant. On le choisit comme une profession de foi, un totem ou un blason. Un corps, on naît avec, mais rien n’empêche d’agir sur lui.
[dans « Serpentine »]
L’espoir vous mine plus sûrement que l’oubli.