Belgravia

Pas une heure ne s'est écoulée sans que je regrette ma décision de le confier à une famille étrangère. J'ai abandonné notre magnifique petit-fils parce que tu avais peur de recevoir moins d'invitation à diner si nous le prenions sous notre toit. Tu m'as trompée de la plus odieuse et blessante des manières !

Tout enfant illégitime qu'il soit, la bonne société l'acceptera, dès lors qu'il fera partie de la famille Brochenhurst.

Un gentleman tout ce qu'il y a de bien, qui jouit de la faveur de madame. Cela depuis peu de temps, mais il vient assez souvent.

_Ce n'est pas parce que Lady Brockenhurst ignorait tout ce que cela nous excusait de garder ce secret. Il était temps qu'elle soit mise dans la confidence. Elle avait le droit de savoir.

- Tu t’imagines que moi, John Bellasis, neveu du comte de Brockenhurst, dont les aïeux participèrent aux croisades et à toutes les grandes batailles ayant depuis secoué l’Europe, j’irais convoler en justes noces avec...(s’interrompant, il la toisa d’un regard dur et froid comme la pierre) avec la fille divorcée d’un vulgaire marchand ?

Le Jessop’s n’était pas un de ces clubs prestigieux où tout gentleman rêvait d’être admis. Plutôt un lieu où finissaient les paniers percés. Une vapeur fétide flottait aux quatre étages, divisés en plusieurs petites pièces sordides, où des joueurs de tous horizons buvaient de l’alcool bon marché en perdant le peu d’argent qu’ils avaient miraculeusement réussi à conserver, ou qu’ils avaient emprunté ou volé. C’était un tout autre visage de Belgravia.

Le comte de Brockenhurst souffrait de cette incapacité typiquement anglaise à exprimer ses sentiments, qui le rendait souvent plus poignant qu’éloquent.

Détail plus révélateur encore, elle ne sonna même pas pour qu’on apporte sa cape et son chapeau, mais se contenta de monter à sa chambre vingt minutes avant l’heure pour les mettre sans l’aide de personne.

Elle aimait sa vie. Ils étaient riches, ils avaient réussi, leur compagnie était recherchée dans le milieu des commerçants de Londres, mais James en voulait toujours plus. Il l’obligeait à s’introduire chez des gens où ils n’étaient ni aimés ni appréciés, à converser avec des hommes et des femmes qui les méprisaient en secret, quand ce n’était pas ouvertement, alors qu’ils auraient pu vivre dans une atmosphère de confort et de respect. Elle le regrettait, tout en sachant qu’elle ne pourrait arrêter son mari. Personne ne le pouvait. C’etait dans sa nature.

Oliver ne semblait pas comprendre qu'un véritable épanouissement sur cette terre se gagne grâce au travail. Une existence constituée d'une succession de plaisirs éphémères ne satisfait personne. Il faut avoir un but, une raison d'exister.