Citations sur Les maîtres de chant (49)
Les écrivains ne sont pas des rêveurs. Comme ils ne voient pas la même chose que les autres, on les range dans cette catégorie par commodité. On ne les comprend pas pour cette raison même et l'on s'aperçoit après leur mort qu'ils avaient saisi l'essence de leur époque avant tout le monde. C'est la règle de l'art.
Nous étions prêts à partir. J'avais apporté des provisions, comme je le fais toujours quand j'accompagne les Campagnoli. Je m'enchante de ces petites choses. Je crois que l'amitié se fonde sur les rites, les jeux, les mots de passe, hermétiques à qui ne les entend pas, pouvant même paraître absurdes. Ces fils tissent les liens, les rendent uniques et précieux.
Les enfants se suffisent à eux-mêmes. Notre présence devrait se borner à un seul rôle : les regarder, veiller sur eux. Les êtres qui ont eu la grâce d'être considérés ainsi dans l'enfance puisent toute leur vie dans cette bonté comme dans une provision de bonheur, mais ils ne deviennent pas écrivains.
C'est une des plus belles compositions de Jean-Paul.
Jean-Paul chante seul, accompagné au piano.
Un soffiu di libertà
Quandi u mare amurosu carezza le to sponde,
È chì l'aria s'infiara à l'imbruni di a terra.
M'incantanu e stagione chì azzicanu e to stonde,
È l'ombra di a pace ch'invadisce la sera.
Cum'è un soffiu di libertà.
(Un souffle de liberté
Quand la mer amoureuse caresse tes berges
Et que l'air s'embrase à la tombée de la nuit
Les saisons qui bercent tes instants
Et l'ombre de la paix qui envahit ta soirée m'enchantent
Comme un souffle de liberté.)
De nos jours, la gloire est confondue avec une notoriété à laquelle n'importe qui peut prétendre, avilie par la facilité à l'obtenir, offerte par une télévision dont la vulgarité n'est plus à démontrer.
Dans son anthologie, il a repris La barcarolle bastiaise, la chanson mythique de Vincent Orsini que tous les Corses connaissent. Tino Rossi en fut l'interprète le plus célèbre.
Sur l'onde calme ah ! Quel délice !
Voguer sans crainte, rêver ou chanter
Mystérieuse la barque glisse
Et la lune verse toute sa clarté
La douce brise nous caresse
Et met en nous comme une ivresse
Le cœur ressent l'ardent désir d'aimer !
Pour son anthologie, Jean-Paul l'a réorchestrée d'une manière très classique.
Je commence à me sentir bien dans ce garage. Il aurait plu à Hemingway. J'imagine qu'un soir, la confiance venant, nous pourrions y déguster un
« Papa Hemingway » : un mojito, sans sucre et avec double ration de rhum. Constante, le patron du El Floridita, à Cuba, l'avait servi à Hemingway en disant : « Voilà, Papa ! » Et c'est ainsi que naquit la légende.
« L'harmonie, la justesse, la beauté, c'est à l'oreille qu'on doit la juger », dit-il.
La beauté n'est pas théorique, en effet. Je songe à Hemingway, qui affirmait : « Un écrivain sans oreille est comme un boxeur sans main gauche. C'est immédiat quand on lit un roman. On voit tout de suite s'il y a une oreille ou pas. Il faut écouter ... Parler, écouter, écrire, tout ça est évidemment la même chose. »
Avant d'être soi, de pouvoir l'être, on imite le voisin, on lui ressemble. On veut une identité en profondeur.
L'atelier est un mystère pour l'écrivain. La solitude est non seulement une exigence, mais la condition de son travail. Pour moi, l'atelier est un cabinet de curiosités in vivo. Je ne l'observe pas sans une certaine envie, mais je me tiens à la lisière. Je reste sur le seuil.