Mais les vagues sont comme l'amour, elles sont belles en arrivant sur le rivage, mais l'instant d'après, elles n'existent plus.
Elle posa la main sur son épaule. Elle semblait très émue.
- Je voudrais te demander une chose très importante. Ne dis rien à personne. Rien. Même pas à tes amis les plus proches.
- Morgane, je suis une tombe.
Il avait "une tombe". Elle sursauta en entendant le mot.
- Ce que tu sais, garde-le au fond de ton cœur. Ne parle jamais de moi. Je ne parlerai jamais de toi.
- Je n'ai aucune raison de répondre aux questions qu'on me pose.
- Il fait se taire. Ne jamais révéler le secret de la lande.
On croit souvent que les monstres ressemblent à des monstres. Qu’en les croisant, on reconnaîtra la lueur maléfique dans leur regard ou la bizarrerie de leur allure, de quoi donner l’alerte et se protéger. Mais les monstres ne ressemblent à rien, ou, plutôt, ils ressemblent à tout le monde.
Le soleil couchant de Bretagne met le feu à la mer et au ciel, mais aussi à la terre. La forêt, les chênes, les pins, les genêts, les bruyères, les ajoncs, les landes à perte de vue, le bocage, les talus, les rivières, les torrents, les crêtes rocheuses, toute l’âme de la Bretagne est incendiée par une lumière qu’on ne voir qu’ici. Certains soirs d’été, la lumière sur la mer bretonne est si puissante que même les aveugles la voient.
(L’Archipel, p. 19)
Monsieur, vous lisez des romans ?
- Je n'ai pas le temps.
- Vous devriez le prendre. Ils éclairent notre existence. Les histoires comme celles-ci sont légion dans les livres. Des gens obscurs cherchent à se venger d'hommes et de femmes qu'ils envient de manière obsédante.
Les pervers ressemblent à des crocodiles. Ils attendent tapis dans le marigot, sans bouger, sans rien faire, les prunelles tournées vers leur proie. Au moment où celle-ci est la plus fragile, la plus vulnérable, ils se jettent sur elle et l’engloutissent.
Ornano observa le jardin baigné d’une belle lumière, celle du début de l’automne, plus tranchante qu’en août, moins brumeuse. Le ciel était d’un bleu profond. Il apercevait les rochers, la mer par-delà la maison. La marée était basse. Une odeur de pin maritime s’exhalait. L’endroit était paradisiaque. On imaginait mal qu’un drame se soit produit ici.
Les rochers sont quasi éternels. Ils existaient avant l’homme. Ils existeront quand l’humanité ne sera plus que poussière.
Morgane pensait qu’on allait l’emmener sur-le-champ mais il n’en fut rien. La juge et les gendarmes partirent comme des mouettes après un festin dans un dépôt d’ordures.
À Ploumanac’h, même les cœurs sont en granit, forts et durs, habitués aux embruns, aux averses, aux vagues, aux coups de tabac. Pas tous les cœurs. Certains cœurs sont comme des hortensias, graciles et doux, fins et fragiles.