- Vous ? Vous n'êtes pas païen ! Je vous ai bien écouté : vous voulez détruire le ciel d'Aristote pour le remplacer par celui de Copernic ! Raccommoder le toit du monde, en somme, et le monde lui-même ! La belle affaire ! Croyez-vous que l'homme deviendra meilleur parce que vous lui aurait bâti une nouvelle maison, plus extravagante encore que celle dont il disposait ? ...
- tu auras besoin d'une bibliothèque, dit Marchese, d'une imprimerie, de collègues partageant ta foi ...
- J'ai peur que ma foi appartienne à une espèce trop singulière pour être partagée, répliquai-je ...
Le collège, en effet, osait s'enorgueillir du nom "d'Academia", mais qu'était-il d'autre qu'un repaire de cuistres dont le seul talent consistait à tourner le latin en grec et le grec en latin ?
Aucune idole, plaidai-je, ne mérite dévotion.
(Chap. du 10 février 1600)
Chacun de mes traités, chacun de mes discours et conférences, chacune de mes décisions fut un défi à la peur qu'au monde vous inspirez.
L'oeil n'est pas l'organe de la vérité...
(Chap. du 15 février 1600)
Nous les connaissons bien, ces esprits timorés et frileux, ces cerveaux débiles qu'effraie la perspective du moindre changement dans l'ordonnancement du monde...
Les mots voués à l'oubli qu'a tracés ma misérable plume ressemblent à des pierres soulevées le long d'un chemin, et dont chacune cachait sa brassée d'accidents, de circonstances, de hasards et de visages - et Dieu que je les aime, ces circonstances!
Pardonnez-moi de vous interrompre, signor Marchese, mais toutes les religions sont bonnes, prises sous l'angle de leurs principes. Ce sont ceux qui les servent qui me font peur.
La religion ? Elle n'était plus aux yeux de beaucoup qu'une contrainte nécessaire, un habit mal taillé à endosser pour l'institution du peuple et la sauvegarde des apparences ; les vraies décisions se prenaient en dehors de la foi.
(Chap. du 15 février 1600)