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Critique de fbalestas


Ils sont trois. Trois à entrer aux Beaux-arts à Lille avec une furieuse envie de peindre.
Peindre ? Dans les années 2000 ? Complètement dépassé, selon la plupart des profs. L'heure est aux installations, à la vidéo, aux happenings, à tout ce qu'on veut, sauf cette vieille peinture complètement démodée.

Il y a Lucie, Luc et … toi. Leur amitié soudée va les aider à tenir pendant ces trois années d'études aux Beaux-Arts, affrontant critiques et dénigrement, humiliation et mépris et leur donnera leur nom de baptême : les « Térébenthine ». Car les professeurs sont terribles : il y a l'épouvantable Véra qui dénigre tous ses élèves, les poussant même au suicide dit la rumeur. Il y a le tuteur de mémoire de la narratrice, qui tente de la violer après un vernissage.

Car il ne suffit pas de peindre, il faut aussi penser, et écrire sur ce que l'on fait. Les trois protagonistes n'en ont pourtant pas vraiment envie... mais le slogan, annoncé partout est pourtant bien clair «Peinture et ripolin interdits » : ils doivent donc braver l'interdit, en ayant une cave pour atelier et le mépris de leurs collègues comme quotidien. Ils devront tous trois trouver leur expression personnelle, et cela sans aucun appui autre que leur amitié qui va être soumise à rude épreuve.

Les cours sont pourtant ponctués d'exposés sur l'histoire de l'art, certains élèves proposent de parler d'artistes contemporains, et Lucie et la narratrice constatent alors qu'il n'y a que très peu de femmes citées officiellement : est-ce un oubli volontaire ?
C'est l'autrice, Carole Fives, qui va nous détromper. « Après une absolue domination du regard masculin pendant des siècles, les femmes artistes peinent à s'exprimer, à simplement oser prendre le pinceau, la caméra, le stylo, mais quand elles le font, c'est l'explosion. » S'en suit une très longue liste, où l'on croise pêle-mêle Louise Bourgois, Annette Messager, Frida Khalo, Tamara de Lempicka, Agnès Varda, Camille Claudel, Germaine Richier, Dora Maar, Sophie Calle ...

Plus tard il y aura les galeries parisiennes, qui toutes opposent un refus poli dans le meilleur des cas, méprisant la plupart du temps, quand la narratrice leur présente son carton à dessin.
L'originalité de « Térébenthine » tient aussi dans l'utilisation de ce « tu » qui ponctues tout le récit. Mais qui est ce « tu » d'ailleurs ? L'écrivaine Carole Fives qui aurait été tentée un temps par la peinture ? Ou une destinataire inconnue ? Et quels liens entre le peinture et la littérature ?

La fin du récit verra la destinée des trois apprentis peintres prendre une tournure différente. Lucie prendra la direction de l'Éducation Nationale, la narratrice erre de petits boulots en petits boulots, délaissant petit à petit la peinture au profit … de l'écrit.
Il n'y a guère que Luc qui persévérera malgré les incompréhensions, le mépris et le manque de reconnaissance. Jusqu'au jour où … mais le lecteur découvrira bien assez tôt la fin tragique.

On pense à « Un monde à portée de main » de Maylis de Kerangal, pour sa proximité avec la matière, les outils, le concret du peintre.

Roman d'apprentissage, ode à la difficulté d'être artiste aujourd'hui – et encore plus lorsqu'on est une femme, récit intime et initiatique, « Térébenthine » est un peu tout cela à la fois et « l'urgence de devenir sujet » son crédo.
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