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sur 4379 notes
Le sous-titre de "L'éducation sentimentale" est "L'histoire d'un jeune homme", qui me semble plus approprié que ce titre qui apparaît, après lecture, trompeur et plutôt ironique.
Ce jeune homme, c'est Frédéric Moreau, dont on suit les vicissitudes de l'existence depuis ses 18 ans en 1840, alors qu'il est étudiant à Paris -et amoureux de Madame Arnoux, mariée et mère de famille. Cet amour va évoluer pendant des années, au gré des rencontres, intérêts et opportunités, dans le climat pré- et post-révolutionnaire de1848.
Je n'ai pas aimé Frédéric Moreau, personnage ambitieux, tergiversant et égoïste, et je n'ai pas été touchée par ses intrigues amoureuses. Je n'ai pas aimé non plus cette bourgeoisie oisive et mesquine décrite par Flaubert, son obsession de l'argent et son mépris de la République. Je n'ai pas plus aimé les socialistes exaltés, manipulateurs ou naïfs, dépeints par l'auteur. En outre, l'histoire m'a paru par moments décousue et mal articulée (mais Flaubert l'a écrite sur une période de 24 ans, ceci explique sans doute cela).
Néanmoins, ce roman est un témoignage précis et mordant sur la vie des Français sous la Monarchie de Juillet et la IIe République. L'auteur saisit sur le vif les travers de cette époque confuse, et se délecte à brosser les turpitudes de ses contemporains. Ce n'est qu'à ce titre que j'ai apprécié ce roman, même s'il m'a un peu rebutée par son cynisme, et si je me suis parfois égarée dans les nombreuses références politico-culturelles de cette période.
C'est donc davantage un roman social qu'une bluette, avis aux romantiques !
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Frédéric Moreau, un jeune homme qui monte à Paris en 1840, aurait pu rencontrer et être l'ami, ou le petit « frère » de Julien Sorel de Stendhal. Celui-ci aurait eu 10 ans de plus. Mais leur histoire a de nombreux points communs.
Mais Frédéric est accaparé par son ami Deslauriers, et surtout, il est amoureux de Mme Arnoux, alors que d'un autre côté, Julien Sorel, lui, est amoureux de Mme Rênal. Ces deux femmes ont des maris « machos », et elles sont toutes deux des femmes vertueuses.

Comme « Le rouge et le noir », c'est un roman social ;
Comme « Le rouge et le noir », cela se passe à Paris au XIXè siècle ;
Comme « Le rouge et le noir », le héros est un jeune intellectuel-dandy-amoureux d'une femme établie, et qui veut faire ses preuves dans la vie, mais ne sait pas trop comment, est un peu perdu...
Comme dans « Le rouge et le noir », on a une petite analyse politique du contexte français de l'époque : en 1840, sous Louis Philippe, c'est la lutte monarchistes / républicains.
.
Mais aussi, comme « Le rouge et le noir », « L'éducation sentimentale » manque de contextualisation, avec un style trop riche, trop rapide, et ce manque de fluidité nous oblige à revenir en arrière.
Cependant, j'apprécie d'être vraiment rentré « dans le cerveau » de Frédéric Moreau, comme j'ai investi celui de Julien Sorel.

Pour l'un comme l'autre, est-ce une éducation ? Sont-ils « préparés » à affronter la vie ?
Le père de Julien s'est moqué de lui, celui de Frédéric semble inexistant, or un garçon, traditionnellement, se calque sur son père, ou l'affronte ....

Flaubert n'estimait pas Stendhal, mais il faut avouer qu'ils avaient de nombreux points communs, notamment pour la construction de ces deux ouvrages dont on vient de parler : )
Ahem... Il me reste à lire « La chartreuse de Parme » de l'un, et « Madame Bovary » de l'autre.... entre autres...
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Le style. Ah ! le beau style de monsieur Flaubert. Oui mais …

Je me suis donc risqué au style de ce ténor du langage, tout seul, comme un grand, avec la lecture de L'éducation sentimentale, que les initiés hissent très haut sur les rayons de la littérature classique. Moi qui n'ai à me reprocher d'autre étude littéraire que celle d'un bac scientifique. Moi qui me rangeais du côté des férus de trigonométrie pour brocarder nos congénères des classes littéraires.

Pour ma défense, et contre toute attente, j'avoue avoir toujours eu un a priori favorable pour cette époque, chère à Flaubert, où quelques perspectives parisiennes ouvraient encore sur des pans de campagne, où les rues de notre capitale n'étaient pas encore ceintes de l'anneau sonore et empuanti d'un boulevard périphérique. Bien que des encombrements elles en connaissaient déjà, les rues parisiennes de Flaubert. Mais les senteurs étaient plus fauves, les sonorités moins ronflantes, les voix humaines encore audibles au dessus du tumulte urbain. Et Dieu sait si Flaubert, en stakhanoviste du langage qu'il était, s'attachait, s'évertuait même, à les décrire avec une minutie obsessionnelle, avec tant de détails que l'action en est devenue anecdotique. Point de rêverie inspirée toutefois chez lui : du réel et du concret, de la précision dans le trait, les formes, les matières, les couleurs. de la précision à longueur de chapitres avant même que de cette exactitude n'émerge un geste, un événement, une intention, une vibration, une peur, une joie, enfin quelque chose qui nous fasse comprendre que le décor n'est qu'un écrin de la vie des hommes, que le langage n'est qu'un moyen de le traduire. Et non une finalité.

En plaidoyer à pareille incursion dans la littérature du 19ème siècle j'avoue en outre avoir adjoint à ce penchant nostalgique, un faible pour les convenances, surtout quand il s'agit d'arpenter le long chemin si périlleux qui mène au coeur des dames. Notre vocabulaire contemporain ponctué d'anglicismes, dont les locuteurs eux-mêmes ignorent jusqu'au sens, le culte de la médiocrité assumée, l'inconséquence et la vulgarité de notre temps me rebutent quand même parfois. Tout cela me fait regretter les tournures enflammées au verbe bien calibré, la sensualité des belles phrases que notre langage moderne d'onomatopées a désormais phagocytée.

Le penchant pour les sciences qui a gouverné ma vie avait quelque peu bâillonné ma sensibilité. Avec l'âge elle refait surface. Dois-je parler de romantisme, quand Flaubert qualifiait ces épanchements de "désespoir factice", réfutait " cette espèce d'échauffement qu'on appelle l'inspiration" et jugulait ces élans du coeur pour donner corps dans ses écrits à un pessimisme chevillé à l'âme.

Je me rappelle m'être alangui avec Madame Bovary, assoupi peut-être même. J'ambitionnais le retour en grâce du roman psychologique, le réveil de la passion. J'ai sombré avec l'Éducation sentimentale. J'ai découvert que lorsqu'un amour est impossible, avec Flaubert, il le demeure. Aussi, l'entêtement érodant la sensualité, je me suis enlisé dans les longues litanies descriptives du maître, plus figuratives que les toiles de ses contemporains paysagistes. Je me suis laissé obnubiler par les oscillations entre bienséance et illusion amoureuse, horripiler par les atermoiements infligés par fortune et rang social.

Peu d'événements, rien d'émoustillant dans la vie de Frédéric Moreau, pâle héros impuissant à conduire sa propre vie, empêtré qu'il est dans les contingences matérielles, les codes sociaux. Homme de toutes les faiblesses, il laisse couver son feu intérieur plutôt que lui donner l'oxygène qui le ferait devenir flamme et réduire en cendre ce décor dans lequel il se dilue. Dans lequel Flaubert le dilue. A force de le fignoler ce décor, de le ciseler, de le polir, de le retoucher. Pour qu'il soit parfait.
Oui, mais voilà, la perfection, c'est peut-être aussi l'ennui. Il lui aurait peut-être bien fallu un petit grain de folie à ce Frédéric Moreau pour aller forcer la porte de son aimée et l'emporter, la ravir à son confort. Car certainement qu'elle aussi s'ennuyait dans sa vie bourgeoise bien rangée.

Décidément il manque encore quelque chose à mes affinités littéraires pour décoder la quintessence de ce style dont on vante la perfection, en isoler les constituants et goûter les subtilités, l'excellence d'un auteur perfectionniste à l'extrême autant que besogneux. Et oublier le besoin d'action. Je n'ai pas perçu le piquant de cette passion amoureuse irraisonnée que la morale de son siècle réprouvait. Il me reste à l'esprit qu'une sorte de fadeur de personnages sans lustre, la représentation d'une société bourgeoise que Flaubert exècre tant qu'il veut nous la dépeindre dans le plus infime détail, le plus pâle reflet. Il me colle au souvenir une forme de grisaille. Cela me laisse imaginer sans peine les murs et les ruelles sombres de notre capitale au crépuscule du romantisme. Peut-être que c'est ça le style de Flaubert. Peindre son temps au point de rebuter son lecteur avec tout ce qui le rebute lui-même. Flaubert eut été peintre, il aurait représenté la laideur avec maestria.

Deviendrai-je mystique avec le temps que je ne trouverai pas plus grâce aux yeux du maître. Avec lui la vie s'observe, se palpe, se respire, se dépeint. Elle s'écrit avec des phrases d'orfèvre. Elle ne s'inspire pas.

Alors le style de M. Flaubert, il est beau. C'est vrai. Mais la perfection ça manque de chaleur, de sensibilité, ça sent l'obsession maniaque. Ça ennuie. Et ça m'a fait perdre le goût des belles phrases. Dommage.
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Ma 100ème critique sur Babelio ça se fête non ? Non , bon tant pis, sans transition...
Pour information, c'est le deuxième Flaubert que je lis après Madame Bovary. Ici on suit le parcours du jeune Frédéric Moreau, ses amours, ses louvoiements dans une période politiquement plus qu'instable (1848-1851).
J'ai eu beaucoup, beaucoup de mal à rentrer dans le livre. Au début je ne lisais qu'une page ou deux par soir, c'est dire ! Mais je me suis vraiment accrochée et j'ai fini par suivre avec intérêt les aventures de Frédéric. Le fait d'avoir choisi ce contexte est un plus, même si ce n'est vraiment pas ce qui m'a le plus séduite dans le livre. Non, ce que j'ai préféré c'est véritablement Frédéric en tant que personne. Il est incroyablement complexe, toujours hésitant. Son amour pour Mme Arnoux semble noble d'entrée de jeu, mais au fur et à mesure on se rend compte de son côté manipulateur. On apprend à le connaître comme un jeune homme plein d'idéaux (sentimentaux, politiques..), on le découvre prêt à tout pour parvenir, indifférent à tout ce qui n'est pas lui-même ou son amour pour Mme Arnoux. Argent, vice... tout y est. Il est incroyablement égoïste. Cependant, on ne peut s'empêcher de compatir à son sort, on ne peut pas le trouver foncièrement mauvais. Il agit le plus souvent avec sincérité, tout entier dévoué à son amour. Au final ce sentiment reste vraiment beau et touchant. J'ai beaucoup aimé la partie finale où tout s'emballe : la révolte gronde, Frédéric est à l'apogée de son hypocrisie, louvoyant entre trois femmes différentes. Et dans les toutes dernières lignes, le héros qui constate la vacuité et l'échec de sa vie... Magnifique.
Un bémol : le sort de tous les "amis" m'a laissée plutôt indifférente. J'avais tendance à les confondre, il y a de trop nombreux personnages. J'aurais aimé que le livre soit encore plus centré sur Frédéric, que les turpitudes de ses connaissances soient moins racontées.
Pour conclure, j'ai trouvé le temps parfois un peu long en lisant ce roman. Ce n'est pas un coup de coeur magistral bien que je soit très contente de l'avoir découvert. J'aime toujours beaucoup le style de Flaubert.

Lien : http://lantredemesreves.blog..
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L'éducation sentimentale ? Drôle de titre pour un roman qui est dépourvu de sentiments ! Quelle sécheresse de ton, quelle désespérance, quel ennui ! Ca y est, le mot est lâché : oui, je me suis ennuyée, profondément. Aucun personnage n'a attiré ma sympathie et notre anti-héros encore moins ! Quel homme oisif, mesquin, imbu de lui-même, profiteur... qui s'amuse quand d'autres se font fusiller, qui regarde mais n'agit jamais... épuisant ! Un roman épuisant à lire car truffé de détails, de références. On s'y noie ! A l'aide, au secours, de l'air !!!

Il ne suffit pas d'avoir de belles lettres pour convaincre un lecteur. L'art de manier les mots doit être aussi subtil que celui de susciter l'intérêt, sinon pourquoi écrire ? de ce roman-ci, je ne retiendrai que la peinture sociale de la bourgeoisie, et de l'époque mouvementée de la révolution de 1848. Mais c'est bien tout ! Quant à notre anti-héros qui s'ennuie de la vie qu'il mène car ne correspondant pas à ses ambitions, et bien on s'ennuie avec lui !

J'avais dans ma tendre jeunesse lu « Madame Bovary » qui m'avait déjà profondément ennuyée. Et je m'aperçois que quelques années plus tard, Flaubert et moi n'avons rien à nous dire de plus...


Frédéric Moreau (Flaubert lui-même ?), jeune provincial de dix-huit ans, quitte sa Normandie natale pour monter à Paris y faire ses études. En chemin, il croise madame Arnoux dont il tombe éperdument amoureux...

Lien : http://mespetitesblites.net
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Que cette lecture fut longue et ennuyeuse, très loin de Madame Bovary. Flaubert avait pourtant annoncé la couleur : "Je veux faire l'histoire morale des hommes de ma génération". de ce point de vue c'est probablement réussi, mais objectivement pas très palpitant. D'abord parce qu'il ne se passe rien, pire, quand il se passe quelque chose, Frédéric Moreau fuit les évènements ou se trouve ailleurs ! C'est certainement une très belle peinture d'une époque, mais d'une époque hélas peu passionnante et encore moins attirante même si les évènements politiques sont nombreux : chute de la monarchie de Juillet, révolution de 1848, journées de Juin, puis coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte, … le personnage principal, Frédéric Moreau, est un antihéros, à la fois parfaitement romantique et capable de comportement d'un cynisme à la limite de la goujaterie. Lui et son ami, à la fin du roman, se remémorent quelques souvenirs de leur adolescence, souvenirs si piètres que cela revient à un constat d'échec. Pas un personnage secondaire ne vaut véritablement mieux, même pas finalement Louise Roque. Ce sont tous des gens ou sans grand intérêt ou totalement dépravés, cyniques, intéressés, déloyaux, sauf peut-être le personnage de Dussardier, le seul dont on peut au moins dire qu'il reste fidèle à lui-même tout au long du roman. Par contre il faut bien avouer que c'est très bien écrit, avec tout plein de pages dignes d'anthologie mais, avec le contexte, quel pensum ! le titre devrait être « Comment rater sa vie » !
Bref, un classique que l'on peut zapper.
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Un jeune provincial arrive à Paris, des rêves pleins la tête, des appuis là où il faut, un pécule non négligeable, des ambitions vagues mais qui seront à n'en pas douter à la hauteur de ses talents, des convictions politiques révolutionnaires en acier trempé, et un meilleur ami avec lequel il a tout partagé. Cerise sur le gâteau, notre héros vit LE coup de foudre, celui qui n'arrive qu'une seule fois dans la vie ; pour une femme mariée certes, et très vertueuse, mais enfin, à coeur vaillant rien d'impossible.

Alors, comment se fait-il qu'avec autant d'atouts dans son jeu, notre Frédéric parvient à échouer sur tous, mais absolument TOUS, les tableaux ? Avec des décisions molles dictées surtout par la lâcheté, des sollicitations abandonnées sans réelle raison à mi-chemin, notre héros commence tout, hésite, revient sur ses pas, hésite encore, revient sur sa première idée, et finit par ne rien réaliser du tout. Tout le monde avance autour de lui, et, perdu dans ses atermoiements, il finir par se retrouver tout seul derrière.

Son comportement avec les femmes est particulièrement démonstratif : en plus de son coup de foudre de jeunesse, qui semble petit à petit partager ses sentiments, Frédéric a également l'opportunité d'avoir une liaison avec une courtisane en vue qui accroîtrait son prestige sociale, et sa campagne natale abrite une jeune fille de bonne famille qui n'a d'yeux que pour lui et ne rêve que d'un mariage, certes moins prestigieux vu de Paris, mais qui lui garantit un bonheur simple et tranquille (tout de même, y en a qui ne se refusent rien). À force de faire patienter l'une en attendant de voir si la situation avec la deuxième se débloque, et de s'afficher avec la troisième pour provoquer la jalousie de la précédente, il finit par les perdre toutes les trois (et il le mérite bien).

Les rêves de jeunesse en prennent pour leur grade dans ce roman. Ceux de la bourgeoisie tout du moins : recevant tout sans effort, Frédéric copie imperceptiblement tous les codes d'une société qu'il rêvait de bouleverser quelques années auparavant. Ce qui donne des moments particulièrement gênants, quand il reçoit ses anciens amis, toujours impliqués dans des mouvements révolutionnaires et risquant leur peau, ou, au minimum, de gros ennuis avec la police, dans un salon du dernier chic. Tout en se vexant de la fin de non-recevoir qu'on lui oppose quand le vent tourne enfin du côté de ses anciennes idées.

Je me serais sans doute beaucoup ennuyé si j'avais dû ouvrir ce livre dix ans plus tôt. Mais me trouvant à un moment de ma vie où je me retrouve coincé entre mes rêves de jeunesse et le confort de ma vie actuelle, où j'hésite entre verser une cotisation pour une association venant en aide aux enfants défavorisés ou un remboursement pour l'achat d'un coupé-sport, entre passer mon temps à donner un coup de main pour l'accueil des migrants ou partir trois semaines dans un hôtel all-inclusive au Maghreb, je me rends compte que mon processus de Frédéricisation est déjà bien entamé. L'ironie de Flaubert, sa façon de disséquer les petites lâchetés quotidiennes qui nous éloignent insensiblement du chemin qu'on s'était tracé, est alors particulièrement mordante. Pour me donner un choc, je l'espère, salutaire.
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Un roman d'apprentissage, célébré comme un des chefs d'oeuvre de Gustave Flaubert, figure incontournable de la littérature française -que dis-je - LE pilier de la littérature française.
Peut-on de nos jours critiquer les chefs d'oeuvre ? C'est comme critiquer « la Joconde », lui trouver un air sombre et pas franchement sympathique, dans un décor brumeux, qui ne tient pas la route…
Je vais m'y risquer, tout au moins, exprimer mon ressenti.
Quelle déception ! C'est froid, désespérément froid.
Cela ne vibre pas.
On ressent un peu la colère sous-jacente (froide elle aussi) de l'auteur contre les travers de son époque, à travers le montage de personnages stéréotypés, représentatifs de chaque milieu social patiemment introduit.
Une fin en tire-bouchon.
La même déception que j'avais éprouvée pour celle de « Crime et châtiment » de Dosto.

S'il est vrai que « les émotions extraordinaires produisent les oeuvres sublimes », cette troisième tentative de l'auteur n'a pas été la bonne, faute de carburant, faute d'émotions.
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Souvent on ne retient de L'Education sentimentale que l'histoire d'un amour impossible, et les traits ironiques de Flaubert : les cheveux blancs de Mme Arnoux lors de la rencontre finale, le « Et ce fut tout » lapidaire, suivi des souvenirs de bordel de Frédéric…
C'est un fait que l'amour de Frédéric pour Mme Arnoux est le motif central : son coup de foudre pour elle ouvre le roman et, si Frédéric est un jeune homme qui rêve sa vie et n'arrive pas à vraiment « entrer » dedans, c'est en bonne part du fait de cette Expérience liminaire – les autres expériences qui se présentent à lui ensuite semblent fades et irréelles, si peu dignes d'intérêt… Toute sa vie est magnétisée par Mme Arnoux : les études (qu'il mène en dilettante), les affaires (qu'il gère en amateur), la politique (qu'il suit de loin en loin…) – rien ne compte pour lui que dans la perspective d'approcher Mme Arnoux, de lui plaire, de penser à elle… Et même le « reste » de sa vie sentimentale est régi par Mme Arnoux : ses autres conquêtes féminines sont jamais que des exutoires à ses déceptions avec Mme Arnoux, des palliatifs pour éloigner son souvenir – quitte même à vivre double-vie avec Rosanette et Mme Dambreuse, à leur promettre à chacune simultanément le mariage…
L'amour de Frédéric et Mme Arnoux est central, donc, et s'il apparaît comme impossible, c'est qu'elle est la femme d'un autre – elle n'est d'ailleurs jamais désignée que comme Mme Arnoux, quasi-jamais par son prénom, comme pour sur-signifier son mariage… Encore cette raison n'est-elle pas suffisante : Frédéric n'est pas empêché d'avoir une histoire avec Mme Dambreuse, du vivant même de M. Dambreuse – pas plus qu'il n'est gêné par les bonnes moeurs, quand il s'agit de vivre chez Rosanette… Surtout, Frédéric partage avec Flaubert une grande timidité face à ses sentiments – pour autant qu'ils soient profonds, comme c'est le cas avec Mme Arnoux, moins avec les autres… Et Mme Arnoux est une femme qui, comme le note Albert Thibaudet, « peut vivre dans une réalité triste, mais (…) a besoin de vivre dans une réalité calme » : la passion et l'adultère ne peuvent la rendre heureuse et elle oeuvre, consciemment ou inconsciemment, à s'en tenir éloignée – malgré son amour pour Frédéric.
Amour impossible, c'est dit – mais amour vif et partagé, et qui, même s'il n'est pas « consommé », n'en donne pas moins des moments beaux et forts : les après-midis passés ensemble dans la maison d'Auteuil ; la visite de Frédéric quelques mois plus tard, quand Mme Arnoux lui explique pourquoi elle n'a pas honoré leur rendez-vous… Madame Bovary n'avait jamais pu que fantasmer la grande histoire d'amour – son drame est de n'avoir jamais trouvé homme avec qui vivre ce qu'elle avait lu dans la littérature romantique. Au contraire, Frédéric Moreau et Mme Arnoux ont une véritable histoire d'amour, fût-ce inaboutie, imparfaite, pathétique à certains égards… Malgré la médiocrité de l'époque et leurs propres faiblesses, leur histoire n'en est pas moins empreinte de beauté, d'un certain romantisme… Flaubert honore-t-il là ses propres amours restées platoniques ? Quoi qu'il en soit, l'amour de Frédéric et Mme Arnoux résiste aux ironies de l'auteur (façon de préserver son roman de toute mièvrerie ?) – et même à la dernière de toutes : comment croire Frédéric quand il affirme, en fin de roman, ému par ses souvenirs avec Deslauriers chez la Turque, « c'est là ce que nous avons eu de meilleur » ? de toute évidence, à la lumière des 400 pages qui précédent, le grand souvenir de sa vie n'est pas la Turque, mais bien Mme Arnoux !
Enfin, ce n'est pas faire justice à ce roman que de n'en retenir que l'histoire de Frédéric et Mme Arnoux. D'abord L'Education sentimentale est un roman d'apprentissage, mais d'un apprentissage qui n'est pas seulement sentimental : Frédéric est un jeune homme qui se cherche en général, il cherche sa voie, il cherche sa vie… Ses histoires avec Rosanette ou Mme Dambreuse ne sont pas seulement des « amours secondaires » (cf son amour léger et badin pour l'une, son amour admiratif pour la personnalité de l'autre) ; elles sont des moments où, comme s'empoignant lui-même, Frédéric se met en recherche d'autres vies possibles : pourrait-il avoir (avec Rosanette) une vie hédoniste et frivole qui s'assumerait… ou au contraire (avec Mme Dambreuse) une vie affairée, noblement remplie de politique de haut vol ?
Mais L'Education sentimentale est encore et surtout, au-delà même du roman d'apprentissage, une fresque historique et sociale, doublée d'une galerie de portraits – qui conte l'histoire de ses personnages sur un temps long, les fait se croiser et se recroiser dans des contextes et des rôles différents… Flaubert est ainsi le premier à décliner cette ambition qui sera ensuite reprise par bien des romanciers, jamais peut-être avec autant d'art : faire le roman d'une génération.

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Autant j'ai aimé passé quelques heures avec Madame Bovary, autant les journées passées en compagnie de Frédéric Moreau et l'évocation de son Éducation Sentimentale m'ont paru assez fastidieuses même si je restais accrochée à ses aventures à la fois amoureuses mais également au contexte dans lesquelles elles se déroulaient.
Reflet d'une époque avec ses troubles politiques, des personnages représentatifs des différentes classes sociales, les hésitations, revirements d'un jeune homme partagé entre ses ambitions et son amour pour une femme mariée et fidèle, tout cela est parfaitement restitué mais a manqué, pour moi, d'un peu d'intérêt peut-être parce que le sujet fut souvent traité.
Révolution et émois sentimentaux m'ont intéressée mais pas passionnée même si l'écriture, la restitution historique et les personnalités font de l'ensemble un récit de qualité.
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