C'est un "vrai" chef d'oeuvre pour moi ! Un livre bouleversant, mais pas que.
C'est-à-dire que j'utilise " l'expression "grand oeuvre", employée pour désigner l'oeuvre de toute une vie, souvent la plus renommée, la plus marquante, d'un penseur, écrivain, artiste, ou compositeur."
Flaubert est là, à mon avis, au niveau
De Balzac, Hugo ou
Zola !
C'est une peinture réaliste d'une société villageoise du milieu du XIXè siècle.
Ce livre, non seulement analyse chirurgicalement nombre de personnages d'un village, Yonville, dans le pays de Bray, mais en outre, il nous engage à nous poser beaucoup de questions. Enfin,
Gustave Flaubert parachève son oeuvre jusqu'au bout, jusqu'aux conséquences des actes des personnages.
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Emma Rouault est la fille d'un brave fermier normand. Celui-ci se blesse ; le docteur Charles Bovary vient le soigner. Il tombe sous le charme d'Emma ; les parents respectifs consentent au mariage.
Mais Emma veut plus que cette petite vie paisible de femme de médecin de campagne. le couple est invité au bal du marquis. Un vicomte l'invite à danser ; elle sent que c'est dans ce monde faste qu'elle veut vivre, et non cette vie de village plate, avec un mari trop falot...
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Psychologiquement, je ne dirai rien sur le caractère passionné, emporté d'Emma, ainsi que sur ses actes instinctifs : tout cela est admirablement et très finement analysé par l'auteur, qui, je pense, arrive à se mettre dans la peau et le coeur d'une femme.
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Sociologiquement, que peut-on dire, en 1857, de cette femme qui est obligée de se cacher pour aller voir ses amants, alors que Louis XIV se promenait avec ses maîtresses à la vue de tous dans les jardins de Versailles ?
Il y a d'abord cette inégalité des sexes qui fait qu'un coureur est un Dom Juan alors qu'une femme qui a le même comportement est une putain. D'où le procès de
Flaubert, car la "bonne société" juge son livre immoral.
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La deuxième question que je me pose rejoint la première.
Quelle est la vie des demoiselles à l'époque ?
La vie des jeunes filles, depuis des siècles, est sans cesse régie par la tutelle, contrairement à celle des jeunes gens. Elles ne peuvent pas faire "leur vie de patachon" comme eux avant le mariage, et surtout avant de faire des enfants ... Sinon, je pense qu'Emma aurait peut être, au final, choisi un parti correspondant à son ambition, le vicomte ou Rodolphe, par exemple, ce qui ne l'aurait peut être pas empêchée de le tromper, mais au moins de ne pas entrer dans les problèmes financiers insolubles qu'elle a, avec les moyens modestes de Charles.
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Ensuite, je me pose la question éthico-philosophique du comportement du marchand Lheureux, qui porte bien son nom.
Peut-on, éthiquement, profiter de l'ignorance financière d'une cliente pour l'enfoncer dans des dettes insurmontables ?
Ethiquement non, mais plein de gens, de tous temps, ont fait, et font encore ce que j'appelle du "vol légal". Qui peut changer ça ? Personne. Car l'homme est humain, trop humain.
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Une autre observation est le parallèle entre Charles et Homais, le pharmacien du village. Au début, Homais se met "dans les petits papiers" de Charles qui est médecin, soit pour un pharmacien, un statut prestigieux dans un village ; d'autant plus qu'il a des secrets inavouables à cacher. Je ne vous dis pas la "bascule" progressive qui s'opère au profit du pharmacien ambitieux.
Cette bascule est-elle éthiquement juste ?
Non, pas pour moi.
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Sociologiquement, on peut, là encore, comparer, à l'époque, l'échec de l'ambition féminine d'Emma, et la réussite de celle d'Homais.
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Pour nous distraire, nous avons les accrochages permanents entre le pharmacien athée ou déiste et le curé : cela me rappelle Don Camillo aux prises avec le maire communiste du village.
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Personnellement, le personnage que je préfère dans ce roman est le pauvre Charles, car c'est un homme de coeur, ce qui est pour moi, la plus belle qualité : si Emma, baissant son orgueil, s'était aperçue de cela (elle l'a senti à la fin de l'histoire ), elle eut pu être heureuse, et non dans une perpétuelle quête :)
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Emma Bovary me fait penser à la Lady d'une chanson :
There's a lady who's sure all that glitters is gold,
And she's buying a stairway to heaven.
When she gets there she knows, if the stores are all closed ;
With a word she can get what she came for...
Ooh ooh and she's buying a stairway to heaven.
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Ce morceau, avec la force de John Bonham, la puissance de
Robert Plant, la finesse de
Jimmy Page, me donne les poils !