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Critique de Laureneb


Il pourrait me semble-t'il y avoir deux interprétations, deux grilles de lecture, selon le ressenti du lecteur, ses propres émotions. D'abord, on pourrait y lire le portrait purement romantique d'un jeune homme souffrant du « mal du siècle » pour reprendre les mots De Musset, soit l'inadaptation du personnage à la société de son époque. le Narrateur a une âme d'artiste, de poète, comme tant d'autres modèles littéraires de la première moitié du XIX ème siècle, sous les plumes des romantiques : Chatterton de Vigny, Anthony de Dumas... le personnage d'Anthony est d'ailleurs cité.
Il cherche sa voie, puisque le monde ne reconnaît pas la singularité de son génie et se complaît dans la bêtise et la médiocrité. Ainsi, quand le Narrateur cherche à séduire une femme, il veut lui parler littérature, mais ne rencontre que des idées toutes faites, sans originalité. de même, les peintres reproduisent tous le même paysage, sans que le talent créatif ne s'exprime.
Le Narrateur n'est donc pas à sa place dans la société, que ce soit parmi les autres collégiens, parmi les vacanciers, parmi ses complices de débauche qui veulent boire sans se soucier de son récit sentimental, et ne veulent pas écouter ses amours de jeunesse. Il perd donc peu à peu ses illusions sur l'Art, sur l'Amour qui n'est qu'une communion des corps, sur l'amitié... Il n'est pas « fou », il est lucide sur la réalité des choses et des sentiments, il a perçu la réalité profonde des choses. Or, ce personnage romantique ne m'a pas trop convaincue, car déjà lu ailleurs, car manquant d'originalité, car trop sentimental justement, rêveur plutôt qu'actif. Il est peut-être trop jeune aussi, encore un adolescent, n'osant donc pas aborder une femme et préférant les fantasmes solitaires. Et que certains passages semblent clichés du romantisme ! Promenades au clair de lune, mains frôlées, blondeur d'une petite fille...
Oui, ce Narrateur pourrait sembler être un héros romantique typique. Cependant, Flaubert n'est pas de la même génération que ces « enfants du siècle » pour reprendre à nouveau les mots De Musset, il est né un peu plus tard, son père n'est pas un officier napoléonien comme les pères de Dumas, Hugo, Vigny... le romantisme n'est donc plus tout à fait dominant en littérature. C'est pour cela que j'ai trouvé une deuxième interprétation possible, de l'humour, de la distance ironique qui pourrait presque être une parodie du romantisme.
En effet, à chaque passage émouvant – larmoyant même selon moi, le Narrateur introduit une distance, dans la mesure où en quelques mots, il semble se moquer de la poésie sentimentaliste qu'il utilisait juste avant. Par exemple, après plusieurs pages à décrire la beauté idéale de Maria, il évoque son mari, un gros moustachu, ou qu'il rappelle que l'amour n'est qu'un accouplement de corps, que les hommes sont semblables aux « bêtes ». Il met sur le même plan le plaisir de l'amour physique avec celui ressenti par la dégusation d'un « plum-pudding ».
Néanmoins, les passages que j'ai préférés sont ceux sur la Normandie, chère à mon coeur et à celui de Flaubert. C'est la Normandie du milieu du XIX ème siècle, le « désir du rivage » pour reprendre la belle expression du titre de l'historien Alain Corbin s'installe. Flaubert décrit donc une Normandie qui accueille ses premiers « touristes » - le mot est anachronique, avec des bains de mer, des plages de varech, des enfants qui jouent sur les galets. La mer devient « sublime », elle est contemplée par des promeneurs, ce n'est plus seulement quelque chose qui effraie ou qui permet de trouver du profit. Son état entre en harmonie avec les sentiments des personnages.
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