Artifices

Alors, des chocs émotionnels, des traumatismes et du stress, elle en avait eu. Trop. Beaucoup trop. Sans parler de ce qui était remonté en surface récemment, ce qu'elle avait pourtant enfoui au fond de sa mémoire, loin très loin, là où ce serait oublié à jamais. Le sordide, le glauque, l'inadmissible qui lui avaient explosé à la gueule, comme une rafale de coups de poing.

J’entendais des voix qui intimaient au chauffeur et à l’accompagnant de se coucher sur le sol. En quelques secondes j’ai été extirpé, transporté avec le goutte-à-goutte dans un camping-car, et allongé à l’arrière. Puis le véhicule a démarré en trombe.

Le choc a été violent. Le SAMU a été percuté de face, à l’angle de deux petites rues, par un 4×4 équipe d’un pare-buffle. Les portes arrière se sont ouvertes, deux individus qui portaient des masques de tête de mort, ont braqué à la Kalachnikov, le médecin et le pompier présents avec moi dans le fourgon.

Il esquissa un sourire pervers, laissant apparaître une bouche édentée où quelques chicots bruns ou noirs faisaient de la résistance sur ses gencives.

J’ai horreur des fêtes de fin d’année.
Décembre et janvier.
Noël et ses niaiseries.
Le jour de l’an et ses faux culs…

— Ah ! Le Guenn ! Le SRPJ Versailles nous a dans le viseur, alors ce serait bien de régler cette affaire rapidement pour leur faire la nique. Ils sont déjà sur place, ils vous attendent avant d’enlever le corps.
— Bien sûr, patron. Je comprends.
Boris sortit du bureau en grommelant. « Carriériste de merde qui pense à son avancement avant le reste ».
Dans le couloir, les membres de l’équipe se dirigeaient vers lui, gobelet de café...

Il était commandant de police à la Brigade criminelle ; chef du groupe homicide du 36 quai des Orfèvres depuis treize ans maintenant.

Lorsqu’elle entendit les deux explosions, elle posa un pied à terre et leva la tête au ciel. Des lumières multicolores semblaient roder entre les arbres, là-bas, derrière elle. Puis, le silence se fit. Seule la lueur de l’incendie était visible au loin.

Elle se mit à rire à gorge déployée.
Rire qui se transforma en hurlement d’animal blessé.

La voiture s’embrasa. Il entendit alors le petit tube bleu prendre feu dans un chuintement sinistre et la bombe fut propulsée hors du mortier. Sa trajectoire lui éclata le ventre, la déchirure dans sa poitrine se confondit une fraction de seconde à l’atroce douleur qu’il ressentait. Terminé. Fernand Lavaux était mort, yeux grands ouverts, viscères et mâchoire pendante.

Un an auparavant, Boris avait pris en pleine face la descente aux enfers et le suicide de Guillaume Farès, un des gars de son groupe4. Le capitaine Farès n’avait pas supporté la séparation avec sa compagne Valérie. Il était parti en croisade, seul, contre non pas son rival, mais ses démons.