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sur 133 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En cet entre-deux du 77, ni complètement banlieue, ni complètement Paris, un jeune homme attend dans un abribus, fumant joint sur joint, tandis que le jour passe. Depuis la rentrée, lui et ses amis se sont éloignés : Enzo est devenu le traître ; la fille Novembre a repris son prénom et rangé ses poings au placard de ses désirs. Mais le grand Kevin a fait son apparition, ce grand gars du 93 avec sa dégaine et ses pompes classes, et le jeune homme a décidé, d'un coup, de rester avec lui dans l'abribus, tandis que les autres prenaient le car scolaire. Et puis, jour après jour, le jeune homme est resté, seul, et aujourd'hui sera un jour comme ceux d'avant, un jour de solitude qu'il peuplera de ses pensées et souvenirs.

« 77 » est le premier roman de Marin Fouqué, c'est aussi un ovni littéraire étonnant et détonnant. « 77 » prend la forme d'un monologue intérieur continu seulement ponctué, çà et là, de couleurs écrites en majuscules, celles des voitures qui passent devant l'abribus et viennent hacher, pour un temps, le flux des pensées qui roule dans la tête du jeune homme. Il faut lire « 77 » d'une traite pour mieux entrer dans sa couleur, se laisser porter par le torrent des souvenirs de cet adolescent, dont on comprend peu à peu la construction et la souffrance qui l'anime. A l'image du département où il vit, il incarne l'entre deux d'un âge : plus enfant mais pas complètement adulte ; en quête d'amis, de reconnaissance, mais le plus souvent rejeté, mis à la marge d'un monde qui ne veut pas de lui. Alors se déplient ses doutes, errances, méandres et se dessine la vacuité d'un être en quête d'identité, entouré par des congénères guère aidants.

« 77 » c'est aussi le souffle d'un style à nul autre pareil, une écriture affutée à l'encre du labeur, qui sonne, résonne, comme un slam percutant, une chanson triste, une litanie sans dieux. le rythme parfois s'emballe et quelques fioritures linguistiques (articles, verbes, …) passent à la trappe pour que l'écho des mots frappe encore mieux l'esprit. Forme et fond se complètent, s'entremêlent et se fondent et l'on est vite saisit par une lecture qu'on ne peut plus quitter.

En filigrane surgissent des questions identitaires : qui faut-il devenir ? Celui que les autres nous assignent à être ? La case sociale pré-remplie par son environnement ? Ou bien cherchera-t-on à devenir soi, quoi qu'il en soit du désir des autres ? « 77 » est un premier roman magistral qui cogne aussi sûrement que les bonnes terres grasses du sud 77.
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C'est LA révélation de la rentrée. le quotidien depuis l'abribus d'un môme paumé dans le 7-7. Sa jeunesse avec la fille Novembre et Enzo avant qu'il ne devienne le Traitre. Sa fascination pour les terres grasses de sa campagne. Son décompte des voitures en espérant que l'Oracle de la Vache lui soit favorable. Sa formation par le Grand Kevin pendant leurs journées buissonnières. Ses pensées qui divaguent alors que les mauvais souvenirs se consument au rythme de ses joints.
Un récit puissant qui prend aux tripes. Et l'écriture, ah la belle écriture saccadée, l'intelligence des engrenages, un monologue sonore et sensible comme on en lit rarement!
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A l'abribus, ce matin, ils sont plusieurs. Il y a notamment la fille Novembre, Enzo le Traître, le grand Kévin. le bus arrive mais lui, il ne monte pas, tout comme ces dernières semaines. Sa journée, il la passera là, dans l'ennui et la fumée des joints de shit qu'il enchaine, sous l'abribus de béton quelque part dans le 77, là où c'est encore un peu la campagne, rustre et grise. Non, il ne montera plus. Fini d'être la risée, fini les coups, les crachats, fini d'en prendre plein la gueule tout le temps parce qu'il a « un corps de lâche, une gueule fine et de longs cils ». Une journée sous la capuche, sur le banc de béton froid, le narrateur, jeune garçon grandi entre la violence et la crasse se remémore ces dernières années : le trio protecteur qu'il formait avec la fille Novembre et Enzo, les humiliations répétées, les moments de répit, les rires partagés, les trahisons, la rage, les larmes qu'on retient. Une journée pour éprouver sa solitude à présent que chacun a trouvé son rôle à jouer.
Marin Fouqué sera sans aucun doute une des voix singulières de cette rentrée littéraire (euh bon, je peux me tromper mais il l'est pour moi parmi les quelques premiers romans lus parmi les parutions de cette rentrée littéraire d'automne). Son style incisif aux phrases brèves donne une vraie force à ce monologue dur et violent qui dit sans concession le désoeuvrement, les poings quand la parole manque, le monde sans tendresse. Ça commence en ronronnant comme l'ennui - celui de ces heures d'attente vaine sous l'abribus, ça tangue, s'illumine parfois, jamais longtemps, ça cogne et ça fait mal souvent. Un roman coup de poing.
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Ce n'est pas tous les jours que l'on découvre un écrivain ! Ce garçon a du style , son style, et ça marche même avec des “vieux » soixantenaires qui se targuent d'en avoir lu, des romans ! Et souvent de bien moins bons que ce 7.7 astucieusement découpé au rythme des voitures qui passent devant l'abri-bus où le narrateur s'est réfugié pour porter sur son monde un regard parfois violent, parfois tendre, toujours juste.
Un auteur à suivre
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77, prononcer 7-7, c'est autant un lieu, la lisière entre banlieue et campagne, qu'un style, une langue, un mode de vie en dérive au bout des illusions. Dans ce dortoir boueux en bordure du monde, la jeunesse s'étire. Et pourtant jaillissent de purs moments d'humanité. Marin Fouqué est une révélation, il irradie.
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77, numéro de la Seine et Marne. Selon le narrateur, on dit sept sept comme on dit neuf trois, même si le 77 n'a rien à voir avec le 93. le 77 dans ce roman, se limite à une commune, Vernou la Celle sur Seine, dont dépend le village de la thurelle, les habitants sont les thuriots. Sur la place, il y a un monument aux morts, le long du village, la nationale, et l'abri bus où les lycéens attendent le car scolaire. Sinon, il y a des vieux.

Dans l'abri bus règne un silence spécial depuis quelques mois. les grésillements des pylônes électriques tiennent lieu de cigales, au loin, des chiens aboient, le tracteur du père Mandrin remue déjà la terre, les mottes de terre grasses et marron qui tiennent lieu de paysage, avec les tags du pont. 77, ce n'est pas le 93, mais ce n'est pas Paris non plus, c'est le 77 sud. le narrateur y tient. Il fait parti des anciens dans l'abri, avec ceux qui furent ses amis, sa bande, Enzo le futur traitre, et celle qui ne veut plus qu'on la surnomme la fille Novembre. Chacun connait sa place, même les nouveaux, les faux jumeaux qui viennent du nouveau lotissement, et le grand Kevin, qui vient de celui des barres d'immeubles.

Mais l'histoire que raconte le narrateur en un flux de conscience qui dévoile lentement les déchirures a son commencement bien avant l'arrivée des nouveaux, dans le temps de l'enfance où les trois anciens étaient une bande. le temps des jeux de terre et de vers de terre, le temps où l'abri était le monde d'où ils se projetaient dans des rêves de Squad et d'évasion. La fille Novembre, avant, c'était une boule de rage qui savait cogner les plus costauds. Maintenant, elle s'attache les cheveux et met du mascara. Enzo, l'ancien meilleur ami porte les vêtements standardisés attendus dans son école privée. le narrateur, lui, s'enfonce dans sa capuche. Lorsque le bus arrive, en un fracas de vérins et dans le flot continu des chansons de Polnareff, il reste sous l'abri. D'ailleurs, cela fait des semaines qu'il reste là, toute la journée à tourner en boucle les souvenirs, il ne croit plus au jeu des couleurs des voitures qui réaliseraient les voeux, seuls le bruit des véhicules qui passent le ramène à un présent désenchanté.

L'abri au moins est solide et sûr, l'abri ne trahit pas. Son mur tient la colonne vertébrale. Il est ancré, encastré dans le béton alors que, joint après joint, le jeune homme dévide le fil de l'histoire de la bande, des vieux, de l'ancienne centrale électrique, du père Mandrin qui les appelait ses petits lapins et qui tuait les chats, du dernier pompiste qui boit tellement de pastis qu'on ne sent plus l'odeur de l'essence et qui rêve de Tchao pantin.

Le narrateur raconte la dislocation mais en réalité, au fil des non dits, ce que l'on comprend est qu'elle a toujours été là. Il parle une langue rappée, scandée, fragile, entrecoupée de ses silences sur son corps de lâche, son surnom infâmant, son statut de paria, son acceptation, son attachement à cette terre, à ces couleurs, ses peurs de ne pas être un homme, un dominant. Il n'est pas un voyou, pas une racaille, mais ne veut pas être une victime. Pris entre la guerre des boutons de l'enfance et la cruauté des rapports sociaux qu'elle masquait, le modèle d'une virilité dévastatrice le hante, être lui aussi celui qui donne les coups, celui qui pense que lorsqu'une femme dit non, c'est un presque oui, que sa faiblesse est une honte.

Le texte se construit sur un rythme vraiment singulier dont se dégage une énergie quasi boxée qui tient la voix fragile du narrateur, tout au long du cycle des souvenirs. Au bord de la Nationale où les bolides creusent son intense solitude, le narrateur se retient sur un fil.
Lien : https://aleslire.wordpress.c..
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Après avoir beaucoup aimé le style radical de Marin Fouqué dans G.A.V., Rentrée Littéraire Actes Sud 2021, j'avais très envie de lire son 1er roman, 77. Et là aussi, cet auteur m'a séduit.

77 (prononcez sept-sept) est un roman un peu moins ambitieux que son dernier, moins ample, mais cela ne veut pas dire que ce roman est commun. Bien au contraire. Un premier roman qui parle d'un gars assis toute la journée sur un banc d'abris-bus, c'est un exercice de style couillu. Et réussi.

Marin Fouqué nous immerge dans le milieu des cités, mais les cités dont le béton n'a pas encore tout recouvert. C'est le sud-sept-sept. le contraste entre le comportement des personnages et là où ils vivent, en pleine ruralité, donne des situations cocasses et probablement pas très loin d'une réalité que j'ignorais.

77 est un roman très bien mené. Pas d'ennuie à l'horizon sinon pour les protagonistes avec le champ boueux d'un vieux paysan comme tableau de leur attente. L'antinomie du temps d'avant des villages français confrontés a cette génération de jeunes scolaires, sculptés dans le béton des cités voisines, avec leur lot de vulgarité, de dureté et d'âpreté est parfaitement décrit sans que ce soit une description sociale.
Lien : http://livrepoche.fr/77-mari..
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Un premier roman qui à première vue peut paraitre déconcertant par sa présentation, mais on se laisse vite entraîner par cette écriture rythmée qui donne envie de lire à voix haute. Même s'il se dit piètre rappeur, Marin Fouqué à conservé le swing des mots.
Le narrateur, à qui l'auteur n'a pas jugé utile de donné un nom, nous raconte son mal être d'adolescent qui ne correspond pas aux standards; pas assez fort, pas assez courageux, sans véritables amis, sans véritable famille. Seul sous la protection de sa capuche, dans ce territoire qui n'est pas la ville, mais pas vraiment la campagne il ne s'envisage pas d'avenir.
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Un sacré voyage dans un village du 77, un décor les champs, une route et un abri bu.
Un narrateur qui va nous décrire ses pensées, ses plus grandes convictions, ses envies, assis sur ce banc à regarder les voitures passées.
Il va nous décrire ses journées, ses jeux avec ses amis, sa vie et le tournant qui va à la fois le faire grandir et le mener vers un chemin de découvertes. Les interdits, les expéditions à la ville, les bagarres et les railleries dont il est victime.
Également l'évolution de ses relations avec ses amis d'enfance, Enzo et la fille Novembre, puis sa rencontre avec le Grand Kevin qui va transformer sa vie. D'autres personnages sont également très présents et portent également ce récit.
Une histoire placée à la campagne, le monde rural avec ses craintes de l'expansion du béton. L'arrivée des parisiens qui n'est pas une bonne nouvelle pour les habitants, l'ennui des jeunes dans ce village sont décrits. En parallèle au calme, l'arrivée de la fête foraine : l'événement de l'année.
Tout nous est décrit avec un style très fluide, proche du langage parlé, avec des passages qui frôle la poésie. La spontanéité est au rendez-vous, l'absence de filtre également. le lecteur est placé en immersion dans la tête de ce narrateur dont on découvrir la vie, la cellule familiale, le regard des autres. Les couleurs mentionnées ont leur rôle et leur importance aux différentes étapes de la lecture et prennent tout leur sens.
Un récit tout à fait émouvant, rempli de doutes, de confessions, de découvertes des valeurs. le style d'écriture à la limite du brut met en valeur le contenu et le rend. L'humain et les ressentis dont aux premiers plans. Je salue la prouesse de l'auteur de m'avoir totalement emmenée au fin fond du 77. Un premier roman que j'ai pris plaisir à découvrir, un mélange savamment dosé de noirceur et de lumière. Je suivrai de près les futures sorties de l'auteur.
J'avoue avoir revu une partie de mon enfance, un village de 400 habitants au milieu des champs de céréales, où la vie des jeunes se déroule à l'arrêt de bus.

Lien : https://www.facebook.com/les..
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