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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Comment j'ai fini par ressembler à mon père

Régis Franc a délaissé la table à dessin pour dresser la chronique familiale, raconter les drames et l'incompréhension qui ont jalonné son parcours et rendre un bel hommage à son père. Un récit plein de pudeur, mais à fleur d'émotion.

C'est en voyant son reflet dans une vitrine de Londres que le narrateur a compris qu'il avait désormais l'apparence et la démarche de son père défunt. Rattrapé par le temps qui passe en quelque sorte. L'occasion de dresser un premier bilan, de raconter aussi la vie de tous les défunts qui ont jalonné sa vie, et en particulier celle de son père qu'il a mis en terre dans le caveau familial de Lézignan-Corbières. Sa mort aura provoqué chez lui, qui a vécu sa dernière année dans la maison de retraite qu'il avait surnommé "le chenil",
On a porté le corps dans la tombe où il a retrouvé sa fille, ma mère, son père, sa mère, sa soeur. du bord de la fosse j'ai contemplé tous ceux-là, leurs boîtes usées par le temps. Ils étaient posés au fond. Tous les miens."
Tous les siens qu'il ne peut laisser. Faisant fi de ses obligations, il décide de passer encore quelques jours dans ce sud où il a grandi et où désormais il sera toujours seul. "Sans but véritable, j'allais vers la mer, je suivais les collines, les garrigues, les chemins des étangs. Les salins, les roseaux. (...) Et devant moi, la Méditerranée, notre mer, ma mère étaient là. Eh bien, puisqu'il s'agissait de commencer. Commençons".
L'écrivain va alors plonger dans ses souvenirs et faire revivre ceux qui l'ont accompagné et qui ont forgé sa personnalité, quelquefois par affection, quelquefois en réaction et aussi quelquefois par le grand vide qu'ils ont laissé. C'est notamment le cas de sa mère qui après avoir partagé les années noires avec son mari, l'a vu s'en sortir à force de travail, gagner sa vie comme maçon et construire la maison dont elle rêvait et qu'elle n'habitera jamais. "Ma mère s'éteignit le 24 juillet 1960, on l'enterra le 27, la maison fut terminée le 1er août et nous déménageâmes. Ce contretemps signa nos vies. Voilà comment nous entrâmes épuisés et vaincus dans une maison moderne, si moderne et si désirée par elle. Sans elle. Ni mon père, ni ma petite soeur, ni moi-même ne devions nous en remettre."
Le petit garçon devient rebelle, délaisse une scolarité qui l'ennuie, sa soeur plonge dans une dépression qui l'entrainera dans une spirale mortifère et son père cherchera refuge dans le travail, oubliant sa famille, alors même qu'il lui apportait là une preuve d'amour. Mais ses enfants ne le comprendront pas, ne voyant que le grand vide qu'il laissait.
Comme il le confiait à Romain Brethes dans les colonnes du Point à l'automne dernier: «Je fonctionne par cycle de dix ans. Après le Café de la plage, j'ai continué la bande dessinée quelque temps, puis je me suis lancé dans le cinéma, entre 1985 et 1995 environ. J'ai beaucoup espéré du cinéma, et j'ai été beaucoup déçu. Puis, jusqu'en 2004, j'ai livré pour ELLE une page qui s'intitulait "Fin de siècle". Ce sont mes derniers exploits dans le dessin. Et, un jour, j'ai accompagné la femme que j'avais rencontrée pour un tournage à Londres qui devait durer trois mois. Nous y sommes restés finalement quatorze ans!» La littérature a suivi avec un premier roman, du beau linge, paru en 2001. Un cycle qui se poursuivra jusqu'en 2012 avec London Prisoner.
Après une petite récréation sous forme d'un album hybride rassemblant textes, photos, pastels et crayonnés, et qui raconte l'histoire du domaine viticole de son épouse, La Ferme de Montaquoy, le voilà donc reparti dans un cycle d'écriture, pour notre plus grand plaisir.
Servi par une plume élégante, toute de pudeur contenue, Régis Franc dépose ici la quête d'un fils à la recherche de son vrai père, raconte la France des Trente glorieuses qui aura vu la classe ouvrière ramasser les miettes d'une prospérité économique qu'elle a pourtant construite de ses mains et dresse en creux un autoportrait tout en nuances, plein de tendresse et de mélancolie.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Regis Franc signe avec ce titre un beau roman . C'est à la fois une touchante biographie familiale, un témoignage sur la condition ouvrière dans les Corbières au XXeme siècle,
un livre sur le deuil et le manque , sur les relations père/fils et les fractures .
Le père c'est Roger Marcel Franc, un ouvrier maçon , ses parents s'étaient installés à Lezignan Corbières où la crise de 1929 avait fait d'eux des « Sans-le-Sou ». Roger est un militant .C'est aussi un poète qui écrit en patois languedocien.
Roger Franc épouse en 1941 Renee Angely.Il s'installe à son compte et construit des maisons. Pour sa famille , il bâtit « L'Ensouleiado ».Le drame arrive: Renee meurt à 39
ans d'un cancer 6 jours avant d'emménager dans sa nouvelle maison. C'est une cassure définitive pour son fils , le narrateur -auteur et pour sa fille .
L'auteur trahit en quittant le sud à 20 ans pour aller apprendre le dessin.Comment père et fils vont-ils vivre cet éloignement ? Il y aura des retrouvailles. L'auteur restera nostalgique de cet « Éden ouvrier « , de ce temps où tous les quatre
vivaient modestement mais pleinement le bonheur d'être ensemble.


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Ce récit court et dense se lit bien mais on sent parfois un manque de maîtrise des mots et de la syntaxe. Cela dit, il est très émouvant par sa justesse et sa sincérité. Digne et sobre, l'évocation du deuil est structurée autour de ce qui est dit et ce qui ne le sera jamais. Dans cette famille, on ne parle pas, ou si peu, on pleure, mais en retenant ses larmes. Et pourtant, la douleur est là, l'absence, la perte, la chambre vide et la mère disparue à jamais. En lisant ce texte, on ne peut finalement s'empêcher de penser à nos vies, à nos deuils, à nos absents.
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Un fils vit à Londres loin de Montpellier où habite son père , il veut à travers ce texte le faire revivre alors qu'ils ont toujours eu du mal (et c'est peu de le dire !) à se comprendre.

Le drame initial, c'est le fait que sa mère est morte quelques jours avant que la maison que son mari, maçon, a construite pour elle. La famille ne s'en remettra pas, le narrateur qui ressemble si fort à l'auteur deviendra un enfant difficile et un mauvais élève. La petite soeur semble aller bien mais son silence aurait dû inquiéter sa famille. le père est fou de douleur et comprendra encore moins son fils. Il y a une scène émouvante, l'enfant est tellement compliqué que son père décide de l'envoyer dans une école militaire pour le « redresser ». Au dernier moment son père le prend dans ses bras et l'enfant continuera sa scolarité plutôt mal que bien dans sa famille.

Si on remonte dans le passé de son père, on voit un enfant qui aurait dû faire des études, mais pour cela il fallait accepter qu'un « Monsieur » les aide, l'enfant de 12 ans travaillera dans la vigne. Très vite, il deviendra un ouvrier avec une conscience prolétaire et deviendra communiste. Pendant la guerre de 1940, il réussira à revenir et ensuite il s'installera comme maçon à son compte.

Cet homme sera amoureux de sa femme qui vient d'un milieu catholique, ils auront deux enfants, l'auteur et une petite fille. Quelques bons souvenirs à la plage avec des cousins.

Après la perte de sa femme il mettra du temps à retrouver une compagne qui l'aidera à vivre. Malheureusement, sa fille la jeune soeur de l'auteur était neurasthénique et se suicidera.

Voilà à peu près les faits mais cela ne dit pas tout, loin de là ! Tout vient de la façon dont l'auteur s'exprime, il a ce talent particulier de faire sourire souvent, mais aussi il raconte si bien la tristesse de l'enfant. Et enfin il rend un bel hommage à son père, cet homme, ouvrier maçon qui écrit des poèmes en langue occitane .
Lien : https://luocine.fr/?p=17505
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Le commentaire de Carole :
Voir le reflet de son père décédé dans une vitrine, réveil des souvenirs que l'auteur nous partage. Son père, dont la vie n'a pas été un long fleuve tranquille, est un militant communiste, maçon de métier et poète à ses heures. Sa femme rêve d'une belle maison et il tient à lui offrir. Il va travailler fort pour la satisfaire. À la veille de pouvoir accéder à son rêve, elle décède d'un cancer et laisse dans le deuil deux enfants. Ce drame aura un impact sur eux. le père fera son possible pour rendre sa famille heureuse. Nous ressentons, au travers des lignes, la détresse des enfants face à la mort de leur mère. La maison qui devait être un lieu de bonheur devient un endroit nostalgique. Il est très facile de constater que l'enfance de cette famille n'a pas été marquée par le bonheur. La relation entre le père et le fils est médiocre au point où ce dernier va fuir la maison familiale. La fille, quant à elle, devient une âme perdue, empreinte de tristesse, sa vie n'a plus aucun intérêt. L'auteur sait utiliser sa plume pour nous décrire la vie de son père avec une transparence qui rend bien l'émotion. Il évoque des situations sans y mettre de rancune ou de colère, seule la tristesse est présente. Une lecture sans soleil, mais une réalité dans laquelle certains peuvent se reconnaître. Je vous recommande cette lecture qui pourrait vous faire comprendre l'importance d'une belle relation familiale.
Lien : https://lesmilleetunlivreslm..
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Regis Franc, Tout va bien, Les presses de Cité
C'est un récit autobiographique, introspectif, touchant et sensible. L'histoire démarre avec le décès du père qui résidait en EHPAD, communiste, félibre-troubadour. le narrateur Régis revient dans la maison que le père avait construite pour sa mère, mausolée pour un amour fou. Elle n'y vivra jamais, rattrapée par une mort aussi soudaine que brutale. Un récit de famille pudique, la vie toute simple d'une famille ouvrière va sombrer à la mort de Renée. L'auteur-illustrateur mettra de la distance en s'installant en Angleterre tandis que sa soeur sombrera. Récit à la mélancolie revendiquée !

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Quelle histoire ! Celle de tourments, de désillusions et de désenchantements ! En faisant le choix de la première personne, le narrateur évoque son enfance, sa jeunesse, ses débuts dans la vie adulte. Une affaire de maison bâtie par un père qui souhaitait offrir le meilleur aux siens et qui, le travail à peine achevé, a vu mourir son épouse, l'abandonnant seul avec la charge de deux enfants. Une demeure qu'elle n'a jamais habitée et dans laquelle ils ont emménagé le lendemain des funérailles. Un deuil qui marqua leur existence d'un sceau incendiaire, subi telle une malédiction. Un passé que le protagoniste a lentement évacué de sa mémoire pour ne pas sombrer dans la mélancolie. Puis, un jour, tout a refait surface comme pour prouver qu'on n'échappe pas à ce qui nous retient, qu'on se débarrasse difficilement les chaînes qui entravent et que les souvenirs agissent avec une célérité rare à l'instant le moins opportun. C'est le reflet d'un homme dans une vitrine londonienne qui ravive tout. Une silhouette directement assimilée à celle du géniteur. Régis Blanc livre ici une chronique qui alterne le froid et le chaud, qui parle de fuite en avant, de douleur viscérale et de résilience. Il est principalement question d'un enfant devenu adulte qui peine à trouver la paix intérieure, un équilibre pour avancer et vivre. Pas gaie, même si le titre prête propose un « Je vais bien » claironnant, ce récit est celui d'une douleur intrinsèque difficile à juguler.
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" Je vais bien " de Régis Franc, paru en 2023 aux Editions Presses de la Cité.

Un titre accrocheur et une 4ème de couverture tout aussi intéressante, il ne m'en fallait pas plus pour vouloir découvrir ce nouveau roman de cette rentrée littéraire. Et ce fut une belle découverte et immersion dans la vie de Régis Franc.

Alors oui de la mélancolie il y en a dans ce roman autobiographique mais pas que. Une plongée dans les souvenirs d'un enfant né en Occitanie, parti à 18 ans de chez lui pour ne revenir qu'au seuil de la vieillesse de son père.

C'est grâce à l'histoire de son père que l'on va découvrir peu à peu celle de l'auteur qui se livrera, d'ici de là, avec ses souvenirs.
Un père, qui aura follement aimé sa femme, et avec qui il n'aura jamais vraiment réussi à communiquer. Une famille désarticulée suite à la mort de la mère, survenue bien trop tôt. Une mère dont il n'aura jamais réussi à faire le deuil et on peut le comprendre à la lecture de ces mots « J'allai au bout du couloir, j'entrai dans l'ombre de la chambre où elle était couchée, calme. Je me penchai pour l'embrasser. Elle détourna la tête, elle ne voulait pas me voir. Ni un regard ni un mot. Et je ressortis. Confus. Coupable. Sans doute ce regard m'a manqué et me manquera des siècles encore. ».

Le narrateur, qui d'ailleurs, n'aura pas de prénom contrairement à tous les autres personnages, est en retrait dans ce récit et nous écrit son impuissance à créer du lien avec sa famille, à les aider. La fuite vers Paris sera son échappatoire mais qui peut échapper à son histoire et aux siens ? le début du roman commence d'ailleurs avec ce rappel, son reflet dans la vitrine et cette ressemblance à son père qui est parti mais qui le ramène à lui, à son souvenir, à leurs souvenirs.

J'ai été marquée par la distance mise dans son écriture. Il y a un détachement et une pudeur touchantes dans cette manière de se raconter et de se mettre à nu. Presqu'une certaine froideur aussi mais qui est de suite adoucie par une plume poétique dont les mots viennent apaiser les coeurs : «A quel moment s'éclipsent en douce nos vies, faites d'instants magiques, aventureux, où l'inattendu, l'émerveillement, l'effroi, le coeur qui bat nous bousculent ou nous débarquent à vive allure ?».

C'est un instantané d'une époque et de cette région, l'Occitanie, qu'il nous transmet grâce à l'histoire de sa famille, et que j'ai apprécié venant moi-même de là bas et me retrouvant dans certains de ses souvenirs d'enfance et dans cette douceur de vivre.

Je garderai en mémoire un texte fort, émouvant, pudique et poétique sur une famille qui sera restée à jamais endeuillée dans le souvenir d'un être cher qui n'est plus. Ceux qui sont restés, eux, le furent à moitié dans les non-dits et les attentes non exprimées. Cela nous rappelle combien il est important de se dire les choses, d'exprimer la tendresse, l'amour et tout autre sentiment bienveillant à nos proches même si cela nous parait difficile, car nous n'avons qu'une vie pour le faire.

Merci aux @pressesdelacite de m'avoir permis de lire ce roman et de m'avoir fait découvrir un auteur que je relirai avec un grand plaisir.
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