— Je ris, dit Lamia, d'une idée plaisante qui, je ne sais comment, m'a traversé la tête. Je songeais qu'un jour le Jupiter des Juifs pourrait bien venir à Rome et t'y poursuivre de sa haine. Pourquoi non ? L'Asie et l'Afrique nous ont déjà donné un grand nombre de dieux. On a vu s'élever à Rome des temples en l'honneur d'Isis et de l'aboyant Anubis. Nous rencontrons dans les carrefours et jusque dans les carrières la Bonne Déesse des Syriens, portée sur un âne. Et ne sais-tu pas que, sous le principat de Tibère, un jeune chevalier se fit passer pour le Jupiter cornu des Égyptiens et obtint sous ce déguisement les faveurs d'une dame illustre, trop vertueuse pour rien refuser aux dieux ? Crains, Pontius, que le Jupiter invisible des Juifs ne débarque un jour à Ostie !
À l'idée qu'un dieu pouvait venir de Judée, un rapide sourire glissa sur le visage sévère du procurateur.
"Il est sage de ne mettre ni crainte, ni espérance dans l'avenir incertain. Qu'importe ce que les hommes penseront de nous? Nous n'avons de témoins et de juges que nous-mêmes".
C'est une grande question, dit Lamia, doit-on faire le bonheur des hommes malgré eux ?
Bien qu'ayant vécu chez eux, tu connais mal ces ennemis du genre humain.