Hier encore, j'étais comme vous... ou presque... enfin, j'étais comme tout le monde quoi. Je passais mes dimanches devant la télé... ou bien je faisais du vélo... ou encore je courais dans la rue, sans but, avec mes baskets...comme un con. En attendant la retraite ou le cercueil... ce qui est un pléonasme.
Docteur, je suis venu vous voir parce que votre nom m'a inspiré confiance...j'ai hésité longtemps et je suis venu...
Vous avez bien fait mon ami, quel est votre nom ?
Vous ne remarquez rien docteur ?
Bien sûr que j'ai remarqué, vous me prenez pour un imbécile ou quoi ? Vous portez des baskets.
Ouais, mais y'a pas que ça docteur...en effet, je porte des baskets, mais il n'y a pas que ça...si y'avait que ça...
Ah ? Alors suivez-moi mon ami, suivez-moi.
-Ce qui m’embête le plus, c’est que mère m’oblige à jouer encore au cerceau. A quarante-deux ans, je trouve cela ridicule. Moi je voudrais jouer avec des appareils électroniques.
-C’est aussi ridicule. Et vous allez toujours à l’école ?
-Bien sûr. Et je suis toujours le premier de la classe. Il est vrai que je n’ai pas de mérite à cela. Je redouble depuis trente-trois ans.
-J’ai la désagréable impression que vous me prenez pour un vrai corbeau, Monsieur Verle-Corbo.
-Pas du tout, Monsieur Corbaco-Basket, pas du tout ! Mais avouez tout de même que, à cause de vos baskets, les apparences sont déroutantes.
_ Bah ! J'y suis habitué, c'est mon bureau. Je l'avais déjà quand j'étais petit... tout petit... petit... petit... petit...
_ Ça n'a pas beaucoup changé...
_ ... Un enfant... Eh oui... je n'étais alors qu'un enfant... Que dis-je, un enfant ? Un bébé, oui ! Un petit bébé ! ... Et qui prenait déjà ses bouillies sur cette chaise... Il faut toujours remonter à l'enfance... toujours... Aujourd'hui je prends mes notes sur la même chaise... mais je continue aussi à y prendre mes bouillies. Cette chaise est devenue mon bureau alimentaire... ... À propos, c'est quatre cents francs la consultation...
- Si les corbeaux se mettent à chercher du travail maintenant, où allons-nous ?
-C’est vrai ça ! Comme si y avait pas assez de chômage entre nous !
- Les corbacs, c’est des fumiers !
Le corbeau a beau se laver souvent, il n'en devient pas plus blanc.
Tchernobyl ? Tchernobyl… Il me semble que c’est la marque de mon matelas…
Si t’étais comme tout l’monde hier, ‘fallait venir hier, corbeau ! Ouais ! Parce qu’aujourd’hui, t’as beau dire, t’es pas tout à fait comme nous ! Même avec des baskets ! Et ici on ne sert pas les gens qui ne sont pas comme nous !
La foule en a crucifié d’autres avant vous, des fantaisistes… avec ou sans baskets. Et moi, comme Ponce Pilate, Monsieur Corbackobasket : j’écoute la foule ! Pour le bien de la société