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Citations sur Histoire argentine (ou) L'Homme du bord extérieur (4)

Je me demande où s’en va la mémoire après notre mort. Parce que la mémoire, en tant que concept théologique, me paraît plus intéressante et plus riche de possibilités que l’âme. Peut-être, après tout, que l’âme est la mémoire. J’aimerais savoir ce que va penser Srinivasa de tout cela. Srinivasa croit en la réincarnation et il va jusqu’à jurer ses grands dieux qu’il se souvient de divers chapitres d’une vie passée, lorsqu’il était ni plus ni moins qu’un gaucho argentin assailli par des fièvres prémonitoires. Ainsi peut-être, ne sommes-nous que cela, et rien que cela : des mémoires qui, siècle après siècle, se fondent avec d’autres mémoires. Et logiquement il ne serait pas du tout absurde de penser que les mémoires sont mortelles et qu’au bout du compte toutes les mémoires ne seront qu’une, et que cette mémoire totale sera la preuve manifeste de l’existence de Dieu. Ce paradoxe ne manque pas de piquant : le Dieu que nous recherchons depuis l’aube de l’Histoire ne nous apparaîtra qu’à la fin des temps, alors que savoir que Dieu était la somme de nous tous ne nous servira strictement plus à rien.
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J’étais un individu ayant publié un ou deux livres qui, aujourd’hui, me paraissent lamentables. J’avais abouti dans l’Iowa grâce à un système de bourses très compliqué et à des prix littéraires truqués. (..) En ce temps-là, la vie elle-même semblait être construite à partir de la structure parfaite d’un très bon roman. Et c’est ainsi qu’un beau jour j’ai découvert que l’eau de la cuvette des w-c nord-américains s’écoulait dans le sens inverse de celle de la cuvette des w-c de ma patrie, aujourd’hui disparue.
Quelque temps après, j’ai lu quelque part que ce phénomène (à savoir que l’eau ne tourne pas dans le même sens dans les deux hémisphères, et que l’eau s’écoule sans tournoyer du tout si le w-c est installé juste sur la ligne de l’Équateur) porte le nom de force de Coriolis. Je me souviens de m’être alors précipité sur mon carnet de notes pour y écrire à peu près ceci : «Faire allusion dans une nouvelle à ce machin de Coriolis!»
Aussi, si l’on me demande quelle est cette maladie qui frappe un être normal et le transforme en quelqu’un qui écrit, faute de réponse adéquate et considérant que l’eau d’un écrivain tourne toujours en sens inverse, me contenterai-je de répondre la chose suivante :
-Force de Coriolis !
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- Argie, un de ces jours on va faire un film de ma vie, dit Mike.
Mike est australien, Mike est en larmes, Mike est le héros de cette histoire, Mike est en train d’éplucher un oignon.
- Et moi, ce film, je n’irai pas le voir, je lui réponds.
Moi, je nettoie le four. Et la conversation, ou ce que, dans ces lieux, on entend par conversation, se termine plus ou moins comme ça. On nous a bien prévenus que la mise en marche du muscle de la langue est des plus accessoires et injustifiables et, qui plus est, ne contribue en rien à la perfection de toute chose.
Mike a encore quelques kilos d’oignons à éplucher, quant à moi, il me reste encore deux ou trois fours à nettoyer. Le plat pour lequel travaille Mike s’appelle «seaside fantasy», et les oignons, il faut leur donner la forme de ces petites étoiles qui évoluent au fond des mers. Au fond des mers, ce lieu où, d’une façon ou d’une autre, plus ou moins tôt, nous nous retrouverons tous.
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À mon humble avis, T.E. Lawrence est le paradigme de l’homme du bord extérieur. Le bord extérieur, c’est cet endroit imprécis où il n’y a de place que pour un seul homme. Ce n’est pas un côté, ce n’est pas l’autre, ce n’est pas cette idéologie, ce n’est pas cette autre. C’est tout simplement le bord extérieur. Et choisir le bord extérieur, c’est choisir la plus euphorisante des solitudes. (…) Je pense à Lawrence, tout de blanc vêtu, faisant son entrée dans Akaba, au bord de la mer Rouge, ou bien écrivant sous le halo diffus d’une lampe à kérosène ; ombres arabes sur les parois de la tente qui, après la chaleur, crisse sous l’effet du froid. Lawrence en ange exterminateur, massacrant les Turcs à Damas, impuissant et viril comme le vent du désert. Et des années plus tard, Lawrence, plume en main, qui couche tout cela sur le papier (…) Lawrence se faisant appeler Ross afin de pouvoir s’engager dans la Royal Air Force. Lawrence se faisant appeler Shaw afin de pouvoir s’engager comme simple soldat dans le Royal Tanks Corps. Lawrence se faisant appeler Peter O’Toole afin de pouvoir jouer dans le film de sa vie.
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