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Citations sur Le Malaise dans la culture (27)

Cette déclaration de la part d'un ami que j'honore, et qui a lui-même décrit en
termes poétiques le charme de l'illusion, m'a fort embarrassé. En moi-même, impossible de découvrir pareil sentiment « océanique ». Et puis, il est malaisé de traiter
scientifiquement des sentiments. On peut tenter d'en décrire les manifestations
physiologiques. Mais, quand celles-ci vous échappent - et je crains fort que le sentiment océanique lui aussi ne se dérobe à une telle description -, il ne reste qu'à s'en
tenir au contenu des représentations les plus aptes à s'associer au sentiment en
question. Si j'ai bien compris mon ami, sa pensée aurait quelque analogie avec celle
de ce poète original qui, en guise de consolation, en face d'une mort librement choisie, fait dire à son héros: « Nous ne pouvons choir de ce monde » 1. Il s'agirait donc
d'un sentiment d'union indissoluble avec le grand Tout, et d'appartenance à l'universel. Mais, à mon sens, il s'agirait plutôt d'une vue intellectuelle, associée à un élément
affectif certain, lequel, comme on sait, ne fait jamais défaut dans des pensées de si
vaste envergure. Si je m'analyse, je ne puis me convaincre par moi-même de la nature
primaire d'un tel sentiment, mais ceci ne m'autorise pourtant pas à en nier la réalité
chez autrui. La seule question est de savoir si son interprétation est exacte et si l'on
doit reconnaître en lui le fons et origo de tout besoin religieux.
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L'un de ces hommes éminents se déclare dans ses lettres mon ami. je lui avais
adressé le petit livre où je traite la religion d'illusion ; il me répondit qu'il serait entièrement d'accord avec moi s'il ne devait regretter que je n'eusse tenu aucun compte de
la source réelle de la religiosité. Celle-ci résiderait, à ses yeux, dans un sentiment
particulier dont lui-même était constamment animé, dont beaucoup d'autres lui
avaient confirmé la réalité, dont enfin il était en droit de supposer l'existence chez des
millions d'êtres humains. Ce sentiment, il l'appellerait volontiers la sensation de
l'éternité, il y verrait le sentiment de quelque chose d'illimité, d'infini, en un mot :
d'« océanique ». Il en ferait ainsi une donnée purement subjective, et nullement un
article de foi. Aucune promesse de survie personnelle ne s'y rattacherait. Et pourtant,
telle serait la source de l'énergie religieuse, source captée par les diverses Églises ou
les multiples systèmes religieux, par eux canalisée dans certaines voies, et même tarie
aussi. Enfin la seule existence de ce sentiment océanique autoriserait à se déclarer
religieux, alors même qu'on répudierait toute croyance ou toute illusion.
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On ne peut se défendre de l'impression que les hommes se trompent généralement
dans leurs évaluations . Tandis qu'ils s'efforcent d'acquérir à leur profit la jouissance,
le succès ou la richesse, ou qu'ils les admirent chez autrui, ils sous-estiment en
revanche les vraies valeurs de la vie. Mais sitôt qu'on porte un jugement d'un ordre
aussi général, on s'expose au danger d'oublier la grande diversité que présentent les
êtres et les âmes. Une époque peut ne pas se refuser à honorer de grands hommes,
bien que leur célébrité soit due à des qualités et des oeuvres totalement étrangères aux
objectifs et aux idéals de la masse. On admettra volontiers, toutefois, que seule une
minorité sait les reconnaître, alors que la grande majorité les ignore. Mais, étant
donné que les pensées des hommes ne s'accordent pas avec leurs actes, en raison au
surplus de la multiplicité de leurs désirs instinctifs, les choses ne sauraient être aussi
simples.
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Il est un cas qui prend une importance toute particulière ; il se présente lorsque des êtres humains s'efforcent ensemble et en grand nombre de s'assurer bonheur et protection contre la souffrance au moyen d'une déformation chimérique de la réalité. Or les religions de l'humanité doivent être considérées comme des délires collectifs de cet ordre. Naturellement, celui qui partage encore un délire ne le reconnaît jamais pour tel.
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La question du but de la vie humaine a été posée d'innombrables fois ; elle n'a jamais encore reçu de réponse satisfaisante. Peut-être n'en comporte-t-elle aucune. Maints de ces esprits « interrogeants » qui l'ont posée ont ajouté : s'il était avéré que la vie n'eût aucun but, elle perdrait à nos yeux toute valeur. Mais cette menace n'y change rien, il semble bien plutôt qu'on ait le droit d'écarter la question. Elle nous semble avoir pour origine cet orgueil humain dont nous connaissons déjà tant d'autres manifestations.
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Revenons à l'homme ordinaire et à sa religion, la seule qui aurait droit à ce nom. La parole bien connue d'un de nos grands poètes et sages à la fois nous vient aussitôt à l'esprit. Elle définit ainsi les rapports que la religion entretient avec l'art et la science :
Celui qui possède la science et l'art
Possède aussi la religion.
Celui qui ne les possède pas tous deux
Puisse-t-il avoir la religion !
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Je conçois que le sentiment océanique ait été mis secondairement en rapport avec la religion. Cette pensée, qu'il implique, de ne faire qu'un avec le grand Tout nous apparaît comme une première recherche de consolation religieuse, comme une autre manière de nier le danger dont le Moi se sent menacé par le monde extérieur. je me sens mal à l'aise, je l'avoue une fois encore, à disserter sur de tels impondérables.
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Un amour qui ne choisit pas nous semble perdre une partie de sa valeur propre du fait qu'il est injuste envers l'objet. Et qui plus est : les hommes ne sont pas tous dignes d'être aimés.
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Celui qui, dans une période ultérieure de sa vie, constate alors la vanité de ses efforts en vue du bonheur trouvera encore du réconfort dans le gain de plaisir de l'intoxication chronique ou bien entreprendra la tentative de révolte désespérée qu'est la psychose.
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Le premier sentiment de culpabilité contraint à renoncer aux satisfactions pulsionnelles, l'autre pousse en outre à la punition, étant donné qu'on ne peut cacher au sur-moi la persistance des souhaits interdits.p.70

Ainsi les deux tendances, celle du bonheur individuel et celle du rattachement à l'humanité, ont-elles aussi à combattre l'une ou l'autre en chaque individu; ainsi les deux procès du développement individuel et du développement culturel doivent-ils nécessairement s'affronter avec hostilité et se disputer l'un à l'autre le terrain.p.84
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