C'est seulement après la formation d'un langage abstrait que les hommes sont devenus capables de rattacher les restes sensoriels des représentations verbales à des processus internes; ils ont alors commencé à percevoir peu à peu ces derniers. C'est ainsi que les hommes primitifs ont construit leur image du monde, en projetant au dehors leurs perceptions internes; et cette image, nous devons la transposer de nouveau, en nous servant de termes psychologiques, en utilisant pour cela la connaissance que nous avons acquise de la vie intérieure.
Ceux qui s'intéressent à l'origine et à la signification des rêves portant sur la mort de parents proches et chers (père, mère, frères et soeurs) trouveront que le rêveur, l'enfant et le primitif se comportent d'une manière absolument identique envers le mort, en vertu même de l'ambivalence affective qui leur est commune.
"Pour réprimer cette tentation, il faut punir l'audace de celui dont on envie la satisfaction et il arrive souvent que le châtiment fournit à ceux qui l'exécutent l'occasion de commettre à leur tour, le même acte impur"
La signification que le sacrifice a acquise d'une façon générale réside en ce que l'acte même qui avait servi à humilier le père sert maintenant à lui accorder satisfaction pour cette humiliation, tout en perpétuant le souvenir de celle-ci.
Au point de vue génétique, la nature asociale de la névrose découle de sa tendance originelle à fuir la réalité qui n'offre pas de satisfactions, pour se réfugier dans un monde imaginaire, plein de promesses alléchantes. Dans ce monde réel que le névrosé fuit, règne la société humaine, avec toutes les institutions créées par le travail collectif ; en se détournant de cette réalité, le névrosé s'exclut lui-même de la communauté humaine.
Le Flamen Dialis, le grand-prêtre de Jupiter dans la Rome antique, avait à observer un nombre de tabou extraordinaire. Il ne devait pas monter à cheval, il ne devait voir ni cheval, ni homme armé, il ne pouvait porter qu'un anneau brisé, il ne devait avoir aucun nœud sur ses vêtements, il ne devait pas toucher à la farine de froment et à la pâte levée, il ne pouvait désigner par leur nom ni chèvre, ni chien, ni viande crue, ni fève, ni lierre ; ses cheveux ne pouvaient être coupés que par un homme libre, utilisant pour cela un couteau de bronze, et devaient être ensevelis, ainsi que les rognures de ses ongles, sous un arbre sacré ; il ne devait pas toucher aux morts et il lui était défendu de se tenir en plein air la tête découverte, etc. Sa femme, la Flaminica, était soumise, à son tour, à des prescriptions : sur certains escaliers, elle ne pouvait pas dépasser les trois premières marches et, certains jours de fête, elle n'avait pas le droit de peigner ses cheveux ; le cuir servant à ses chaussures devait provenir non d'un animal mort d'une mort naturelle, mais d'un animal abattu ou sacrifié ; le fait d'avoir entendu le tonnerre la rendait impure, et son impureté durait jusqu'à ce qu'elle ait offert un sacrifice d'expiation .
Qu'est-ce qu'un totem ? D'une façon générale, c'est un animal, comestible, inoffensif ou dangereux et redouté, plus rarement une plante ou une force naturelle (pluie, eau), qui se trouve dans un rapport particulier avec l'ensemble du groupe. Le totem est, en premier lieu, l'ancêtre du groupe ; en deuxième lieu, son esprit protecteur et son bienfaiteur qui envoie des oracles et, alors même qu'il est dangereux pour d'autres, connaît et épargne ses enfants. Ceux qui ont le même totem sont donc soumis à l'obligation sacrée, dont la violation entraîne un châtiment automatique, de ne pas tuer (ou détruire) leur totem, de s’abstenir de manger de sa chair ou d'en jouir autrement. Le caractère totémique est inhérent, non à tel animal particulier ou à tel autre objet particulier (plante ou force naturelle), mais à tous les individus appartenant à l'espèce du totem. De temps à autre sont célébrées des fêtes au cours desquelles les associés du groupe totémique reproduisent ou imitent, par des danses cérémoniales, les mouvements et particularités de leur totem.
Les membres d'un seul et même totem ne doivent pas avoir entre eux de relations sexuelles, par conséquent ne doivent pas se marier entre eux. C'est la loi de l'exogamie, inséparable du système totémique.
Pour nous, le tabou présente deux significations opposées : d'un coté, celle de sacré, consacré; de l'autre, celle d'inquiétant, de dangereux, d'interdit, d'impur.
Le mystère sacré de la mort de l'animal se justifie par le fait que c'est ainsi seulement que peut s'établir le lien unissant les participants entre eux et à leur dieu.