Elle se réveille toujours à la même heure se douche s’habille se prépare déjeune s’en va travailler sept jours sur sept emprunte le même chemin ne parle à personne sauf si c’est pour exécuter une tâche sept jours sur sept ne possède aucune relation en dehors du travail (…) elle aspire à une vie exempte de toute imperfection elle rêve d’un jour où le temps serait intarissable mais le corps reste indomptable toujours.
Ses larges pattes ( celles du lièvre d'Amérique) recouvertes d'une fourrure abondante lui assurent de se mouvoir aisément sur la neige, comme s'il chaussait une paire de raquettes.
Je me suis surprise à songer au printemps. À son odeur, celle qui le précède. La neige qui ramollit et assouplit le sol. La glace qui fond en chandelle.
Tu t'es précipité vers le lièvre, qui ne bougeait plus, terrifié. A genoux, tu l'as pris dans tes bras. L'aigle lui avait arraché la fourrure ou peut-être cassé des os. Il y avait du sang sur tes mains. Pendant une seconde, je me suis demandé à qui il appartenait.
Je. Moi. À ton nom, j’ai figé. J’ai senti mon corps revenir dans le paysage. J’ai aperçu ses fentes. Ses battures fissurées. Depuis combien d’années étais-je ainsi ? Livrée aux grands vents. Vulnérable. Incapable de me ressaisir. De me recoller. Depuis combien de temps n’avais-je pas repensé à toi ? Toi. Ton regard. Moi. Ma défilade. Les battures. Le foin de mer. Ta liberté.
Sur le pont, elle regarde le fleuve s'écouler en dessous d'elle. La marée descend, elle aussi. Elle se sent comme les eaux qui se retirent lentement des terres après les grandes marées. Il restera beaucoup de débris, mais il fera beau demain.
"Je me demande ce que ca fait en dedans savoir qu'on est en voie de disparition. Ces mots là ont résonné à l'intérieur de moi au delà de cette première rencontre. "
Aujourd’hui, il y a beaucoup de machines. Autrefois, les bras travaillaient dur. Il fallait prévoir, économiser. C’était l’occupation du désir. On se contentait de peu. Mais ce peu avait un prix parce qu’on le tirait presque entièrement de soi-même. Aujourd’hui, quand l’homme travaille, il pense à autre chose.
Félix-Antoine Savard
Elle s'assoit devant son ordinateur et ouvre ses courriels. Déjà cent-vingt-huit non lus; deux-cent-vingt-quatre notifications. Et ça la frappe en plein visage. L'humain pourra-t-il survivre à ça encore longtemps ?
Si Diane examinait son état d'esprit en ce moment (...) elle ne sait même pas ce qu'elle découvrirait. Peut-être de la tristesse. De l'affolement. certainement de l'angoisse. Une énorme colère. De la panique. Du vide. Du vide. Du vide. Elle n'aurait jamais imaginé tout l'espace qui pouvait l'envahir dans l'attente.