Il y avait déjà longtemps que la paix était signée entre la Russie et l'Allemagne ; mais les Allemands, non contents d'inonder de leurs troupes la république d'Ukraine, alors contre-révolutionnaire, s'étaient installés dans le bassin du Donetz, où ils armaient les blancs. Les vents impétueux de ce printemps sentaient le feu et la fumée. Comme des dizaines d'autres détachements de partisans, nous opérions à l'arrière, pour ainsi dire en toute indépendance, à nos risques et périls
Entre-temps le ciel s'était assombri...Nous regardions avec inquiétude les nuages accourir de toutes parts. Ils ont entouré, attrapé et caché le soleil. Mais il essayait de leur échapper, tantôt par un trou, tantôt par un autre...Il a fini par s'arracher à leur étreinte pour briller sur la terre, plus chaud, plus éblouissant que jamais.
À l'aube, nous montâmes dans un train qui attendait près d'une petite gare.Vers le soir, on nous accrocha une locomotive en piteux effet et nous poursuivîmes
notre route vers le sud, pour aller rejoindre les détachements et les milices ouvrières qui menaient la lutte contre les Allemands, les haïdamaks et les soldats de Krasnov, maître du Donbass.
Derrière moi, une salve retentit.
- Gamin, me dit Tchoybouk sévère, avec une pointe de compassion ; si tu crois que la guerre est comme un jeu ou une promenade parmi de beaux paysages, tu feras mieux de rentrer chez toi! Les blancs sont les blancs ; entre eux et nous, c'est la lutte à mort. Ils nous fusillent , et nous n'avons pas à les ménager.