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Critique de Eric75


Une fois de plus, Sherlock Holmes est confronté à Jack l'Éventreur ! Il n'a échappé à personne que le plus célèbre détective de tous les temps et le plus ignoble des tueurs en série anglais vivaient à Londres à la même époque. Cependant, Conan Doyle, sous la plume du Dr Watson n'y fera jamais allusion, et il est donc logique que ses successeurs se soient allègrement engouffré dans la brèche. Après Ellery Queen et quelques autres (Albert Davidson, Michael Dibdin...), tous excellents, Bob Garcia prend le risque de s'attaquer à cette confrontation souvent rebattue (...mais toujours renouvelée ! le fait que l'identité réelle de Jack l'Éventreur n'ait jamais été révélée permet toutes les variantes possibles aux écrivains débordant d'imagination). Et disons le tout net : Bob Garcia s'en sort ici haut la main !
Classiquement, nous découvrons un Watson vieilli qui autorise la publication de son journal intime de 1888, sous la pression de son éditeur, alléché par la découverte d'une enquête inédite par ailleurs réclamée par les lecteurs et lectrices du célèbre biographe. La fondation caritative du Dr Watson connaissant de graves difficultés financières, le bon Docteur se résout à dévoiler au grand public les dessous de l'enquête, jusqu'à présent non publiée à la demande expresse de Sherlock Holmes.
Le journal du Dr Watson nous plonge d'emblée dans l'époque victorienne et les brouillards de Whitechapel. Les cinq prostituées victimes de l'Éventreur sont toutes présentes dans le récit, ainsi que les policiers officiels qui cohabitent avec nos habituels héros. L'enquête semble piétiner au début, et foisonne de vraies et fausses pistes. Les lieux d'investigation sont glauques à souhait. Les personnages secondaires sont parfois réels (on savoure quelques apparitions anecdotiques inédites et de bon aloi, comme Joseph Merrick, l'Homme Éléphant), et le plus souvent imaginaires, ils permettent alors de relancer l'intrigue. Ils sont truculents, caricaturaux, voire immondes et au delà du réel. En toile de fond, Bob Garcia nous dresse un tableau de la misère et de la pauvreté londonienne du XIXe siècle, des plus sordides (prostitution, esclavage, meurtres, folie), et s'étend peu sur les quelques personnages issus des classes sociales plus aisées (les politiques, les médecins hospitaliers ou légistes, les ingénieurs du métro...). On peut regretter l'utilisation d'expressions trop modernes pour convenir à un pur pastiche "à la manière de" Conan Doyle. A cet égard, la version d'Ellery Queen reste inégalée, mais s'écarte davantage de la réalité historique. L'enquête avance poussivement au rythme des (vrais) meurtres et des témoignages recueillis, et non pas grâce aux fameuses déductions de Holmes, et c'est dommage. L'outrance de certaines situations, presque insoutenables, est heureusement équilibrée par l'humour corrosif, la complicité toujours présente et une forme d'auto-dérision pratiquée par les deux détectives. L'inspecteur Lestrade en prend pour son grade. Watson nous présente un visage humain, se remet en question, doute, réfléchit à son avenir professionnel et sentimental à un tournant de sa vie. Holmes n'est pas en reste, nous le découvrons comme toujours distant et mystérieux, voire suspect en raison de son comportement effarant, mais également animé de nobles intentions et capable de tout sauf de supporter l'échec.
Malgré ses quelques défauts cités plus haut, il convient d'admettre que cet impressionnant roman fusionne de façon magistrale la reconstitution historique des crimes de Whitechapel et l'univers romanesque de Conan Doyle, sans jamais trahir l'un ou l'autre.
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