Citations sur Cent ans de solitude (446)
Un après-midi du mois d'août, accablée sous le poids insupportable de sa propre obstination, Amaranta s'enferma dans sa chambre, décidée à pleurer sur sa solitude jusqu'à sa mort, après qu'elle eut dit son dernier mot à son tenace prétendant :
- Oublions-nous à jamais, lui dit-elle; nous sommes déjà trop vieux pour ce genre de choses.
P22. Il avait echappe a tout ce que l`humanite avait subi de catastrophes et de fleaux. Il survecut a la Pellagne en Perse, au scorbut dans l`archipel de la Sonde, a la lepre en Alexandrie, au beriberi au Japon, a la peste bubonique a Madagascar, au tremblement de terre de Sicile et au naufrage d`une fourmiliere humaine dans le detroit de Magellan.
La paix était revenue dans tous les esprits, sauf chez Aureliano. L'image de Remedios, la fille cadette du corrégidor, qui par son âge aurait pu être sa propre fille, resta fixée douloureusement dans certaine partie de son corps. C'était une sensation physique qui le gênait presque pour marcher, comme un petit caillou dans sa chaussure.
La science a supprimé les distance, proclamait Mesquiades. D'ici peu, l'homme pourra voir ce qui se passe en n'importe quel endroit de la terre, sans même bouger de chez lui.
Pendant plusieurs mois, on le vit errer en tous endroits, muni d'une boîte à outils que les gitans avaient dû oublier du temps de José Arcadio Buendia, et nul n'aurait pu dire si ce fut à cause de cette gymlnastique involontaire, de l'ennui hivernal ou de l'abstinence forcée que sa bedaine se dégonfla peu à peu comme une outre, que sa figure de tortue béate devint moins sanguine, et moins protubérant son double menton, tant et si bien, que dans l'ensemble, il devint moins pachydermique et put de nouveau lacer ses propres souliers.
voyant Remedios-la-belle lui faire des signes d’adieux au milieu de l’éblouissant battement d’ailes des draps qui montaient avec elle, quittaient avec elle le monde des scarabées et des dahlias, traversaient avec elle des régions du monde où il n’était déjà plus quatre heures de l’après-midi, pour se perdre à jamais avec elle dans les hautes sphères où les plus hauts oiseaux de la mémoire ne pourraient eux-mêmes la rejoindre. p270
Ursula se demandait s’il n’était pas préférable qu’elle se couchât une fois pour toutes au fond de sa sépulture et qu’on jetât de la terre sur elle, et, sans peur, elle demandait à Dieu s’il croyait en vérité que les gens étaient en fer pour supporter tant de peines et de mortifications ; et, de demande en demande, elle ne faisait qu’accroître son propre scandale, et se sentait l’irrépressible envie de se laisser aller à dégoiser comme un amerlok, de se permettre enfin un instant de rébellion, l’instant si souvent désiré et tant de fois différé de se mettre la résignation quelque part et de se ficher de tout une bonne fois, et de se soulager le cœur des tonnes et des tonnes de gros mots qu’elle avait dû ravaler durant tout un siècle de longue patience.
- Carajo! s’écria-t-elle.
Amaranta, qui commençait à disposer les vêtements dans la malle, crut qu’un scorpion l’avait piquée.
cet homme fatigué, précipité par la calvitie dans l’abîme d’une vieillesse prématurée
Quelqu'un osait parfois venir troubler sa solitude :
- Comment allez-vous, colonel ? Lui lançait-on en passant.
- Comme ça, répondait-il. J'attends que passe mon enterrement.
c'est à peine si le colonel Aureliano Buendia comprit que le secret d'une bonne vieillesse n'était rien d'autre que la conclusion d'un pacte honorable avec la solitude.