Alors José se retourna pour la regarder. "Je t'aime tellement que je n'ai pas besoin de coucher avec toi ",dit-il. Puis il s'approcha et la contempla, immobile, ses bras puissants posés devant elle sur le comptoir. Il la regarda droit dans les yeux et dit :" Je t'aime tellement que je pourrais tuer l'homme qui couche avec toi chaque après midi."
Le jeudi, au lever du jour, les odeurs se dissipèrent mais nous perdîmes la notion des distances. Celle du temps, bouleversée depuis la veille, avait complètement disparu. Il n'y eut pas de jeudi. Ce qui aurait dû l'être n'était qu'une masse physique gélatineuse que l'on n'aurait pu voir fendre des deux mains pour voir apparaître le vendredi.
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C'est un endroit désert, sans arbres, à peine balayé par des poussières capricieuses qui retombent après le passage du vent. A présent qu'il a cessé de pleuvoir et que le soleil de la mi-journée doit avoir durci la glaise de la colline, je pourrai arriver jusqu'au tertre sous lequel repose mon corps d'enfant aujourd'hui disparu, réduit en cendre, parmi les escargots et les racines.
« Tous les jours j’essaye de me rappeler la phrase pour te rejoindre, ai-je dit. Je crois que demain, je ne l’oublierai pas. Pourtant, je dis toujours la même chose et en me réveillant j’oublie les mots qui me conduiront jusqu’à toi. - C’est toi-même qui les as inventés le premier jour », a-t-elle dit. Et j’ai répondu : « Je les ai inventés parce que j’ai vu tes yeux couleur de cendre. Mais, le lendemain matin, je ne m’en souvenais plus. »
C’est un dimanche, il a cessé de pleuvoir et je voudrais aller déposer un bouquet de roses sur ma tombe.
C'est alors qu'elle m'a regardé. Pour la première fois, me semblait-il. Mais lorsqu'elle a contourné le chandelier et que j'ai senti glisser sur mes épaules et dans mon dos son regard velouté, j'ai compris que c'était moi qui la regardais pour la première fois. J'ai allumé une cigarette et j'ai avalé la fumée âcre et forte avant de faire pivoter ma chaise sur un pieds arrière. Alors je l'ai vue.
« Madame, votre enfant est atteint d’une maladie très grave : la mort. Toutefois, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour le maintenir en vie après sa mort. Nous ferons en sorte que ses fonctions vitales se poursuivent grâce à un système autonutritionnel complexe. Seuls évolueront les fonctions motrices et les mouvements réflexes. Nous saurons qu’il est en vie à sa croissance, qui sera normale. Il s’agit simplement d’une ‘‘mort vivante’’. Une mort authentique, une mort réelle. »