Il faut traduire leur silence. Et cela prend des années, des années… (p. 79)
De ses yeux bleus coulèrent sur ses joues parcheminées des larmes qu’il ne pensa même pas à essuyer. Dans les arbres du printemps, des bergeronnettes et des pipits jacassaient. La chaleur commençait à monter du sol. La terre meuble attendait d’être foulée par des pieds propres, par des fers chauds.
- Tu sais, après toi, il n’y aura personne. Tu es mon dernier cheval. Je vais finir ma vie dans ce fauteuil. Je n’aurais plus, pour consolation, que le spectacle des chevaux en liberté. Quand ils trotteront haut dans l’herbage, galoperons dans un excès de folie, joueront à se faire peur avec leur ombre, j’imaginerai que je les monte à cru. Ce sera ma récréation de retraité. Allez ça suffit, pourquoi est ce que je te raconte tout ça….
Comme si elle avait compris, Vallerine, en s’ébrouant, retourna à son tas de foin vert, où elle fit le tri.
"Il rêvait en effet de régner sans poids ni appuis, par le seul souffle de la botte, la caresse du cuir et la profondeur de l'assiette."
Dieu sait que j'en ai monté des chevaux...ils gardent toujours leur secret. J'ai passé ma vie à tenter de le percer et ce fut en vain. Toi et tes congénères on peut vous dresser mais pas vous dompter. Vous restez des énigmes pour nous, pauvres humains.
Finalement, se disait-il, l'écriture n'est pas si différente de l'équitation. C'est une activité monastique, intérieure et assise, où le corps ne doit pas bouger afin que l'esprit transmette à la phrase, ce cheval de papier, le mouvement en avant et commande à d'innombrables figures de style.
C'était un musicien de la rêne extérieure, celle des écuyers, pas un de ces cavaliers de régiment qui tiraient à la hue et à la dia sur la rêne intérieure, celle des nuls.
Au galop assis, ils s'épousèrent. Étienne ferma les yeux. Vallerine céda, onctueuse et chaloupée. Ils ne faisaient qu'un... Lorsque, en soufflant , Beudant mis finalement pied à terre, il caressa l'encolure de Vallerine et lui murmura à l'oreille « Je te remercie de toi
Merveille de la littérature, qui empêche les morts de mourir et qui restitue leur jeunesse à ceux qu'on a trop aimés.