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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Hiver 1984, Bruno, écrivain à succès, retourne aux Confins, officiellement pour trouver l'inspiration pour son prochain livre. C'est dans ce village alpin que son père, architecte et entrepreneur visionnaire, avait rêvait vingt ans plus tôt d'y ériger une station de sports d'hiver à taille humaine, tournée vers la nature.
Un projet à contre-courant des gigantesques installations et de la bétonisation qui accompagne le Plan Neige lancé par l'Etat.

Le prologue pose remarquablement les faits et harponne le lecteur avec son goût de mystère assumé : on sait que le projet a capoté, on ne connait pas les réelles motivations du retour de Bruno, on sait que durant cet hiver il y a eu des « événements » graves que « personne ne parvenait à expliquer ».

S'en suit un aller-retour temporel entre les années 1964-66 centré sur le père et l'implantation de sa station touristique « Confins-Village », et ce fameux hiver 1984 centré sur le fils et ses agissements. La construction est habile avec un narrateur omniscient et distancié qui déroule les faits sur un ton ironique et sarcastique tout en annonçant régulièrement la survenue d'un drame, une pièce du puzzle. Cela pourra déranger certains lecteurs qui n'apprécieront pas de voir dévoiler à l'avance certains éléments de l'action. Au contraire, j'ai trouvé ça très malin car cela déplace les ressorts et enjeux de l'intrigue ailleurs : sur le pourquoi et le comment.

Le soin apporté à la mise en place d'une atmosphère enveloppante a fini de me conquérir : d'abord feutrée puis de plus en plus dense et oppressante comme dans un bon thriller. Lorsque Bruno s'installe aux Confins pour passer l'hiver 1984, le village va bientôt être coupé du monde, l'unique route le reliant au bas de la vallée, impraticable à cause de la neige, est fermé par les autorités du 1er novembre au 1er avril. C'est un véritable huis clos que propose Eliott de Gastines.

Dans le dernier quart, le rythme s'accélère. On commence à comprendre dans quelles directions l'auteur nous amène mais les rebondissements surprenants et les révélations inattendues continuent à s'enchaîner jusqu'à un final façon western. Je regrette cependant l'exagération qui caractérise les personnages à la limite du caricatural dans ce panier de crabes où la cupidité, la veulerie, le mensonge et l'ignominie se répondent allègrement dans cet enfer blanc. le roman n'aurait rien perdu en intensité avec des attitudes moins outrées et moins manichéennes, à l'image du personnage principal qui se révèle moins complexe qu'il n'apparaissait au départ une fois révélé.

Lu dans le cadre de la sélection 2023 des 68 Premières fois
https://www.facebook.com/68premieresfois
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La vengeance est un plat qui se mange froid

Si personne n'a vraiment pu reconstituer le drame qui a emporté les habitants des Confins en 1984, Eliott de Gastines en explore la genèse en racontant le projet d'un architecte lyonnais en 1964. Un premier roman qui se lit comme un polar.

Dès le prologue, le lecteur est averti du mystère auquel il va être confronté: «Les événements qui se déroulèrent durant l'hiver 1984 dans le petit village des Confins, isolé à 1644 mètres d'altitude, n'eurent que peu d'échos dans la presse régionale et nationale, et ce pour la bonne raison que personne ne parvenait à les expliquer.» Il faut dire que durant l'hiver, Les Confins étaient isolés du monde, la seule route qui menait au village étant fermée à la circulation. Et quand les gendarmes ont enfin pu y accéder, ils ont découvert des maisons calcinées et des cadavres à la pelle.
Un mystère qui trouve son origine vingt ans plus tôt, lorsque le gouvernement lance le plan neige pour développer de nouvelles stations de ski et que Pierre Roussin, architecte et ingénieur de formation, a l'idée de faire des Confins une «structures à taille humaine et tournée vers la nature», loin des cages à lapin et du bétonnage en oeuvre un peu partout dans les Alpes. Mais pour mener à bien ce projet visionnaire, il lui faut l'aval des villageois et des autorités. Ce qui n'est pas gagné. Car si les habitants voient avec un bon oeil ces perspectives de développement, le maire est lui hostile à cette nouvelle station qui viendrait concurrencer celle que son frère a lancé avec succès à quelques kilomètres de là. Et puis Pierre Roussin lui a volé le chalet qu'il convoitait, idéalement placé dans le village. Alors, sur les conseils de son frère, il conçoit un plan diabolique, laisser l'architecte mener à bien la première phase de travaux, lancer les investissements plus lourds de la seconde phase et alors lui rendre la vie impossible en multipliant les obstacles, notamment administratifs. Un plan qui va fonctionner, même si dans les premiers temps, il va bien devoir avouer qu'il ne s'attendait pas à ce que l'initiative de Pierre Roussin rencontre un tel succès. On se presse pour découvrir cette station différente.
On va dès lors suivre en parallèle l'évolution du projet en 1964 et les années suivantes et les quelques semaines funestes de 1984, au moment où les derniers voyages sont autorisés. On y voit Bruno Roussin, le fils du promoteur, et sa compagne prendre le dernier bus pour passer l'hiver dans le chalet familial. Son projet est alors de s'isoler pour écrire le roman commandé par son éditeur après la publication de nouvelles qui ont connu un joli succès. Il se propose de revenir sur l'histoire de son père. Mais a-t-il conscience de la crainte qu'il suscite auprès de la poignée d'habitants qui restent ici à demeure et qui ont tous ou presque quelque chose à se reprocher.
Entre révélations et cupidité, vengeance et homicide, le roman va alors prendre un tour très noir. Empruntant aux codes du polar, Eliott de Gastines réussit un formidable premier roman qui, dans son intensité dramatique, n'a rien à envier au Shining de Stanley Kubrick. L'ambiance y est tout aussi glaçante, la folie de moins en moins cachée. Prêts à tout, ces montagnards sont bien à mille lieues des images de carte postale que les promoteurs entendent promouvoir. Mais peut-être sont-ils tout aussi affolés que ces animaux contraints à fuir ou à disparaître avec l'arrivée des télésièges sur leur domaine?



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Les confins, 1964
Pierre est subjugué par le village des Confins auquel il rêve de donner l'avenir qu'il mérite, une station de ski à taille humaine. Il faut dire que dans les vallées voisines, le plan neige voulu en hauts lieux a démarré à fond pour transformer les vallées en stations de ski bientôt à la mode.
Mais Pierre est visionnaire, sa passion pour son métier et pour la vallée lui fait rapidement prendre tous les risques pour étudier, promouvoir, réaliser les premiers travaux qui vont transformer le village en station de ski de rêve.
Aux confins il veut privilègier la qualité plutôt que de tout miser sur un tourisme de masse.
Cela n'est pas forcément du goût de tous les investisseurs de la vallée.

Les confins, 1984
Bruno Roussin, le fils de Pierre, attend avec Corinne le dernier bus pour le village du bout du monde. Chaque hiver les confins sont coupés du reste de la vallée pendant plusieurs mois. Mais Bruno est un écrivain qui cherche l'inspiration. Quoi de mieux que de revenir dans le chalet de son enfance, aux Confins.
Trois mois d'hiver pour écrire, réaliser, imaginer, à moins que ce ne soit pour écouter, observer, comprendre, venger celui qui a disparu.

Dans ce huis-clos à ciel ouvert, au milieu de la neige et de la tempête, les esprits exaltent, les souvenirs enfouis refont surface, les collusion se défont. Et peu à peu, la révélation se fait, les briques s'emboîtent et les clés ouvrent les portes du passé.

Sous des airs de faux thriller, l'auteur annonce de chapitre en chapitre qu'il va se passer ou qu'il s'est passé quelque chose. le lecteur devine ce qu'il doit trouver mais l'envie de continuer est bien présente. Alors, malgré quelques personnages au comportement caricatural, j'ai aimé suivre l'intrigue jusqu'à la fin.

Un roman très différent de celui de Laurence Cossé Nuit sur la neige, qui évoquait aussi la naissance des stations de ski française. Et qui est tout aussi intéressant dans la partie relative à la genèse de la création de ces stations dans années 60.

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1964 / 1984. Vingt années séparent deux récits qui en alternance dévoilent une histoire de sauvagerie humaine sur fond de conquête de l'or blanc.
A l'aube des années soixante, les promoteurs de tout poil s'attaquent aux massifs montagneux pour les transformer en stations de ski avec la complicité plus ou moins avérée de paysans locaux. Pierre Roussin, architecte-promoteur, s'embarque avec femme et enfant aux confins des Alpes pour y réaliser le projet de sa vie. Vingt ans plus tard, son fils Bruno, retourne sur les lieux de son enfance et du drame. Nostalgie ou vengeance ?
Alternant avec justesse entre les deux périodes, l'auteur tricote une histoire toute en tension en ménageant ses effets par le biais de formules bien senties, en s'appuyant sur une panoplie de personnages habilement décrits. A la fois thriller, fine analyse d'un micromilieu et dénonciation d'une économie écocide, « les Confins » donne à voir un autre visage de la montagne. Plus sombre, plus humaine et d'autant plus inquiétante.
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Le lecteur est plongé dans une vallée française réaliste mais non réelle en plein plan neige, qui était un plan d'aménagement des lieux montagneux pour y développer le tourisme. L'auteur joue avec cette frénésie à la construction qui ont secoué les montagnes durant cette décennie, où l'artificialisation se faisait galopante et sans réelle prise en compte des populations locales.

On ressent bien cette fracture entre promoteurs et locaux, malgré la volonté affichée de les intégrer dans le développement touristique. Les personnages sont simples, on ne perd pas dans les détails. On sent vraiment cette atmosphère de communauté isolé.

J'ai en revanche trouvé un peu dommage que la rivalité aille si loin, je pense que l'histoire perd un peu en crédibilité, alors que ce sujet est un vrai sujet qui a provoqué de nombreux débats à l'époque, et même encore aujourd'hui.

C'est néanmoins avec plaisir que j'ai lu ce livre et que je reviendrai lire un futur livre de cet auteur.
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Roman noir dans un paysage immaculé

Dans les années 60, Pierre Roussin, grand architecte lyonnais, est contraint de quitter la ville pour permettre à son fils asthmatique de respirer le bon air alpin. Il découvre une pépite en pleine montagne : Les Confins. le lieu a tout pour devenir une petite station de ski privilégiée et chaleureuse. Oui, mais c'est sans compter Émile Empereur, maire du village, et son frère Léon qui, secondés par plusieurs habitants, vont contrecarrer ces beaux projets et commettre l'irréparable.

Vingt ans plus tard, Bruno, le fils de Pierre, revient dans le chalet familial. Devenu écrivain, le lieu isolé est le havre idéal pour trouver l'inspiration. Mais est-ce vraiment ce que Bruno est venu chercher ? Ne serait-il pas venu plutôt pour comprendre ce qui s'est réellement passé en 1964, voire pour régler des comptes ?

Un premier roman facile à lire et bien ficelé qui pourrait facilement être adapté en film.La lecture est agréable même si l'atmosphère est plutôt tendue. Les chapitres font des allers-retours entre les années 60 et les années 80 et nous permettent de reconstituer petit à petit le puzzle de ce huis-clos glacé et glaçant.
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Les confins
.
1984. Dans un village de montagne, isolé pendant l'hiver, on retrouve tous les habitants décédés dans d'étranges conditions étranges, ainsi que toutes leurs maisons ravagées par le feu. Mais que s'est-il passé dans cette station de ski abandonnée pour en arriver à un tel drame ?
1964. La France vient de lancer « le plan neige », un vaste programme visant à lancer l'industrie du ski dans les Alpes françaises. Dans le même temps, Pierre Roussin architecte lyonnais, arrive aux Confins, contraint de quitter la ville par la santé défaillante de son jeune fils à qui l'air de la montagne est recommandé. Convaincu du potentiel de ce coin de paradis, il se lance corps et âme dans le projet un peu fou de bâtir une station de ski différente, censée séduire une clientèle choisie. L'espoir pour le village de revenus garantis, mais un projet qui fait ombrage au puissant clan Lempereur, qui dès lors n'aura de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues.
Chronique d'un désastre annoncé et récit d'une vengeance machiavélique.
.
Ce livre est une belle découverte des @68premieresfois. Ce roman aux allures de thriller propose une trame efficace et addictive grâce à l'alternance de chapitres séparés de 20 ans, et qui, cheminant en parallèle, apportent un éclairage progressif et glacial sur le drame du prologue.
L'histoire en elle-même n'est pas forcément des plus originales, mais j'ai beaucoup aimé l'ambiance qui s'en dégage et la peinture très réussie de ce coin de montagne. Ses allures de ville fantôme, son isolement et sa nature hostile et menaçante qui enveloppe d'un voile de mystère l'inexorable fuite en avant vers le drame annoncé. Les personnages sont également très bien campés. Troubles, fourbes, ils sont presque tous foncièrement mauvais. Seules les femmes tirent leur épingle du jeu et attirent la sympathie, mais elles sont hélas vite évincées dans des circonstances toutes plus tragiques. Intéressant enfin cette réflexion sur la naissance du tourisme hivernal et ses conséquences écologiques majeures. Troublant de faire cette relecture de nos jours au moment où cette activité décline et où la conscience des désastres écologiques qu'elle génère pousse à la remise en cause, pour beaucoup, de ce modèle économique.
Il est sorti en poche, profitez en!
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Dans la noirceur d'un enfer blanc ...

Pas évident d'enchaîner une nouvelle lecture après Les Tourmentés de Lucas Belvaux. Eh bien défi relevé haut la main par ce #premierroman parfaitement construit !
Encore une belle surprise des 68premieresfois .

Dès le prologue, on sait qu'un drame s'est passé l'hiver 1984 dans le petit village cul-de-sac des Confins à 1644m d'altitude, alors que comme chaque hiver la route était coupée par sécurité. 20 ans auparavant, ce coin avait inspiré un joli projet à un architecte complètement à contre-courant de ce qui se faisait alors en plein "plan neige", c'est à dire la bétonisation à outrance de la montagne faisant fi de la securité dans l' espoir de profits monstrueux sous couvert de l'utopie des sports d'hiver pour tous.

"A l'aube du tourisme de masse, Pierre Roussin, architecte et ingénieur de formation, avait plusieurs décennies d'avance sur les comportements du marché et rêvait déjà de structures à taille humaine et tournées vers la nature."

Le roman alterne par la voix distanciée, souvent sarcastique du narrateur, la genèse du drame avec l'histoire du projet en 1964 et le retour au village de Bruno, le fils de Pierre Roussin, en 1984.

Cela se lit comme un polar. C'est très habilement construit et la description du microcosme montagnard, avec des personnages tous plus mauvais les uns que les autres, quoiqu'un chouïa outrée est d'une férocité réjouissante. le narrateur n'épargne personne.
Le puzzle se met en place peu à peu et on avance vers le drame inéluctable. La plume est fluide et agréable, l'atmosphère de ce huis-clos à ciel ouvert glaciale et pesante. Les portraits des protagonistes et de leur sauvagerie cupide pour certains sont excellents. L'alternance des années et des chapitres très addictive. Une réussite !
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❝La construction de routes et de remontées mécaniques supplémentaires est-elle vraiment nécessaire en montagne, quand on sait qu'elles sont la cause principale des dommages environnementaux en dehors des zones urbanisées ? Il ne s'agit pas seulement de la survie de nombreuses espèces animales et végétales, mais aussi de la sauvegarde de valeurs comme la grandeur, le silence, l'harmonie et le danger, sans lesquelles la montagne perdra à nos yeux tout intérêt.❞
Reinhold Messner, Urgence ! Il faut sauver les montagnes

❝Le jeune homme se prénommait Bruno, et nous pourrions le présenter comme le héros de cette histoire. Simplement, ce serait assez malhonnête. Car des qualités qu'on prête habituellement à un héros, Bruno n'en possédait pour ainsi dire aucune. Des événements à venir alors de cet hiver 1984, il allait être plus prosaïquement le responsable. Ou après tout, la victime… Mais il est sûrement trop tôt pour en juger, et chacun pourra se faire une idée au terme de ce récit. Car pour la première fois, chacun saura ce qui s'est vraiment déroulé là-haut. Aux Confins.❞

Les Confins, premier roman d'Eliott de Gastines, joue sur deux époques distantes de vingt ans et sur une façon remarquable de conduire l'intrigue pour un roman qui choisit de ne pas choisir entre thriller, roman noir ou polar, qui multiplie les allers-retours entre 1964 et 1984 laissant les souvenirs comme les informations suinter de telle sorte que le drame du prologue s'élucide peu à peu. En effet, le narrateur omniscient affichant d'emblée sa connivence avec le lecteur ne fait aucun mystère : durant l'hiver 1984, Les Confins, village d'altitude isolé du reste du monde du 1er novembre au 1er avril, a été le théâtre d'évènements dramatiques. Des corps ont été retrouvés au milieu du village calciné, souillant la blancheur neigeuse.

Remontons au mitan des années 1960. Georges-Pompidou est Premier ministre et l'État français décide de lancer un Plan neige pour tous ses massifs. Il s'agit d'attirer les skieurs, tant français qu'étrangers, en leur proposant des stations, sortes de banlieues d'altitude moches et sans âme, dotées d'hébergements en nombre et d'infrastructures aussi fonctionnelles que coûteuses. L'or blanc ainsi mis à la portée de tous, il ne fait aucun doute que les devises étrangères afflueront, que les populations autochtones préfèreront rester plutôt que de quitter les montagnes pour s'en aller trouver du travail dans les vallées.

❝Le massacre était non seulement environnemental, esthétique, mais il était aussi social. Avec quel mépris avait-on traité tous ces paysans, c'était impensable. Il fallait encourager les fermiers à devenir cuisiniers, les ouvriers agricoles à devenir perchmans, les jeunes débrouillards à devenir skimans. Les désoeuvrés ou ceux dont le corps était cassé par les travaux de la ferme, ceux-là seraient très bien derrière les guichets.❞

À cette période-là, de tous leurs mètres cubes de béton frais, les stations de la Plagne, Avoriaz, Tignes, Isola 2000, La Mongie s'arriment aux versants des montagnes qui se transforment pour le pire sous les assauts des bulldozers, au mépris de l'environnement que l'on dégrade et des habitants que l'on exproprie sans ménagement, mais à qui on lance quelques subsides.
La frénésie de profiteurs sans scrupules défigure le paysage montagnard.

❝Les remonte-pentes pour débutants se reproduisaient comme des lapins. Plus haut, les télésièges venus des États-Unis quadrillaient le domaine skiable et nourrissaient les fantasmes des promoteurs par leur capacité à promener du couillon en nombre. Clou du spectacle, la gare de téléphérique venait d'être achevée. Plus haut encore, les self-services attendaient de dévorer les portefeuilles de futurs skieurs pressés d'en 'profiter davantage'.❞

Dès le prologue, on sait que le beau projet que nourrissait en 1964 Pierre Roussin, architecte lyonnais — un étranger donc pour ceux du cru — a fait long feu après que les retards administratifs aussi nombreux que les accidents de chantier ont mis un terme définitif aux trop rares bien que prometteuses avancées.

❝En 1964 donc, Pierre Roussin s'installa aux Confins avec d'ambitieux projets. Il allait devenir le fondateur de la SHVC – la Société de la Haute Vallée des Confins -, destinée à réaliser les aménagements nécessaires à l'érection d'une station de tourisme élégante, dans le respect de son environnement premier. […] Les défis étaient nombreux, le projet a priori surréaliste. Mais sa vision et son énergie en viendraient à bout, croyait-il. Ce serait l'oeuvre de sa vie.
Il ne pouvait s'imaginer tout perdre en ces lieux.❞

Vingt ans plus tard, son fils Bruno revient passer l'hiver aux Confins, dans le chalet de la Balme où il a vécu enfant et que son père avait arraché alors au nez et à la barbe d'Émile Empereur dont la rancoeur est encore vive. Avec Corinne sa compagne, Bruno a profité du dernier bus avant la fermeture de la d'132, unique route à desservir le village qui va vivre replié sur lui-même jusqu'au premier jour d'avril. En effet, rares sont les habitants à faire le choix de rester dans cet endroit coupé du monde pendant les mois les plus rudes. Cet isolement est précisément ce que Bruno, plagiaire d'un premier livre qui a connu le succès, cherche pour écrire le second roman que lui réclame son éditeur. Mais il se pourrait bien que la version officielle cache d'autres desseins.

❝L'écrivain avait plus d'un projet pour l'hiver. Sa venue aux Confins ne concernait pas seulement l'écriture d'un roman. Les événements allaient pourtant dépasser la vengeance qu'il se croyait capable d'assouvir. Ou, disons-le autrement, le cours des choses était en passe de rejoindre un dessein qu'il n'avait pu s'avouer consciemment. À la sauvagerie des lieux s'ajouterait bientôt celle des hommes ici réunis…❞

Au village au-dessus duquel ❝la brume est tristement suspendue❞ quand ❝le jour vieillit❞, tous scrutent les nouveaux arrivants avec circonspection et une pointe d'angoisse que l'alcool qui vient à manquer — cette année, le camion assurant le dernier ravitaillement pour l'hiver n'est bizarrement pas monté au village — ne peut hélas anesthésier. Il faut dire qu'eux savent pourquoi l'élégante station à taille humaine, respectueuse de l'environnement que Pierre Roussin voulait inscrire dans le paysage, n'a jamais vu le jour.

❝Nom de Dieu, ils étaient tous dans le coup.❞

Les Confins était et est encore un repaire de belles ordures. Avec à leur tête Émile Empereur et ses alliés, tous plus cupides et manipulateurs les uns que les autres, prodigues en mauvais coups et coups bas.

La narration à deux temporalités, les faits distillés à l'avance et de manière tout à fait attrayante pour un thriller, les spectres d'antan qui reviennent hanter les vivants, le ton distancié et sarcastique du narrateur qui prend le lecteur à partie, les images nettes qui se forment dans notre esprit grâce au sens de la formule de l'auteur, sont autant d'éléments qui créent un effet de réel et installent l'atmosphère pesante du huis-clos et nous ferrent pour ne plus nous lâcher. Les Confins est un habile roman noir qui déplace les attentes du lecteur qui sait ce qu'il s'est passé, mais en ignore les tenants. À mesure que les esprits s'échauffent, le rythme s'emballe et les pages se tournent presque toutes seules, tant on est avides de découvrir où mènent les révélations et rebondissements en cascade. Certes, on pourra faire le reproche que la fin est quelque peu excessive — ça pétarade à tout va, ça part en tous sens — et que les personnages, les hommes comme les femmes, n'échappent pas toujours à un manichéisme monolithique et facile. Mais cela n'entame en rien le plaisir évident que l'on prend à lire cette histoire de froide vengeance racontée sur un ton divinement jubilatoire où grince l'ironie.

L'autre intérêt du roman est de mettre en perspective les projets d'alors, ce qu'ils sont aujourd'hui devenus, ce qu'ils deviendront demain au moment où le modèle économique du tourisme hivernal, s'il veut rester viable, est condamné à se réinventer. Une invitation à prolonger la réflexion.

La carte en début d'ouvrage est bienvenue pour se repérer dans la vallée du Miroir et les villages s'étageant entre Bourg-Le-Beauregard et Les Grands Mignes.

Premier roman, lu pour la sélection 2023 des #68premieresfois

Lien : https://www.calliope-petrich..
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Les Confins, c'est un village à 1600m d'altitude dont la route sinueuse est fermée l'hiver. Une fois le ravitaillement effectué, la route est barrée jusqu'au retour des beaux jours. Il faut être un peu fou pour avoir envie d'y rester, dit-on en bas et pourtant une poignée d'habitants y restent chaque année et cette année, Bruno Roussin, un écrivain a décidé de s'y installer pour écrire son deuxième roman.

Un huis clos haletant où l'on découvre que le village cache un tragique passé. La vengeance est un plat qui se mange froid...

Un premier roman divertissant, qui nous offre un panorama sur la nature...humaine.
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