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Déportation, camp de concentration, négation de l'être, torture, misère, désespoir, mort…Les livres sur l'univers concentrationnaire regorgent d'histoires et de termes qui assiègent les sens, qui nous tordent le ventre et nous soulèvent les tripes tant la barbarie a défié l'inimaginable et outrepassé dans l'horreur tout ce que l'esprit humain pouvait concevoir en matière d'inhumanité.

Et puis il y a ce petit ouvrage, Prix Littéraire des Droits de l'Homme 1999, minime par son format (60 pages) mais grand par l'écho universel qu'il fait résonner en nous, écrit par Geneviève de Gaulle Anthonioz (1920 – 2002), nièce du général, résistante déportée en 1944 et détenue pendant de longs mois dans le camp de Ravensbrück.
Peu d'espoir émerge d'ordinaire de la littérature concentrationnaire. Et c'est là que cet opuscule fait la différence. Car à l'horreur bien présente, affreuse, inouïe, à laquelle on est immanquablement confronté à la lecture d'un témoignage de ce type, s'oppose, comme une miraculeuse lueur au bout d'un interminable tunnel, l'éclat diaphane de l'Espérance. Comme une petite flamme qui continue de brûler malgré tout au coeur des ténèbres, cette espérance fait subsister ce qui ne perdure pas toujours au terme d'une lecture sur les camps de concentration : la foi en l'humain et l'espoir en une aube nouvelle.

« La porte s'est refermée lourdement. Je suis seule dans la nuit. A peine ai-je pu apercevoir les murs nus de la cellule. »
Matricule 27372 – Block 26 – F.K.L. Ravensbrück – Mecklenburg – Allemagne.
Les portes du bunker se referment sur Geneviève de Gaulle. En pleine nuit, deux SS sont venus la chercher pour la conduire dans ce bâtiment qui sert de prison à l'intérieur du camp de Ravensbrück. A la hâte, la peur au ventre, elle a quitté sa baraque surpeuplée et ses malheureuses compagnes d'infortune, pour être mise au cachot, ignorante de son sort, affaiblie, terrifiée.
Le débarquement a eu lieu, l'Allemagne est en mauvaise posture. Connaissant son appartenance familiale, sans doute les allemands veulent-ils se servir d'elle comme monnaie d'échange au cas où les choses tourneraient mal ?
Les jours passent, interminables ; l'attente dans le silence et l'isolement de la cellule est infinie ; mais le statut d'otage semble de plus en plus patent, c'est bon signe, alors Geneviève s'organise, s'accroche, résiste à la peur, à la détresse, au désespoir, au découragement, grâce à tout ce à quoi l'esprit peut se raccrocher pour tenter de traverser la nuit : le rêve, la pensée attendrie de ses codétenues, les souvenirs d'enfance, la foi.

Il aura fallu près d'un demi-siècle avant que Geneviève de Gaulle ne se décide à entreprendre le récit de ces 4 mois d'isolement dans le bunker de Ravensbrück. La mémoire est dure à libérer lorsqu'on a vécu expérience si profondément traumatisante.
De son passé de résistance, nous ne saurons rien ; de son action future contre la misère et l'exclusion, nous n'en saurons pas davantage car la volonté de l'auteur n'est pas de nous donner à lire la biographie d'une femme impliquée, combattante et active. Seule compte ici l'extraction, par les mots, de ce point noir de la conscience, cet épisode si âprement, si horriblement douloureux, inscrit à jamais dans la chair et l'âme de tous les déportés qui ont survécu à l'enfer des camps.
Volontairement enveloppées d'un grand flou personnel sur l'avant et l'après de son existence, les 60 pages de « La traversée de la nuit » n'en sont que plus percutantes et évocatrices car centrées principalement sur ce drame et rien d'autre que Cela, tandis que la narration au présent abolit les barrières du temps et révèle toute la proximité d'une mémoire indélébile, tatouée tel un matricule au plus profond de la conscience malgré les nombreuses années écoulées.

Sans effet de style, avec simplicité et sobriété, Geneviève fait la déposition sans fard ni artifice - l'horreur suffit bien à l'horreur – des conditions de vie au sein du camp : le travail accablant, les maladies, la torture, les expériences scientifiques, les bastonnades, les rigueurs du temps, les corps décharnés, la faim, le froid et « bien pire que la mort, la destruction de l'âme qui est le programme de l'univers concentrationnaire ».
Mais en faisant jaillir du coeur de l'indicible le sentiment de fraternité et d'espérance, c'est aussi un double témoignage que l'auteur nous délivre et qui se dresse face à la barbarie : c'est l'incommensurable force dont l'être humain peut faire preuve si demeure encore une once de solidarité et d'amitié autour de lui. L'entraide que ces femmes jetées dans l'enfer se sont manifestées, le courage et la dignité qu'elles ont affichés est une formidable leçon de vie et d'humanité.
« Je voulais essayer de rejoindre chaque lectrice, chaque lecteur sur le terrain de son humanité profonde, parce que je pense que c'est ainsi que se tisse un lien entre tous les hommes, que s'édifie le socle» révélait Geneviève de Gaulle Anthonioz dans une interview.
C'est ce que nous retiendrons de la lecture de ce témoignage intense en émotion à la résonnance universelle.
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Geneviève de Gaulle-Anthonioz est d'abord un nom.
Celui de la nièce du général De Gaulle.
Le nom d'une des femmes panthéonisées.
Un membre fondateur d'ATD Quart Monde et sa Présidente de 1964 à 1998.
C'est aussi une figure de la Résistance.
Une de ces combattantes de "l'armée des ombres", ayant appartenu au Groupe du musée de l'Homme puis au réseau Défense de la France.
Arrêtée par Pierre Bonny, l'une des deux sinistres figures avec Henry Lafont de la rue Lauriston ( siège de la Gestapo française surnommée la Carlingue ), elle est déportée le 2 février 1944 au camp de Ravensbrück.
Après avoir vécu durant neuf mois la vie de ces camps de la mort ( les kommandos, les appels interminables à 3 heures 30 de la nuit, la faim, l'humiliation, les coups, la (les) maladie, le Revier, les Kapos, les SS, les chiens, la mort de ses camarades, les sélections, les cheminées d'où s'échappait la sinistre fumée des corps brûlés dans les fours, elle est emmenée un jour d'octobre au Bunker.
Le Bunker servait de cachot aux détenues auxquelles les SS, pour des raisons Xou Y, réservaient un sort funeste.
Rares étaient celles ou ceux qui en ressortaient vivant(e)s.
Les déportées enfermées au bunker n'ont en général ni couverture ni paillasse, ont droit à une ration de pain tous les trois jours et un peu de soupe tous les cinq jours.
En outre cette condamnation au bunker " est accompagnée d'une bastonnade : vingt-cinq, cinquante ou soixante-quinze coups auxquels la détenue survit rarement."
Il y a la menace d'une exécution par balles derrière le bunker... pas loin des fours crématoires.
Il y a les sélection pour les cambres à gaz ou pour les " horribles expériences médicales" du professeur Gebhardt...
Geneviève qui ignore la raison de cette mise au cachot s'attend au pire, tremble au moindre bruit.
Face à la mort prochaine, elle se souvient.
Les souvenirs, de son enfance, des siens, de ses études, de son entrée dans la Résistance, de son arrestation jusqu'à sa déportation et à son entrée au camp de Ravensbrück... la vie au camp... tous ces souvenirs vont l'aider à supporter et à surmonter cette épreuve... aidée en cela par une foi inébranlable en Dieu et en l'homme.
Car tout au long de ce bref récit, l'amitié et l'entraide entre déportées sont une constante à laquelle Geneviève se raccroche et fait référence.
Cette expérience du Bunker, et à travers le Bunker... Ravensbrück a été racontée cinquante ans après que Geneviève l'ai vécue.
Souvenirs clairs, précis, lucides, sans concessions, d'une concision où l'émotion n'occulte rien de ce qui fut.
Cet ouvrage, qui fait référence, est un des témoignages qu'il faut connaître, parce que comme celui d'Odette Abadi, dont j'ai parlé il n'y a pas longtemps, il livre une expérience vécue de l'intérieur dans un des plus sinistres lieux dont ne manquaient pas les camps d'extermination nazis.
Un grand petit livre qui va à l'essentiel.
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Ce très court témoignage ( 59 pages ) est écrit, cinquante ans après, par Geneviève de Gaulle Anthonioz, matricule 27.372 du camp de Ravensbrück.
« solitude et désespoir » caractérisent ce séjour dans un bunker, isolée de toutes.
Pourquoi ? Elle ne le sait pas.
Ce qu'elle nous confie, par contre, ce sont les horreurs perpétrées dans ce camp. Et ce qui la soutient, c'est sa foi en Dieu. Elle lutte contre la destruction du corps, mais aussi de l'âme et fait appel pour cela à ses plus beaux souvenirs.
Un témoignage émouvant et nécessaire.
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Déportée à Ravensbrück pour faits de résistance, Geneviève de Gaulle (nièce du général) est mise au cachot. Pourquoi ? mystère Pourquoi en sort-elle indemne ? Mystère. Cet intermède d'environ 2 mois (du 25 octobre à après Noël) lui permet de se reposer (plus de corvée), de se refaire une petite santé (par le repos) mais aussi de raconter. Sa vie au camp, les atrocités, les mortes, la déshumanisation. Mais aussi les petites fêtes, les petites joies, tout ce qui permet d'échapper à l'indicible, donne le courage de résister encore, de rester humaine. Même si cela les met en danger (mais qu'est-ce dans cet univers, elles sont déjà condamnées à mort). Elle s'inquiète de son sort (un peu) et de celui de ses camarades (beaucoup) ; elle se sent coupable d'être là, à l'abri. Puis un jour, elle sort;
Elle sera présidente de l'association des déportées, puis membre fondateur d'ADT-Quart Monde.
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Je viens de relire avec plaisir et beaucoup d'émotion ce petit livre retrouvé par hasard dans ma bibliothèque, cadeau d'une de mes tantes aujourd'hui disparue et longtemps active dans une association d'anciens prisonniers.

Paru en 1998, ce récit rassemble les souvenirs et témoignages de captivité de Geneviève de Gaulle – Anthonioz, nièce du général, résistante, militante des droits de l'homme et de la lutte contre la pauvreté et la discrimination, présidente de l'ATD Quart Monde. Entrée en résistance dès juin 1940, elle fut arrêtée, sur dénonciation, par la Gestapo en juillet 1943 et emprisonnée à Fresnes, jusqu'à ce qu'elle soit déportée, en février 1944, dans des conditions de transport abominables, au camp de concentration de Ravensbrück. Elle devint le matricule : 27372. Là elle a côtoyé la haine et la violence, l'enfer au quotidien, elle a frôlé la mort mais aussi découvert la solidarité entre détenues.

Près de cinquante ans plus tard, elle revient sur les quelques mois passés au secret, dans une cellule individuelle du bunker du camp. Exclues parmi les exclues. Pourquoi l'avoir fait quitter ses camarades du bloc 2 et la mettre à l'isolement dans ce cachot sombre et nauséabond ? Personne ne l'en a avisé, mais compte tenu de ses liens familiaux avec le chef de la France Libre, elle pouvait servir de monnaie d'échange. Ainsi en avait décidé Heinrich Himmler… Si longtemps après, les souvenirs de Geneviève de Gaulle sont encore frais, intacts dans sa mémoire ; une période qu'elle ne pourra jamais oublier et qui sera vraisemblablement à l'origine de son dévouement et de son engagement dans les associations. Dans un langage simple et touchant, mais sans excès, elle raconte son angoisse quotidienne, la sirène et l'appel du matin, les conditions de vie déplorables, la malnutrition, les maladies, la peur de la mort, les fumées des fours crématoires, la solitude et son terrible ennui. Mais elle a fait front se raccrochant à sa croyance en Dieu, bien entendu mais aussi à des petits riens (un regard, un geste) ; elle essayait de s'évader par la pensée, de rêver aux moments heureux, et pour s'amuser (c'est dérisoire) elle organisait des courses de cancrelats dans sa cellule… L'espoir et sa capacité de résilience l'ont aidé à tenir bon, à ne pas flancher même si plusieurs fois elle a senti sa mort prochaine.

Ce récit est bref mais puissant et émouvant, c'est un témoignage exceptionnel écrit avec réalisme et retenue. Sa lecture devrait être indispensable pour ne jamais oublier.

#Challenge Riquiqui 2023
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J'ai trouvé ce récit beaucoup trop court ( 80 petites pages). Il démarre vers la fin de son internement à Ravensbrück, lorsqu'elle avait été identifiée par ces bourreaux comme la nièce du général De Gaulle et bénéficiait alors d'un régime assoupli. Mais avant cela ? Rien ou alors très peu. J'aurais par exemple aimé connaître son parcours de résistante. Il m'ai difficile de noter si bas un témoignage sur les camps, mais je pense justement que le sujet méritait davantage.
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La nuit et le brouillard ont envahi cette portion de monde : Ravensbrück, à quelques dizaines de kilomètres au nord de Berlin, fin 1944 - début 1945.
Dans une partie du camp qu'on appelle le « bunker », quartier d'isolement où les prisonniers sont privés de tout lien avec leurs semblables, une femme croupit.
Par n'importe quelle femme. Celle-ci porte un nom qui résonne comme un espoir ailleurs et une malédiction entre les serres nazies : Geneviève de Gaulle, la nièce du général, alors à Londres et modeste bougie qui éclaire ceux qui refusent les ténèbres de la soumission à l'ennemi.
Seule, Geneviève, pour ne pas devenir folle – ainsi que cet homme, dans un fameux récit de Zweig, qui se servit d'un manuel d'échecs comme d'une bouée de sauvetage de sa raison –, se souvient de sa vie d'avant, de sa vie au camp aussi, sans en rien retrancher d'abominable, tels ces « lapins », jouets d'expériences médicales sordides.
Car elle a la foi, Geneviève, luttant inlassablement contre ce renoncement, antichambre de la mort. Elle est soutenue, Geneviève, par ses camarades esclaves et quelques autres bonnes volontés.
Et ni l'odeur des crématoires, ni les brimades diverses et variées – la cruauté des tortionnaires est imaginative ! – n'infléchiront cette volonté, sans doute de famille, sûrement inspirée par plus haut qu'elle : Dieu.
Elle ne sait pas alors que son isolement elle le doit à son patronyme : Geneviève est passée de non-être à monnaie d'échange.
Il lui aura fallu plus de cinquante ans pour écrire ce témoignage d'une authentique chrétienne, tournée vers l'autre, même dans ce chaudron infernal des camps nazis.
Depuis peu, le nom de celle qui a traversé la nuit et retrouvé le jour figure au Panthéon, autre bunker où l'on précipite les dépouilles à des fins bien moins altruistes qu'il n'y paraît, mais elle, Geneviève, demeure dans son cimetière de Haute-Savoie, à l'air libre et près de son mari, loin des murs à croix gammée qui ont failli avoir raison de son corps et son âme.
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Cinquante ans après avoir vécu la terrible épreuve des camps de concentration, Geneviève de Gaulle en livre un témoignage précis et saisissant. Elle ne nous dit pas pourquoi elle a été ainsi mise au cachot. Il semblerait que les nazis l'aient mise ainsi à l'écart parce qu'elle était la nièce du général De Gaulle.
Elle est isolée dans son cachot, mais pas seule. Toutes ses compagnes de détention sont dans son coeur et ses souvenirs. Elle essaie aussi de se rapprocher de Dieu, mais dans ce silence, peut-il être là ?
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Un très court récit autobiographique qui relate les mois que la nièce du général De Gaulle a passés à l'isolement dans le camp de Ravensbrück. Une écriture sobre, précise, sans concession qui rend la lecture de ce texte d'autant plus bouleversante. Un témoignage de courage, de force et d'humanité dans l'inhumanité.
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magnifique, n'a pas pris une ride, entre témoignage, leçon de vie et philosophie, ce petit récit se lit en quelques heures mais vous transforme à tout jamais
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