AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,15

sur 170 notes
5
13 avis
4
9 avis
3
1 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Déportation, camp de concentration, négation de l'être, torture, misère, désespoir, mort…Les livres sur l'univers concentrationnaire regorgent d'histoires et de termes qui assiègent les sens, qui nous tordent le ventre et nous soulèvent les tripes tant la barbarie a défié l'inimaginable et outrepassé dans l'horreur tout ce que l'esprit humain pouvait concevoir en matière d'inhumanité.

Et puis il y a ce petit ouvrage, Prix Littéraire des Droits de l'Homme 1999, minime par son format (60 pages) mais grand par l'écho universel qu'il fait résonner en nous, écrit par Geneviève de Gaulle Anthonioz (1920 – 2002), nièce du général, résistante déportée en 1944 et détenue pendant de longs mois dans le camp de Ravensbrück.
Peu d'espoir émerge d'ordinaire de la littérature concentrationnaire. Et c'est là que cet opuscule fait la différence. Car à l'horreur bien présente, affreuse, inouïe, à laquelle on est immanquablement confronté à la lecture d'un témoignage de ce type, s'oppose, comme une miraculeuse lueur au bout d'un interminable tunnel, l'éclat diaphane de l'Espérance. Comme une petite flamme qui continue de brûler malgré tout au coeur des ténèbres, cette espérance fait subsister ce qui ne perdure pas toujours au terme d'une lecture sur les camps de concentration : la foi en l'humain et l'espoir en une aube nouvelle.

« La porte s'est refermée lourdement. Je suis seule dans la nuit. A peine ai-je pu apercevoir les murs nus de la cellule. »
Matricule 27372 – Block 26 – F.K.L. Ravensbrück – Mecklenburg – Allemagne.
Les portes du bunker se referment sur Geneviève de Gaulle. En pleine nuit, deux SS sont venus la chercher pour la conduire dans ce bâtiment qui sert de prison à l'intérieur du camp de Ravensbrück. A la hâte, la peur au ventre, elle a quitté sa baraque surpeuplée et ses malheureuses compagnes d'infortune, pour être mise au cachot, ignorante de son sort, affaiblie, terrifiée.
Le débarquement a eu lieu, l'Allemagne est en mauvaise posture. Connaissant son appartenance familiale, sans doute les allemands veulent-ils se servir d'elle comme monnaie d'échange au cas où les choses tourneraient mal ?
Les jours passent, interminables ; l'attente dans le silence et l'isolement de la cellule est infinie ; mais le statut d'otage semble de plus en plus patent, c'est bon signe, alors Geneviève s'organise, s'accroche, résiste à la peur, à la détresse, au désespoir, au découragement, grâce à tout ce à quoi l'esprit peut se raccrocher pour tenter de traverser la nuit : le rêve, la pensée attendrie de ses codétenues, les souvenirs d'enfance, la foi.

Il aura fallu près d'un demi-siècle avant que Geneviève de Gaulle ne se décide à entreprendre le récit de ces 4 mois d'isolement dans le bunker de Ravensbrück. La mémoire est dure à libérer lorsqu'on a vécu expérience si profondément traumatisante.
De son passé de résistance, nous ne saurons rien ; de son action future contre la misère et l'exclusion, nous n'en saurons pas davantage car la volonté de l'auteur n'est pas de nous donner à lire la biographie d'une femme impliquée, combattante et active. Seule compte ici l'extraction, par les mots, de ce point noir de la conscience, cet épisode si âprement, si horriblement douloureux, inscrit à jamais dans la chair et l'âme de tous les déportés qui ont survécu à l'enfer des camps.
Volontairement enveloppées d'un grand flou personnel sur l'avant et l'après de son existence, les 60 pages de « La traversée de la nuit » n'en sont que plus percutantes et évocatrices car centrées principalement sur ce drame et rien d'autre que Cela, tandis que la narration au présent abolit les barrières du temps et révèle toute la proximité d'une mémoire indélébile, tatouée tel un matricule au plus profond de la conscience malgré les nombreuses années écoulées.

Sans effet de style, avec simplicité et sobriété, Geneviève fait la déposition sans fard ni artifice - l'horreur suffit bien à l'horreur – des conditions de vie au sein du camp : le travail accablant, les maladies, la torture, les expériences scientifiques, les bastonnades, les rigueurs du temps, les corps décharnés, la faim, le froid et « bien pire que la mort, la destruction de l'âme qui est le programme de l'univers concentrationnaire ».
Mais en faisant jaillir du coeur de l'indicible le sentiment de fraternité et d'espérance, c'est aussi un double témoignage que l'auteur nous délivre et qui se dresse face à la barbarie : c'est l'incommensurable force dont l'être humain peut faire preuve si demeure encore une once de solidarité et d'amitié autour de lui. L'entraide que ces femmes jetées dans l'enfer se sont manifestées, le courage et la dignité qu'elles ont affichés est une formidable leçon de vie et d'humanité.
« Je voulais essayer de rejoindre chaque lectrice, chaque lecteur sur le terrain de son humanité profonde, parce que je pense que c'est ainsi que se tisse un lien entre tous les hommes, que s'édifie le socle» révélait Geneviève de Gaulle Anthonioz dans une interview.
C'est ce que nous retiendrons de la lecture de ce témoignage intense en émotion à la résonnance universelle.
Commenter  J’apprécie          590
Je viens de relire avec plaisir et beaucoup d'émotion ce petit livre retrouvé par hasard dans ma bibliothèque, cadeau d'une de mes tantes aujourd'hui disparue et longtemps active dans une association d'anciens prisonniers.

Paru en 1998, ce récit rassemble les souvenirs et témoignages de captivité de Geneviève de Gaulle – Anthonioz, nièce du général, résistante, militante des droits de l'homme et de la lutte contre la pauvreté et la discrimination, présidente de l'ATD Quart Monde. Entrée en résistance dès juin 1940, elle fut arrêtée, sur dénonciation, par la Gestapo en juillet 1943 et emprisonnée à Fresnes, jusqu'à ce qu'elle soit déportée, en février 1944, dans des conditions de transport abominables, au camp de concentration de Ravensbrück. Elle devint le matricule : 27372. Là elle a côtoyé la haine et la violence, l'enfer au quotidien, elle a frôlé la mort mais aussi découvert la solidarité entre détenues.

Près de cinquante ans plus tard, elle revient sur les quelques mois passés au secret, dans une cellule individuelle du bunker du camp. Exclues parmi les exclues. Pourquoi l'avoir fait quitter ses camarades du bloc 2 et la mettre à l'isolement dans ce cachot sombre et nauséabond ? Personne ne l'en a avisé, mais compte tenu de ses liens familiaux avec le chef de la France Libre, elle pouvait servir de monnaie d'échange. Ainsi en avait décidé Heinrich Himmler… Si longtemps après, les souvenirs de Geneviève de Gaulle sont encore frais, intacts dans sa mémoire ; une période qu'elle ne pourra jamais oublier et qui sera vraisemblablement à l'origine de son dévouement et de son engagement dans les associations. Dans un langage simple et touchant, mais sans excès, elle raconte son angoisse quotidienne, la sirène et l'appel du matin, les conditions de vie déplorables, la malnutrition, les maladies, la peur de la mort, les fumées des fours crématoires, la solitude et son terrible ennui. Mais elle a fait front se raccrochant à sa croyance en Dieu, bien entendu mais aussi à des petits riens (un regard, un geste) ; elle essayait de s'évader par la pensée, de rêver aux moments heureux, et pour s'amuser (c'est dérisoire) elle organisait des courses de cancrelats dans sa cellule… L'espoir et sa capacité de résilience l'ont aidé à tenir bon, à ne pas flancher même si plusieurs fois elle a senti sa mort prochaine.

Ce récit est bref mais puissant et émouvant, c'est un témoignage exceptionnel écrit avec réalisme et retenue. Sa lecture devrait être indispensable pour ne jamais oublier.

#Challenge Riquiqui 2023
Commenter  J’apprécie          212
Témoignage tout en retenue et pudeur de la nièce du Général de Gaulle, emprisonnée à Ravensbrück.
Ce court récit laisse transparaître une personnalité exceptionnellement forte, hors du commun, généreuse et digne.
Ces quelques pages sont bouleversantes et nous livrent un précieux témoignage de l'indicible, de l'incompréhensible.
Commenter  J’apprécie          50
court acéré, intense, temoignage indispensable, très dur.
Commenter  J’apprécie          40
Très court récit d'une grande résistante déportée à Ravensbrük qui écrit ce texte cinquante ans plus tard et, donc, en le lisant, on se rend compte à quel point une vie reste marquée au plus profond d'elle-même par ce vécu terrible dépassant tout ce que l'on peut imaginer.
Commenter  J’apprécie          40
Peu de mots me viennent à la lecture de ce court témoignage. Les phrases de l'auteur résonnent durablement qui disent si simplement l'horreur de l'univers concentrationnaire que la raison échoue à comprendre.
Il est étrange de voir se côtoyer dans ce livre, la plus basse et cruelle humanité à la plus élevée des dispositions d'âme. Merci à l'auteur de nous avoir fait héritiers de son histoire, de ses souvenirs afin que nous ne permettions pas l'avènement de lois et de systèmes qui nient l'humanité de chacun y compris des plus faibles.
Commenter  J’apprécie          20
Un témoignage très court qui raconte l'horreur des camps de concentration, les faits inimaginables qui s'y sont produits. Un récit important pour ne pas oublier jusqu'où peut aller l'horreur. Je ne met pas 5 étoiles car il me manque des éléments, notamment pour comprendre la fin qui me paraît presque irréaliste.
Commenter  J’apprécie          12
Un tout petit livre, 59 pages mais un ticket pour une descente au fond de l'abîme de l'âme humaine. Ce que Geneviève de Gaulle dépeint, c'est l'enfer tel qu'on a même du mal à l'imaginer.
D'ailleurs, on ne peut s'empêcher de se poser la question : tous ces bourreaux de l'Allemagne nazie sont ils réellement des êtres humains ? Une telle puissance de mal dépasse l'entendement .. Monstres ? Fous ? Démons incarnés ? Tout sauf des hommes ordinaires pense t-on ... Et pourtant ?
Qui saura trancher la question du mystère humain dans ses extrêmes ?
Et à côté de cela, la camaraderie, la solidarité, la fraternité entre les détenues qui font tout pour retarder la déchéance et surtout préserver leur âme de la destruction. Ne pas devenir ces zombies, ces ombres sans regard qui déjà n'ont plus qu'un lointain souvenir de leur humanité massacrée.
Et puis à l'heure de la libération de Paris, un espoir ténu commence à circuler dans le camp de Ravensbruck, c'est alors que Geneviève se voit séparée de ses compagnes et se retrouve dans un des cachots du bunker, seule en proie aux affres de l'incertitude. Son exécution est elle programmée ? Doit elle se préparer à mourir ?
Dans cet état d'esprit elle se remémore les évènements tragiques qui se sont enchaînés depuis son arrestation.
Ce qu'elle ne sait pas, c'est que, en sa qualité de nièce du général De Gaulle, le commandant du camp a décidé de la mettre à l'écart pour lui épargner le sort funeste qui est le lot de ses anciennes compagnes.
Elle reçoit même des médicaments et des vitamines pour la remettre sur pieds et la fortifier.
Jusqu'au jour de sa libération.
Un témoignage inoubliable et percutant dans sa sobriété.


Commenter  J’apprécie          00
Petit livre qui fait du bien.
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (497) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1725 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}