Geneviève de Gaulle : les yeux ouvertsBernadette Pécassou-Camebrac
Calmann-Lévy , (mars 2019)
Résumé
Nièce du général,
G. de Gaulle-Anthonioz a été marquée par son engagement dans la Résistance et son internement au camp de Ravensbrück. Elle consacre sa vie à la défense des plus démunis et soutient le mouvement ATD Quart monde. Un portrait intime construit à partir d'archives et d'entretiens avec ses proches. ©Electre 2019
+ Lire la suite
Du fond de l’abîme, moi aussi j’appelle Dieu comme l’ont fait tant d’autres.
Ce n’est même pas un silence qui me répond, mais la misérable rumeur de ma détresse.
Tandis que nous marchions en titubant de fatigue entre les baraques sombres, sur le sol noir de scories, bien pire que la mort, c'était la destruction de notre âme qui était le programme de l'univers concentrationnaire.
En entrant dans le camp, c'était comme si Dieu était resté à l'extérieur.
Tandis que nous marchions en titubant de fatigue entre les baraques sombres, sur le sol noir de scories, m'obsédait la certitude que, bien pire que la mort, c'était la destruction de notre âme qui était le programme de l'univers concentrationnaire.
Le refus de la misère peut ressaisir ceux qui sont en quête de quelque chose qui donne un sens à la vie.
Ce qu'il faut mendier, c'est la foi. Je me suis aperçue qu'une grande partie de mes incertitudes venait de ce que je comptais encore sur moi-même, alors que c'est à Dieu qu'il faut vraiment tout remettre.
Qu'aurai-je donné tout au long de ma vie, sinon des demi-mesures? Demandez à l'amour de se saisir enfin de tout ce que je garde avec tant d'avarice.
Je ne suis plus seule quand la porte se referme. Mes camarades m'ont rappelé cette chaîne de la fraternité qui nous unit les unes aux autres.
Cette journée du 24 est plus triste et plus longue qu'aucune autre. Elle se termine d'abord par un bruit de portes qu'on ouvre et referme. Puis j'entends des cris et des gémissements. Enfin le silence, qui semble encore plus terrible. Soudain une voix de femme chante Stille Nacht, heilige Nacht... nuit sereine, sainte nuit.
Leurs jambes sont atrocement mutilées, elles sautillent en s’aidant de béquilles rudimentaires. Ces jeunes filles polonaises ont subi des prélèvements d’os et de muscles, certaines jusqu’à six fois, et le chirurgien célèbre, professeur de l’université de Berlin, a contaminé les blessures avec la gangrène, le tétanos ou le streptocoque.
Ainsi prétendait-il démontrer que le Gauleiter Heydrich, qu’il avait soigné après un attentat, ne pourrait survivre aux infections de ses plaies.