Difficile de définir «
Debout-payé » … A priori je ne le classerai pas dans la catégorie « roman », et pourtant c'est ce qu'il est puisqu'il retrace le parcours d'Ossiri, étudiant ivoirien sans papier atterri en France dans les années 1990 qui va devenir vigile.
Mais cette histoire est ponctuée d'interludes, à partir des choses vues, entendues et pensées lorsque Gauz travaillait comme vigile au Camaïeu de Bastille et au Sephora des Champs-Elysées … Ces interludes font toute la richesse du texte. On y découvre tous les travers humains, pointés avec humour par cet homme en noir qui nous a tous mis mal à l'aise en nous scrutant, comme si on était des voleurs potentiels …
Le tout relevé par le regard caustique de l'auteur sur les dérives de la société actuelle : des enfants mi-rois mi-prisonniers, des relations humaines atrophiées, le culte du tout-paraître, etc. Que ce soit sur les Champs-Elysées ou dans un Camaïeu, la bêtise humaine est universelle, et Gauz ne se prive pas de le montrer. Il dresse ainsi un portrait saisissant de la société française, drôle, riche, sans concession.
C'est aussi un portrait assez dur de ce métier où l'on est payé à l'heure passée debout. Un « ennuyeux exploit de l'ennui. »
« Pour tenir le coup dans ce métier, pour garder du recul, pour ne pas tomber dans la facilité oisive ou au contraire dans le zèle imbécile et l'agressivité aigrie, il faut soi savoir se vider la tête de toute considération qui s'élève au-dessus de l'instinct ou du réflexe spiral, soit avoir une vie intérieure très intense. L'option crétin inguérissable est aussi très appréciable. »
Ces interludes sont finalement le plus intéressant dans le texte, grâce à l'humour caustique de l'auteur, qui nous font voir autrement – et à tout jamais – le métier de vigile …
Pour finir je vous laisse sur la manière dont Gauz dissèquent les réactions des gens lorsque le portique sonne … selon les nationalités ou les cultures !
- le Français regarde dans tous les sens comme pour signifier que quelqu'un d'autre que lui est à l'origine du bruit et qu'il cherche aussi, histoire de collaborer.
- le Japonais s'arrête net et attend que le vigile vienne vers lui.
- le Chinois n'entend pas ou feint de ne pas entendre et continue son chemin l'air le plus normal possible.
- le Français d'origine arabe ou africaine crie au complot ou au délit de faciès.
- L'Africain pointe son doigt sur sa poitrine comme pour demander confirmation
- L'Américain fonce directement vers le vigile, sourire aux lèvres et sac entrouvert.
- L'Allemand fait un pas en arrière pour tester et vérifier le système
- le Brésilien lève les mains en l'air. »
Caricatural, oui ! Mais aussi terriblement réaliste … ;)
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