Une fois le livre terminé, ce que j'ai subodoré tout au long de ma lecture s'est confirmé : "la grande surprise littéraire de la rentrée" est une accroche marketing largement usurpée. On y croise certes ici ou là, quelques traits d'humour bien sentis, le tout se laisse lire sans trop d'ennui, mais de là à crier au génie, il y a un pas que - pour ma part - je ne franchirai d'autant pas que certaines des saillies de l'auteur n'ont pas forcément été de mon goût puisqu'elles dénotent à mes yeux un certain courant de pensée communément admis auquel je n'adhère pas (auto-commisération, paranoïa sociale, anthropologie de comptoir...).
Et puis... faut qu'on m'explique un truc.
Quand
Houellebecq écrit son roman (une fiction, donc) "
Soumission" dans lequel il extrapole (de façon fictive) l'avenir d'une France alternative, tout le monde lui tombe sur le poil, arguant d'un fascisme larvé, d'un droitisation de sa pensée, etc...
Quand Gauz ressasse et rabâche ad nauseam les clichés que les africains ont sur les blancs (j'ai bien apprécié notamment les allusions à la "faculté naturelle" qu'auraient "les français" à la délation et à la collaboration avec la police...), lorsqu'il revient sans cesse sur l'indéniable triste héritage laissé en Afrique par le colonialisme, il ne se trouve personne pour que des termes tels que "passéiste aigri", "anti-colonialiste primaire" soient utilisés à son encontre...
Qu'il s'agisse de fiction totalement assumée (
Houellebecq) ou de récit d'inspiration autobiographique (Gauz), j'ai le sentiment qu'en fonction de sa couleur de peau et/ou provenance sociale, un auteur n'est pas jugé à l'aune des mêmes critères par nos journalistes et critiques littéraires... Un peu comme si l'on avait à faire à de la "bienpensance" - primaire, elle-aussi - et que seuls ceux qui ont eu à subir les atroces frasques colonialistes de nos ancêtres (bien réelles, il est vrai) ont toute latitude pour exprimer certains discours limite nauséabonds - y compris sous-couvert de fiction et d'humour décapant...
Houellebecq se sert clairement du genre dystopique pour son dernier roman et une large partie de l'intelligentsia française l'affuble de tous les épithètes et lui impute une pensée nauséabonde... (remarquez, le "1984" d'Orwell n'était guère du goût des communistes à l'époque de sa sortie... Quel drôle d'écho lorsqu'on y songe !...).
Gauz fait dire à son personnage qu'il a préfèré renoncer à terminer ses étude vétérinaires plutôt que d'avoir à soigner les chiens-chiens des "vieilles blanches capricieuses", qu'en France on passe son temps à beaucoup parler dans le vide et aussi que l'administration qui régit la vie des français remonte à napoléon et que, ma foi, c'est quand même bien pénible... Et tout le monde trouve ça décapant, caustique, finement analysé et d'un humour subtil...
L'un comme l'autre ont tout à fait le droit de s'exprimer et manier leur art à l'aide de tous les outils que leur offre notre langue (et liberté est laissée au lecteur de les lire ou pas, les apprécier ou pas, etc..).
J'estime par conséquent que leurs oeuvres - aussi opposées soient-elles - ne devraient pas avoir à souffrir d'un deux poids-deux mesures malheureusement trop fréquent dans les médias français.
Pour ma part et concernant plus particulièrement les mésaventures décrites par "le personnage", je dirais qu'il est fort regrettable de gaspiller une telle intelligence et une telle sagacité (surtout lorsqu'il s'agit d'analyser les petits travers de ses semblables et de sa terre d'accueil) en travaillant pour surveiller la marchandise de Mme Bettencourt...